1. La réduction des voitures en dehors du centre de Strasbourg, une ambition au point mort ?
37% : c’est le pourcentage de déplacements effectués en voiture en 2019 dans l’Eurométropole de Strasbourg. Même si cette proportion est en baisse (46% en 2009), cela reste d’une courte tête le mode de transport privilégié juste devant la marche à pied (36,5% ; +3,5 points en 10 ans). Lors du mandat, la municipalité a continué une politique de piétonisation des rues du centre-ville. La majorité PS-EELV (et LREM + Generation.s depuis 2017) a supprimé environ 400 places de stationnement en surface et le stationnement est devenu payant entre midi et 14h. De plus, la société Streeteo a été choisie pour les contrôles, dont la restriction a déjà fait ses preuves, tout comme l’extrême difficulté pour réussir un recours, même quand l’automobiliste est en règle. La Ville a aussi repoussé les cars de tourisme en dehors de l’hyper-centre, qui a la forme d’une île, limité les livraisons de poids-lourds les plus polluants ou entrepris quelques livraisons de chantiers par péniches. Le société coopérative d’autopartage Citiz a accompagné cette diminution des voitures individuelles; en doublant ses abonnés durant le mandat, de 4000 à 8000 dans les 33 communes de l’Eurométropole
Mais la piétonisation grandissante entraîne une difficile cohabitation. L’espace libéré des véhicules est occupé par les terrasses (sur les côtés) et les piétons (au centre). Difficile d’y trouver des axes fluides traversants pour les cyclistes, tout comme de contourner le centre-ville. Un comble dans la ‘“capitale du vélo”. La municipalité tente alors de remettre les vélos, il est vrai pas toujours très disciplinés, sur les axes désormais moins engorgés, avec ce qu’on appelle des “Vélorues”. Sur ces voies, les bicyclettes sont prioritaires et utilisent le centre de la chaussée.
Ça patine en dehors du centre
En dehors du centre et ses abords, les efforts pour la réduction de la place de la voiture sont moins visibles. D’ailleurs les dépenses publiques pour les transports en commun n’ont jamais retrouvé leur niveau de 2014. L’extension de tram au nord s’est faite à la place d’habitations et jardins, sans toucher aux axes de circulation. Idem pour le tram vers l’Allemagne, construit sur des friches portuaires parallèles à une vaste avenue encombrée. Vers les quartiers populaires de l’ouest, c’est la variante la moins disante qui l’a emporté. La prolongation envisagée de la seule ligne de bus à haut niveau de service (BHNS) depuis la gare, a quant à elle été repoussée au mandat suivant.
Alors que l’utilisation ou non des vignettes Crit’air incombera au futur maire de Strasbourg, les maires de 1ère et 2ème couronne insistent pour plus d’offres en transports en commun depuis la périphérie. Six lignes “à la demande”, à réserver 30 minutes à l’avance, ont été lancées fin 2019.
Enfin, après une expérimentation à l’été pour bloquer les voitures aux heures d’entrée et de sortie d’une école, la concrétisation via des bornes automatiques est toujours attendue.
2. Les alternatives à la bagnole calent à Bordeaux Métropole
Les élus sont rarement contents d’être sous la barre des 50%. Pourtant, ce fut « une grande étape franchie par Bordeaux Métropole », claironnait en 2017 la collectivité, que le passage de 59% des déplacements réalisés en voiture (en 2009) à 49%, selon la dernière enquête mobilité ménages.
Pour l’agglomération bordelaise, cela légitimait les investissements colossaux réalisés essentiellement dans le tramway depuis 2000 : plus de deux milliards d’euros pour quatre lignes, dont la dernière en date, la D, sera inaugurée en décembre.
Pourtant, l’utilisation des transports collectifs n’a que faiblement augmenté, de 10% à 12% des déplacements. Ce qui met le point de part modale à un prix un peu chérot d’1 milliard d’euros…
RER Gilets jaunes
A tel point que des associations (TransCub) et des élus métropolitains, dont Vincent Feltesse, ancien président (PS) de la métropole et actuel candidat (sans étiquette) à la mairie de Bordeaux, et son rival écologiste Pierre Hurmic, remettent en cause la politique du tout tramway.
Ceux-ci critiquent les extensions de ligne onéreuses vers celles des 28 communes de la métropole qui ne sont pas encore desservies – des projets sont notamment à l’étude vers Saint-Médard-en-Jalles, Talence ou Gradignan, des communes cossues, dans la majorité divers droite à la métropole, et toutes situées sur la rive gauche de la Garonne.
Ils plaident en revanche pour multiplier les lignes de bus ou de trains circulaires – le RER métropolitain, qui s’appuiera sur l’augmentation des fréquences de TER -, reliant davantage l’agglomération au reste du département.
Successeur d’Alain Juppé à la mairie de Bordeaux Nicolas Florian (Les Républicains), est d’accord avec son opposition sur ce point, voudrait d’ailleurs imposer le terme de RER Girondin. Après une année de secousses de l’ex Belle endormie par les Gilets jaunes, cela permettrait de souligner les efforts de la ville pour améliorer la mobilité quotidienne des Girondins.
Ceux-ci sont en effet régulièrement coincés dans les bouchons sur la rocade de Bordeaux, où se concentre 80% des emplois du département, quand le prix galopant des logements repousse toujours plus loin de la ville-centre ses travailleurs.
Voilà qui explique au passage un recul de la voiture en fait très relatif : il est surtout du au doublement de la pratique du vélo (de 4 à 8%) et à la croissance de la marche à pied (29% des déplacements contre 24% en 2009).
Sur le pont
Dans l’absolu, la distance parcourue par l’ensemble des Métropolitains a augmenté de 4,7% par rapport à 2009 (à périmètre constant), pour atteindre 11,1 millions de kilomètres par jour… dont 8,3 en voiture. Celle-ci représente ainsi 75% des kilomètres réalisés en 2017, contre 74% en 2009. Et chaque ménage de la métropole dispose de 1,25 voiture, contre 1,23 en 2009, et passe toujours plus de temps au volant…
Les responsables locaux ne sont pourtant pas restés les bras ballants. Le dernier mandat d’Alain Juppé à la mairie de Bordeaux aura ainsi été marqué par l’interdiction aux voitures du pont de pierre. Après une phase d’expérimentation, ce monument symbolique de la ville est désormais réservé aux modes doux et aux transports collectifs.
Plus impactant encore aura été la généralisation du stationnement résidentiel payant dans quasiment tout le centre ville. Alors qu’en 2014 il était encore possible de se garer gratuitement, chaque automobiliste doit désormais passer au parcmètre. Et si les Bordelais disposent d’un tarif préférentiel, celui-ci se limite à un seul véhicule par ménage. L’effet de ces deux mesures a été significatif sur le report modal, poussant un nombre important de gens à laisser Titine au garage.
Culture bagnole
Mais lorsqu’Alain Juppé a voulu étendre le stationnement payant au delà des boulevards, et notamment dans les quartiers aisés formant le cœur de son électorat, il s’est heurté à la fronde vigoureuse de riverains. L’ancien maire a préféré faire machine arrière. L’ex président de la métropole a aussi repoussé aux calendes grecques un projet pourtant bien avancé de ZFE (zone à faible émission), restreignant l’accès du centre aux véhicules propres.
Car la culture bagnole-pavillon de banlieue à l’américaine reste solidement ancrée dans la métropole bordelaise, très étendue (la même taille que Lyon pour deux fois moins d’habitants). Elle s’illustre par la quasi absence de politique coordonnée des 28 maires sur le stationnement, ou par la priorité donnée à la route (très coûteux passage à 2X3 voies de la rocade, projet ressorti des limbes de grand contournement autoroutier…).
Pourtant, des investissements conséquents, mais plus modestes, comme le Plan vélo, ont rapidement prouvé leur pertinence.
Les concertations qui s’ouvrent à quelques mois des municipales sur l’aménagement des boulevards, cette autoroute urbaine ceinturant Bordeaux et la séparant de ses voisines (Mérignac, Pessac, Bègles…), ou sur la route de Toulouse, seront un bon test. Les candidats se mouilleront-ils pour faire reculer la place écrasante de la voiture à Bordeaux ? Peu d’entre eux ont pour l’heure exposé leurs idées sur les transports – on attend notamment celles du Marcheur Thomas Cazenave. Mais certains voudraient aller loin : Vincent Feltesse propose par exemple d’interdire le stationnement de surface aux voitures particulières dans l’intra-boulevard, et de mettre à l’étude un péage urbain.
3. A Lyon, l’aller-retour des autoroutes urbaines
Dans la métropole de Lyon, 42% des trajets étaient effectués en voiture en 2015, contre 48% en 1995 (d’après l’enquête déplacements du Sytral 2014-2015 (la dernière en date). Dans le centre métropole (Lyon et Villeurbanne), seuls 26% des déplacements se font en voiture en 2015.
Une baisse qui ne suffit pas pour atteindre des niveaux de pollution acceptable sur un plan strictement réglementaire et qui n’empêche pas d’énormes bouchons de paralyser une partie de l’agglo aux heures de pointe. Et pour cause. Selon le dernier rapport de Coraly (en charge de la coordination et de la régulation du trafic à Lyon), le trafic routier a augmenté de 7 % sur l’agglomération entre 2013 et 2018. Le rapport note également des « des conditions de circulation dégradées sur la plupart des itinéraires ».
Durant ce dernier mandat, on a vu exploser l’usage de vélo. Au point de constater les premiers embouteillages de cyclistes.
De janvier à mai 2019, l’association La Ville à Vélo a noté une augmentation de 18% du nombre de cyclistes, bien au-delà des 10 à 15% supplémentaires chaque année depuis dix ans. L’objectif de 1000 km d’aménagements cyclables d’ici 2020 devrait être atteint. A noter notamment une piste cyclable « express », complémentaire à la voie verte des quais du Rhône achevée à l’été 2018.
Mais pour les associations d’usagers du vélo, les aménagements sont déjà sous-dimensionnés.
Parallèlement au vélo, les transports en commun ont continué de ce développer dans l’agglomération lyonnaise. Mais sans réalisation d’envergure. A noté toutefois : une sixième ligne de tram qui devrait être mis en service prochainement, un métro B prolongé jusqu’aux Hôpitaux Sud prévu pour 2023. Et le lancement d’un métro E.
Comme ailleurs, les problèmes demeurent hors centre-métropole. Dès la première couronne le maillage est beaucoup plus lâche, avec essentiellement des bus aux fréquences réduites. A ce tableau, il faut ajouter, pour les habitants de la grande périphérie, des parkings relais surchargés et des TER dont les fréquences et la ponctualité restent insuffisantes. Mis à part pour celles et ceux qui vivent et travaillent dans le centre de la métropole (Lyon+Villeurbanne), s’en remettre entièrement aux transports en commun reste donc une gageure.
La fin d’une autoroute et la création d’une nouvelle
C’était la grosse annonce de ce mandat 2014-2020, en matière de transport : la réparation d’une absurdité urbaine, celle de deux autoroutes (l’A6 et l’A7) éventrant Lyon par le tunnel sous Fourvière.
En 2016, Gérard Collomb, alors président de la Métropole, a obtenu de l’Etat leur déclassement et leur transformation en deux boulevards urbains. Comme condition à la réalisation de cette mutation, il avait promis un péage urbain de « transit » pour pénaliser les véhicules qui ne font que passer par l’agglomération lyonnaise. Mais un amendement à la loi d’orientation des mobilités (LOM) allant dans ce sens a été rejeté fin mai.
Reste la réalisation du bouclage du périph’ lyonnais d’ici 2030 TOP rebaptisé « Anneau des sciences » qui avait été remisé au placard et qui a refait surface à l’occasion de ce déclassement de l’A6/A7.
Les oppositions sont nombreuses contre ce projet d’Anneau des Sciences. L’arrêt de l’ »ADS » est notamment au cœur des revendications des Marches pour le climat lyonnaises. Mais le bouclage du périphérique est toujours ardemment défendu par Gérard Collomb et, encore, par son rival David Kimelfeld comme la condition sine qua non au déclassement des deux autoroutes urbaines.
La Zone à faibles émissions (ZFE) mise en place par la Métropole au 1er janvier 2020 à Lyon, Villeurbanne, Caluire-et-Cuire et à certains endroits de Bron et Vénissieux est une tentative de limiter le trafic routier. Mais les véhicules des particuliers ne sont pas concernés.
A Lyon, l’actuel président de la Métropole David Kimelfeld aimerait s’aligner sur les capitales qui interdisent les voitures dans le centre-ville. L’expérimentation de la piétonisation de la Presqu’île (l’hypercentre) un samedi par mois pendant six mois pourrait déboucher sur une pérennisation en septembre 2021. Après les élections de mars 2020 donc.
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