Dimanche 6 avril a eu lieu la « marche pour la vie » à Lyon, organisée par plusieurs associations, mais surtout chapeautée par le mouvement « génération pro vie« . 700 personnes, 1 500 selon les organisateurs, se sont rassemblées à 15 heures au départ de la place Louis-Pradel (Lyon 1er) pour défiler jusqu’au palais de Justice (Lyon 5e). Ils étaient venus « lutter contre l’avortement et l’euthanasie ».
La déambulation, organisée tous les ans, fait graviter autour d’elle de nombreuses associations anti-IVG, des milieux d’extrême droite, des catholiques réactionnaires et des groupes comme les royalistes de l’Action Française, présents ce jour-là comme l’attestent leurs réseaux sociaux.
Une manifestation se voulant familiale et festive, mais qui n’accepte pas tout le monde. Plusieurs journalistes n’ont ainsi pas pu suivre le cortège.
« Cinq personnes m’ont encerclée » : notre journaliste intimidée pendant la marche « pro vie »
Journaliste indépendante travaillant régulièrement pour Rue89Lyon, Méline Pulliat en a fait les frais. Dimanche dernier, elle se rend dès 15 h au départ de la manifestation. À peine quelques dizaines de minutes après le départ du cortège, elle est interpellée par un homme qui lui demande « ce qu’elle fait là », « pour quel média elle travaille » et si ce dernier est « de droite ou de gauche ». Elle montre alors sa carte de presse, et l’homme la laisse partir.
Une centaine de mètres plus loin, deux hommes, assez jeunes, dont l’un avec un talkie-walkie à la main, l’approchent. Cette fois-ci, on intime plus directement à notre journaliste de cesser de prendre des photos. « Nous avons des photographes, vous pourrez utiliser leurs photos », lui disent-ils. Ce qu’elle refuse, répétant plusieurs fois qu’elle a le droit de prendre des photos. La manifestation se déroule sur la voie publique et a été déclarée et autorisée en préfecture.

L’explication ne semble guère avoir convaincu ces deux hommes, qui ne font pas officiellement partie du service d’ordre. Ses membres sont, en théorie, reconnaissables avec leurs gilets orange. Ils font appel à un autre homme, portant une casquette noire et des lunettes de soleil, pour l’empêcher d’avancer, la suivre et la coller de près à chacun de ses mouvements.
« Il me suivait à la trace, s’approchait très près de moi quand j’essayais d’avancer. Je suis repartie en arrière pour tenter de continuer mon travail, mais il m’a rattrapée. Puis lui et quatre autres jeunes hommes se sont mis à m’encercler. Celui qui me suivait s’est montré de plus en plus menaçant, m’empêchant de prendre des photos. J’ai pris un peu peur », raconte Méline qui finit par quitter le cortège.
Deux autres journalistes victimes de ces « méthodes »
Ces « méthodes » ont été employées sur d’autres journalistes. Une photojournaliste qui souhaite rester anonyme s’est rendue à la marche aux alentours de 15 h 45. Appareil photo autour du cou, elle a aussi été approchée par trois hommes. « Ils se sont avancés vers moi de manière oppressante. J’ai été bloquée contre la barrière au bord du cortège. Leur regard était intense et ils ne m’ont pas adressé un mot », raconte-t-elle.

Elle a alors eu « un petit moment de panique » et a décidé de s’extirper sur le côté. Quelques minutes plus tard, une autre personne l’a empêché de prendre des photos. « Il a fait des gestes vers l’appareil en me répétant ‘photo interdite’. Je lui ai dit plusieurs fois qu’il s’agissait de l’espace public et que j’avais le droit de faire mon travail », décrit-elle. 15 minutes chrono après son arrivée, elle a donc décidé de repartir.
Un autre photojournaliste raconte une expérience similaire. « Deux personnes sont arrivées vers moi, grands et costauds, ils m’ont un peu coincé contre le mur », dépeint-il. Le journaliste dit ensuite avoir été suivi dans le cortège, pointé du doigt par le service d’ordre. « Je ne me sentais pas en sécurité, j’ai eu peur des menaces physiques et matérielles », poursuit-il. Il finira lui aussi par partir, à peine 30 minutes après son arrivée.
Ces journalistes n’ont donc pas pu couvrir correctement l’évènement. « Ça a empiété sur mon travail, on voit que les quelques photos que j’ai réussi à prendre sont faites dans la précipitation », rapporte la première. Elle nous fait part de son agacement et affirme vouloir « continuer à couvrir ce que je veux, car je suis dans mon droit. »
Ces personnes répondaient-elles à une demande du service d’ordre ou opéraient-elles de façon autonome ? Nous avons tenté de contacter l’organisation de la « Marche pour la vie » pour en parler. À l’heure où nous écrivons ces lignes, ce mardi 8 avril, cette dernière n’avait pas répondu à nos questions.

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