1er mois à 1€

Actualités, enquêtes à Lyon et dans la région

Chez Grand Lyon Habitat, onze salariés précaires au chômage après un imbroglio juridique

Onze agents de nettoyage, employés chez le bailleur public Grand Lyon Habitat, sont au chômage technique depuis le 1ᵉʳ janvier. En raison de dispositions légales complexes, le nouveau prestataire chargé de la propreté n’a pas prolongé leurs contrats. Une situation qui illustre les difficultés d’un métier précaire et déconsidéré, souvent occupé par des femmes.  

,

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89Lyon, abonnez-vous.

Une trentaine de militants CFDT s'était rassemblée devant le siège de Grand Lyon Habitat pour exiger la reprise des 11 salariés qui nettoyaient les lieux. Photo EM/Rue89Lyon.
Une trentaine de militants CFDT s’était rassemblée devant le siège de Grand Lyon Habitat pour exiger la reprise des 11 salariés qui nettoyaient les lieux. Photo EM/Rue89Lyon.

Jusqu’au 1ᵉʳ janvier dernier, Samira Zammouri, 47 ans, effectuait le ménage dans les locaux de Grand Lyon Habitat (GLH), l’un des plus gros bailleurs sociaux publics de la Métropole, pour le compte de l’entreprise de nettoyage Isor.

Depuis, elle et ses dix collègues n’y travaillent plus. Après un appel d’offres, le marché de l’entretien a été remporté par un nouveau prestataire, 124 Services, une association lyonnaise pour l’insertion professionnelle. Le contrat de Samira, comme celui de ses collègues, n’a pas été reconduit.

Pourtant, la convention collective des entreprises de propreté et services stipule qu’un prestataire remportant un marché doit conserver les salariés travaillant sur le site. Mais 124 Services étant une association, elle n’est pas soumise aux règles de la convention collective.

Samira travaillait depuis 2021 dans les locaux de Grand Lyon Habitat. Trois heures par jour, de 17 à 20 heures, pour environ 600 €. « Dans l’entreprise pour laquelle je travaille le matin, lorsque le prestataire a changé, on a été repris. Là, ils n’ont pas pensé aux salariés, ils nous ont jeté comme si nous n’étions rien. » 

Nettoyage à Grand Lyon Habitat : une situation insoluble

Une situation insoluble dénoncée par les syndicats. Le 20 janvier dernier, Samira et ses collègues, soutenues par une trentaine de militants CFDT, ont occupé les locaux du siège de GLH pour exiger un entretien avec le directeur général, Jean-Noël Freixinos. Sans succès. Rue89Lyon a pu rencontrer les salariés concernés lors de cette mobilisation.

Les dix employées pour le nettoyage des locaux, toutes des femmes âgées d’au moins 40 ans, racontent la même situation : celle de femmes précaires, employées par plusieurs prestataires du nettoyage, tôt le matin et tard le soir. 

Ces six femmes font partie des onze anciennes employées au nettoyage des bureaux de Grand Lyon Habitat. Photo EM/Rue89Lyon.
Ces six femmes font partie des onze anciennes employées au nettoyage des bureaux de Grand Lyon Habitat. Photo EM/Rue89Lyon.

La salariée la plus ancienne, Garma Ebtisam, 49 ans, travaillait pour Grand Lyon Habitat depuis 14 ans. Celle qui « n’a jamais été absente, jamais en retard », espère qu’elle et ses collègues seront reprises à leur poste, car la perte de son emploi la met financièrement en difficulté. 

Une difficulté financière qui se rajoute à la pénibilité d’un métier déconsidéré. Fatma Snoussi, 43 ans, raconte : « Je travaillais 3 h 30 par jour pour GLH. À 17 heures, je nettoyais pendant une heure l’agence de Vénissieux, j’avais 30 minutes de transport et ensuite, je nettoyais durant deux heures les six étages de l’agence GLH dans le 8ᵉ. Tout ça pour 700 euros. » 

Des femmes déjà précaires fragilisées par la perte de poste

Malgré ces difficultés, celle qui était depuis six ans à ce poste n’entend pas abandonner.

« On passe nos journées à nettoyer des bureaux très tôt, puis à s’occuper de notre maison et de notre famille, aller chercher les enfants à l’école et retourner nettoyer le soir ailleurs. C’est un travail difficile et fatiguant. On a mal au dos. Mais je ne veux pas lâcher mon CDI comme ça. » 

Fatma Snoussi, 43 ans

Brahim Hafouda, 51 ans, était le chef d’équipe de ces salariées. Il a participé à toutes les mobilisations depuis l’annonce de la perte du marché. « Même si Isor finit par trouver une solution, les employées vont perdre toute leur ancienneté, s’inquiète-t-il. Si une salariée habite à Vénissieux et qu’on lui propose un poste à Décines, elle va faire comment ? »

Les manifestants du 20 janvier précisent plusieurs fois ne pas s’opposer à l’association d’insertion professionnelle qui a récupéré l’entretien du bâtiment. Une ancienne salariée explique : « Ce sont des gens en difficulté, mais nous aussi, on est en difficulté ! » 

Entre Grand Lyon Habitat et Isor, deux visions qui s’opposent

Contactés par Rue89Lyon, Grand Lyon Habitat et Isor se renvoient la balle. En effet, dans son appel d’offre d’août 2024, GLH avait ajouté une clause sur l’insertion professionnelle. C’est pour cette raison que l’association 124 Services est sortie du lot.

N’étant pas obligée contractuellement de reprendre les 11 salariés du nettoyage, contrairement aux entreprises, soumises à la convention collective, l’association décide de ne pas prolonger les postes des salariés existants, pour les remplacer par des travailleurs en insertion.

Une « rupture d’égalité » pour Pierre-Yves Rouchon, responsable ressources humaines d’Isor. Il s’indigne : « On a 11 personnes, pour certaines là depuis plus de dix ans, qui se retrouvent du jour au lendemain sans emploi. Cela n’a l’air de choquer personne chez Grand Lyon Habitat, au nom de l’insertion professionnelle. »

Un sort incertain pour les onze salarié.es

Du côté de GLH, Jean-Noël Freixinos, le directeur général, assure avoir pensé aux salariées, proposant de transmettre leurs CV ou de les aider à démarrer un processus d’insertion auprès de 124 Services. Il s’étonne aussi qu’Isor ne puisse pas leur trouver les heures de travail compensatoires. « Isor, ce n’est pas une petite entreprise locale, c’est un géant national qui fait 218 millions de chiffres d’affaires. » 

Le géant du nettoyage ne s’estime pourtant pas capable de retrouver du travail à l’intégralité des 11 salarié.es, en raison de la convention obligeant à reprendre les employés déjà présents sur un site en cas d’obtention d’un marché. Isor pensait qu’au moins une partie des salariés, ceux avec le plus d’ancienneté, auraient été conservés par 124 Services lors de la reprise de l’entretien.

Damien Gros, secrétaire fédéral de la CFDT-Services, craint pour l’avenir des salarié.es concerné.es : « Isor n’a pas de chantier à leur proposer, ou s’il leur en propose un, ça sera beaucoup plus loin. Elles ne vont pas pouvoir accepter, donc elles vont être licenciées. » –

Isor et GLH se disent favorables à une rencontre avec 124 Services, la CFDT et les onze salariés pour trouver une solution. En attendant, la mobilisation se poursuit après la grève du 20 janvier : les onze salarié.es continuent à se rendre tous les soirs devant le siège de Grand Lyon Habitat. La CFDT, dans l’attente d’une date de rendez-vous avec les autres parties, a indiqué vouloir continuer ses actions. 


#Grand Lyon Habitat

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Partager
Plus d'options