C’est un chèque que Fabien attend avec impatience. Pour la somme, mais, surtout, pour le symbole. Le locataire a réussi à faire condamner son ex-propriétaire en justice pour non-respect de l’encadrement des loyers : une première à Lyon.
Il doit récupérer 1 700 euros de dépassement de loyer, complété par environ 600 euros de garantie, 400 euros de charges et 1 000 euros de pénalités liées au retard de remboursement du dépôt de garantie. Le fruit de deux ans de procédure et d’un procès.
« Je suis arrivé en novembre 2022 dans une colocation de six personnes. Je payais un loyer de 600 euros pour ma chambre, retrace-t-il. Mes amis m’ont dit que c’était cher, mais cela faisait trois mois que je cherchais un logement, alors que j’avais pourtant un bon dossier. » À ce moment-là, l’ingénieur a 24 ans. Il n’a pas connaissance de l’encadrement des loyers en vigueur à Lyon et Villeurbanne depuis le 1er novembre 2021.
Un simulateur pour tester la conformité de son loyer à Lyon
Ses amis lui en parlent et lui conseillent de comparer son loyer aux plafonds légaux, sur le simulateur mis en place par la Métropole de Lyon. Surprise : le montant demandé par son propriétaire est trop élevé de plus de 200 euros, sans compter les charges. Ce qui est le cas pour tous les colocataires. « 200 euros de trop par personne, ça faisait 1 200 euros en plus par mois pour le propriétaire ! », s’exclame Fabien.
Avec l’une de ses colocataires, il commence des démarches pour demander à son propriétaire de se mettre en conformité. « J’ai vu un premier avocat dans une consultation gratuite auprès du tribunal, explique-t-il. Il a écrit une lettre de mise en demeure à notre propriétaire, ce qui n’a rien changé. On a envisagé d’aller plus loin, mais les honoraires d’avocat étaient trop chers ». Le jeune homme est alors un peu perdu, il se « sent seul » dans ses démarches. « On était prêts à abandonner », se souvient-il.
Jusqu’à ce que la Métropole de Lyon le redirige vers la Confédération sociale des familles (CSF), une association d’aide aux locataires. « La CSF nous explique la suite de la procédure et nous dit que nous ne devons pas cesser de payer les loyers, car cela pourrait nous être reproché », détaille Fabien.
« Cette histoire est une situation courante, surtout dans les colocations, déplore Tennessee Garcia, représentant de la CSF 69. Les propriétaires estiment que c’est le prix du marché, mais cela leur permet de dépasser de deux à trois fois le plafond légal. »

La commission de conciliation : étape cruciale pour faire baisser son loyer à Lyon
La procédure se poursuit, avec une étape incontournable : la commission départementale de conciliation. Elle vise à trouver un accord à l’amiable entre les locataires et le propriétaire, tous deux convoqués. « Dans la majorité des cas, on trouve un accord lors de cette commission ou dans les jours qui suivent, car les propriétaires se rendent compte de ce qu’ils risquent », explique Tennessee Garcia.
Mais pour Fabien, le propriétaire s’entête. Il entame alors une action en justice en décembre 2023, toujours accompagné de sa colocataire. Entre-temps, il a déménagé, du fait des tensions que la procédure a suscitées avec son propriétaire. La CSF met les deux colocataires en lien avec un cabinet d’avocat, qui se rémunère seulement après victoire lors d’un procès.
L’audience devant le tribunal se tient en octobre 2024. « C’était rapide, nous n’avons que très peu parlé, décrit Fabien. C’est frustrant parce que j’avais accumulé des émotions pendant cette longue procédure. Je savais que j’avais raison depuis le début et j’attendais juste d’avoir la reconnaissance de la justice. » C’est chose faite, d’autant que le propriétaire n’a pas fait appel. En plus des sommes liées au loyer, ce dernier a aussi été condamné à payer les frais d’avocat des colocataires.
« Nous espérons que cette première condamnation donne confiance aux locataires »
« On est fiers de tout le chemin parcouru et d’être la première condamnation pour non-respect de l’encadrement des loyers à Lyon », se félicite Fabien, qui ne veut pas devenir un « étendard » mais une histoire à laquelle s’identifier.
« On ne peut pas laisser passer ces abus : les locataires ont aussi des droits et le propriétaire a des devoirs. Si on n’est pas capable de respecter la loi, on ne fait pas des investissements immobiliers », conclut-il.
Ce n’est pas Tennessee Garcia qui va le contredire. Le militant est très satisfait de cette première condamnation. « Nous espérons que cela donne confiance aux locataires, souhaite-t-il. Qu’ils se disent qu’ils peuvent récupérer des centaines, voire des milliers d’euros. Le deuxième objectif est que ça fasse écho auprès des propriétaires pour les amener à se mettre en conformité. »
Alors que l’encadrement des loyers est mis en place depuis plus de trois ans, nombre d’annonces sont encore bien au-dessus des prix légaux. Ce qui pourrait bien amener à d’autres condamnations du genre.

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