« Je suis fatigué de répéter les mêmes paroles, et qu’il n’y ait pas de réponses », énonce Mohammed devant la centaine de tentes du campement des Chartreux (Lyon 1er). Devant journalistes, élus et collectifs, il fait le bilan de « l’état catastrophique » des conditions de vie dans le parc. Plus de 250 jeunes migrants survivent dans ce jardin depuis fin janvier, en attente d’une reconnaissance de leur minorité par un juge des enfants.
Le campement doit bientôt être évacué sur demande de la mairie de Lyon car des travaux y sont prévus cet été. Le tribunal administratif a autorisé la commune, dans une ordonnance du 18 avril, à faire appel à la force publique pour procéder à l’évacuation à partir du 18 mai. Aucune solution n’est pour le moment prévue pour ces mineurs isolés.
« C’est aux autorités de trouver une solution » pour les mineurs isolés de Lyon
« On ne dit pas non à l’évacuation. Mais il nous faut des solutions, plaide Mohammed. On va aller où ? Ce n’est pas à nous ni aux bénévoles de trouver des solutions, c’est aux autorités. »
Contactée, Sophia Popoff (Les Écologistes), adjointe au logement et à l’hébergement d’urgence à la Ville de Lyon, répète que c’est à l’État de prendre ses responsabilités. « Le maire a adressé un courrier à la préfecture pour demander à ce qu’elle établisse un diagnostic, recense et prenne en charge ces jeunes afin que l’on n’ait pas à faire usage de la force. L’évacuation permettra d’entamer les travaux, votés en conseil municipal, et qui sont attendus depuis le mandat précédent », résume l’élue.
L’adjointe rappelle les dispositifs mis en place par la communalité : fin janvier, elle a ouvert 160 places au sein d’un bâtiment pour une partie des jeunes évacués du campement du Béguin (Lyon 7e). Mais elle souligne « l’impossibilité » pour la Ville de « répondre à tous les besoins d’un problème d’ampleur nationale et qui nécessite une réponse de l’État ».
Une réponse que répète aussi la Métropole de Lyon lorsqu’elle est attaquée sur les enjeux d’hébergement d’urgence. Contactée, Lucie Vacher (Les Écologistes), vice-présidente en charge de l’Aide sociale à l’enfance, n’a pas donné suite à nos sollicitations au moment où nous publions cet article. Interrogée par Rue89Lyon en février sur la situation des mineurs isolés de Lyon, elle admettait que les structures d’hébergement « Stations » qui comprennent 102 places, ne « couvrent pas l’ensemble des besoins ».
Également sollicitée, la préfecture du Rhône ne répond pas sur la situation particulière des mineurs isolés des Chartreux. « En 2024, la Préfète a autorisé l’ouverture de 300 places supplémentaires qui ont été immédiatement occupées. En décembre 2024, nous avons inauguré un centre d’accueil comprenant 110 places pour les enfants et les femmes victimes de violences. », communique-t-elle. « La solution la plus responsable ne réside pas dans l’ouverture compulsive de places supplémentaires », ajoute-t-elle.

Pour les mineurs isolés de Lyon, l’incessant « renvoi de responsabilité »
Les mineurs isolés en recours sont, d’après le collectif Soutiens/Migrants Croix-Rousse, « victimes d’une faille législative qui entraîne un renvoi de responsabilité entre l’État et les collectivités territoriales pour la prise en charge des mineur·es en recours ».
La situation bloque depuis plusieurs années en raison de la non-inscription dans la loi de la présomption de minorité jusqu’à la décision définitive du juge des enfants. En mai 2024, 27 organisations ont saisi le Conseil d’État pour contraindre les autorités françaises à mettre le dispositif de mise à l’abri et d’évaluation des mineurs isolés en conformité avec les exigences posées par la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE).
« Personne n’accepterait de voir ses enfants dans ces conditions »
Aux Chartreux, la situation devient « intenable ». Lors de notre passage sur les lieux, en février, ils étaient environ une centaine. Aujourd’hui, il ne reste quasiment aucun espace sans tente. Le campement n’a cessé de croître car il afflue toutes les semaines une vingtaine de jeunes dont la minorité n’a pas été reconnue par Forum Réfugiés.
L’association est mandatée par la Métropole pour réaliser l’évaluation de leur âge. Une procédure très critiquée et qui ne reconnaît pas la minorité de 70% des jeunes se présentant à la structure. Le recours auprès du juge des enfants peut prendre des mois, mais aboutit dans 80% des cas.
En attendant, les jeunes se retrouvent à la rue. « Personne n’accepterait de voir ses enfants dans ces conditions », expose un autre jeune qui prend la parole à la suite de Mohammed. « On ne mange pas tous les jours, on ne se lave pas tous les jours », poursuit-il. Il explique comment leur déplacement à travers la ville est compliqué, « à cause des contrôleurs ». Une situation qui génère peur et stress.
« On n’est pas [dans ce parc] parce qu’on veut rester, mais on n’a nulle part où aller, on n’a aucune famille en France. Nous ne sommes pas dangereux, nous sommes en danger », clame Mohammed.
Après une courte pause, il lâche : « On veut juste que nos droits soient respectés. » Une demande qui ne cesse d’être répétée au fil des manifestations organisées pour dénoncer la situation des mineurs isolés de Lyon.
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