A l’est d’Oullins, le quartier de la Saulaie va faire l’objet d’un vaste projet d’aménagement urbain. Rencontre avec des habitant·e·s de cet ancien quartier ouvrier, qui oscillent entre résignation et espoir de transformation.
A l’entrée de la Saulaie, les va-et-vient rythment la sortie du métro d’Oullins. Quelques mètres plus loin, le petit quartier semble désert en cette période de vacances scolaires. De son passé ouvrier, la Saulaie en a gardé des immeubles aux façades défraichies. Les mêmes logements accueillaient autrefois les familles de cheminots.
Pour accéder à l’avenue Jean Jaurès au cœur du quartier, il faut contourner les friches situées derrière la gare. Ces grands terrains accueillaient autrefois les ateliers de la SNCF.
Coincée entre le chemin de fer et l’autoroute A7, la Saulaie fait partie des « quartiers prioritaires » de la métropole de Lyon. Comprendre : quartier populaire ou banlieue défavorisée.
Sur les 795 logements existants, 283 sont des logements sociaux. Selon l’Insee, le revenu médian des ménages de la Saulaie est de 1120 euros par mois. A titre de comparaison, le revenu médian est de 1830 euros par mois à l’échelle de la métropole (chiffres 2020).
Un quartier enclavé
« Ce quartier est mort, qu’est-ce que vous voulez y changer ? ».
Du haut de ses 17 ans, Mehdi a toujours vécu à la Saulaie. Survêtement sur le dos et cheveux coiffés à la cire, l’adolescent arpente son quartier en dissimulant son air désœuvré derrière une allure nonchalante. Lorsqu’il parle de ces rues qu’il connaît par cœur, Mehdi sourit un peu tristement :
« J’aime mon quartier mais il m’écœure. Ici tout le monde se connaît, parce qu’on est tous dans la même merde. »
A la Saulaie, selon Mehdi, c’est toute l’année que les jeunes cohabitent avec « l’ennui » :
« Il n’y a pas d’activités organisées pour les jeunes dans le quartier. Alors les gamins trouvent vite quelque chose à faire dans les trafics de drogues. »
A l’image des habitant·e.s du quartier que j’ai rencontrés, il ressort du discours de l’adolescent un sentiment d’isolement :
« L’installation du métro nous a ramené de nouvelles têtes et nous facilite la vie pour nous déplacer. Mais quand on regarde le grand mur de la gare, on comprend vite que le quartier est de l’autre côté. On est séparés ici à la Saulaie. »
« il manque beaucoup de choses à la Saulaie »
Au bout de la rue Pierre Semard, Lamaa habite avec son mari au-dessus de leur épicerie depuis douze ans. Tous les jours, de huit heures à deux heures du matin, le couple de Tunisiens se relaie pour tenir la caisse. Dans les petites allées bien rangées du « Marché d’à côté », Lamaa est devenue un personnage incontournable de la Saulaie.
Tout en servant sa fidèle clientèle, Lamaa explique apprécier « le calme du quartier » mais déplore sa configuration :
« Le passage par la voie ferrée près de mon épicerie a été fermé. Pour accéder au quartier, les gens sont obligés de faire le tour. Nous sommes un point relais et souvent les gens ne trouvent pas le magasin. »
Lamaa estime qu’il manque « beaucoup de choses » du quotidien à la Saulaie, comme un distributeur d’argent ou un lieu permettant d’imprimer. Mère de quatre enfants, Lamaa n’a pas de voiture. Elle regrette l’absence de parcs de jeux et la petite taille de l’école, qui nécessite que ses enfants changent d’établissement après le CE2.
« C’est difficile de devoir courir à droite et à gauche pour récupérer les enfants à différentes sorties d’école. »
Un projet méconnu des habitants
Comme l’immense majorité des habitant·e·s rencontrés, Lamaa n’a jamais entendu parlé du projet d’aménagement du quartier. La Métropole de Lyon et la Ville d’Oullins ont néanmoins exposé le projet sur leur site web respectif (voir ici et là).
Mais la communication ne semble pas encore avoir atteint les gens de La Saulaie. Selon la Métropole, les concertations avec les habitant·e·s, freinées par les confinements, devraient reprendre cet automne.
Porté par la Métropole de Lyon et la Ville d’Oullins, le projet d’aménagement urbain de la Saulaie a été lancé en 2017. Il prévoit notamment de « renforcer la connexion de la Saulaie à Oullins et à l’ensemble de la métropole lyonnaise » et « d’améliorer le cadre de vie du quartier ».
A partir de 2025, près de 136 000 m2 de bâtiments devraient être implantés sur la ZAC de la Saulaie.
Logements, commerces, activités économiques et équipements publics doivent venir remplacer les 20 hectares de friches. Il est prévu également l’installation d’une nouvelle école primaire de 14 classes (de la petite section au CM2) et l’implantation d’une mosquée. Afin « végétaliser le quartier », la Métropole souhaite créer aussi un parc d’un hectare.
Pour la partie du quartier déjà existante, la Métropole promet une « réhabilitation lourde » basée sur le dispositif Ecoréno’v. Mais certains immeubles longeant le bord de l’Yzeron ne sont pas réhabilitables en raison de leur mauvais état. Selon la Métropole, ils feront alors l’objet de « démolitions ciblées ».
Mehdi, qui n’a jamais entendu parle du projet, reste sur la réserve quant à de possibles transformations du quartier :
« Il y a quelques années il y a eu une rénovation dans le quartier. C’était juste un ravalement de façade pour quelques immeubles. Des places de parking ont aussi été retirées, alors que les gens peuvent se battre pour en avoir une. Je pense que cette rénovation a eu lieu à cet endroit uniquement parce que c’était un point de deal. »
« Rendre le quartier plus vivant »
« On ne se sent pas en sécurité à la Saulaie. Beaucoup de mes voisins ont déménagés à cause de ce problème. Le projet pourra permettre de valoriser le quartier. »
Hai a emménagé à la Saulaie il y a quatre ans. C’est le seul endroit à proximité de Lyon où cet auxiliaire de vie a pu trouver un logement adapté à son budget. Mais lorsque le Sauléen marche dans son quartier, il ne s’attarde pas et reconnaît avoir « peur d’y sortir le soir ». Pour lui, il faut « plus de sécurité » et surtout « renouveler le quartier ».
Cet homme de 39 ans est le seul habitant que j’ai croisé qui a eu vent du projet d’aménagement. Mais il déplore que sa mise en place « prenne beaucoup de temps ».
« Il faut que nous retrouvions un vrai lieu de vie. Il s’agirait de rendre le quartier plus vivant avec davantage d’animations pour faire sortir les gens de toutes les générations. A la Saulaie, il manque des bars, des restaurants, des concerts… »
En attendant, la « frontière » entre la Saulaie et le reste de la ville persiste :
« A la Saulaie, on a l’impression de ne pas être dans le même monde, lâche Hai. »
> Contacté, le cabinet de la maire d’Oullins n’a pas pu donner suite.
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