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Nucléaire : à Bugey, un débat sous haute-tension s’ouvre sur les futurs EPR 2

La centrale nucléaire du Bugey (Ain) a été choisie par le gouvernement pour accueillir deux réacteurs EPR 2 à l’horizon 2040. Avant le début du projet, un débat public de quatre mois est organisé avec les habitants de la région, à partir de mardi 28 janvier. Les opposants s’inquiètent, notamment, pour l’avenir du Rhône.

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La centrale du Bugey à Saint-Vulbas, à 30 km de Lyon et 70 km de Genève. Un débat public sur l'installation de deux réacteurs EPR 2 démarre mardi 28 janvier.
La centrale du Bugey à Saint-Vulbas, à 30 km de Lyon et 70 km de Genève. Un débat public sur l’installation de deux réacteurs EPR 2 démarre mardi 28 janvier.

C’est, sans aucun doute, le sujet chaud de ce début d’année 2025. Ce mardi 28 janvier, un débat public organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP) s’ouvre sur l’avenir de la centrale du Bugey. La plus vieille centrale nucléaire de France encore en activité va connaître de nouveaux quelques débats enflammés. Et pas des moindres.

Ils concernent l’installation de deux EPR 2, dont le coût pourrait s’élever à 15, voire 16 milliards d’euros, a minima. « Un projet majeur qui va concerner l’Ain, le Rhône et l’Isère », soulignait à propos la préfète Fabienne Buccio, lors de ses vœux.

Situé à 35 kilomètres à l’est de Lyon, le site du Bugey abrite déjà un réacteur en cours de démantèlement et quatre réacteurs d’une puissance de 900 MW chacun (du même modèle qu’à Fessenheim), mis en service en 1978 et 1979.

Après plus de 45 ans de fonctionnement (pour des réacteurs conçus initialement pour fonctionner pendant 40 ans), ils sont les doyens du parc nucléaire français, surveillés par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), et parfois épinglés par le gendarme du nucléaire pour leurs fragilités.

Le projet du Bugey comporte une spécificité : ce serait le premier EPR 2 à se trouver au bord d’un fleuve et non de la mer. Il devra donc fonctionner en « circuit fermé ». L’eau « impropre » ne devrait donc pas finir dans le fleuve. N’empêche, cela peut quand même poser quelques questions et difficultés…

Pétition : « La technologie des EPR ne marche pas »

« La technologie des EPR ne marche pas et va affecter énormément le territoire », marque à propos Maxime Meyer, conseiller régional et coprésident du groupe écologiste, qui fait partie du collectif des élu.es contre les EPR. Avec 178 élus, il lance une pétition contre le projet (lire par ailleurs).

« Il ne faut pas y voir une attaque purement anti-nucléaire. Nous avons une approche pragmatique (…) Il existe des alternatives plus rapides et plus efficaces. »

Les EPR 2 pèseraient sur un milieu aquatique déjà fragilisé. Pour refroidir la centrale, de l’eau serait prélevée dans le Rhône, avant d’y retourner. « L’eau est rejetée plus chaude qu’avant. Même avec seulement quelques degrés de différence, on détruit des espèces entières, s’inquiète l’élu écologiste. En plus de cela, à quelques degrés près, les bactéries et les éléments physico-chimiques de l’eau changent et elle peut ne plus être potable. »

Cela alors que l’Agence de l’eau prévoit une baisse du débit du Rhône d’un tiers en moyenne en 2050. Pour rappel : le fleuve est déjà utilisé comme eau potable par plus de deux millions de personnes et ses nappes phréatiques servent aux agriculteurs et aux industriels. D’où des inquiétudes.

En face, la préfète parle de 8000 emplois créés au pic des travaux, en plus de la nécessité de créer de l’énergie. Une paire d’EPR doit permettre de produire 40 % de la consommation d’électricité de la région Auvergne Rhône-Alpes. Problème cependant pour le collectif : les emplois créés ne seront pas pérennes.

Bien que la partie semble, a priori, jouée d’avance, ils ont décidé de participer au débat public. Un choix défendu par Maxime Meyer, qui comprend néanmoins la défiance des citoyens : « Quand on ne s’occupe pas de la politique, la politique s’occupe de nous quand même ! Il faut venir et être le plus possible pour poser les questions qui dérangent. »

« Il faut faire bouger les lignes ! » pour FNE

Dans l’Ain, Marjorie Lathuilliere, coprésidente de France Nature Environnement (FNE) Ain, ne snobera pas non plus le débat public. Elle regrette cependant un manque de discussions autour de projets majeurs :

« Prévoir 6, voire 14 EPR, dans une décennie où le GIEC a indiqué qu’il fallait agir dans les énergies renouvelables pour ne pas foncer dans le mur… Cela ne va pas dans le bon sens ! » 

L’hiver dernier, l’association avait participé à la concertation publique sur le projet de barrage sur le Rhône, Rhônergia, qui a ensuite été abandonné, notamment parce qu’il aurait gêné la mise en œuvre des EPR 2. « Ici, on ne pourra pas obtenir l’annulation du projet, mais on est convaincu que ce n’est pas la solution. Il faut en parler pour faire bouger les lignes ! » 

Un débat public… Pour rien ?

Le débat durera du 28 janvier au 15 mai, avec huit réunions publiques, retransmises sur la chaîne YouTube de la CNDP, des débats mobiles dans les marchés, des visites de la centrale, ou encore le travail d’un groupe citoyen d’une trentaine d’habitants tirés au sort. Des partenariats avec le rectorat, les universités ou les quartiers “Politique de la ville” seront organisés. Le but ? Toucher tous les publics, même les plus éloignés. 

Un autre temps fort est prévu le 20 février, à Vaulx-en-Velin, avec un forum, où les acteurs du projet (maîtres d’œuvre, élus, associations, opposants, etc.), seront présents pour échanger avec les citoyens.

Mais au final, les citoyens seront-ils vraiment écoutés ? Comme le rappelle le président de la CNDP, Marc Papinutti : « le débat public n’est pas un référendum ». Il s’agit plutôt de faire une cartographie des avis et des questionnements « ce qui aboutit, en moyenne, à une évolution de deux-tiers des projets. » Un des seuls points sur lesquels l’avis du public pourrait compter, c’est le choix entre deux tours de 200 m de haut ou quatre tours de 161 m de haut pour assurer le refroidissement.

La commission produira, le 15 juillet, un compte-rendu, transmis aux maîtres d’œuvre. Ils devront le prendre en compte et décider (ou non) de poursuivre le projet.


#centrale nucléaire du Bugey

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