Le chiffre fatidique est tombé fin décembre. Entre 2021 et 2022, Lyon a perdu près de 1 500 habitants, selon les dernières données de l’Insee. Dans le même temps, Toulouse continue d’accueillir de plus en plus de monde. Avec un peu plus de 511 000 habitants recensés au 1ᵉʳ janvier 2022, la capitale occitane talonne désormais la cité des Gones, qui enregistre un peu plus de 520 000 habitants.
Mais tuons tout de suite le faux suspens. Dans les faits, Toulouse est déjà probablement la troisième ville de France : si les dynamiques actuelles se poursuivent, la préfecture de Haute-Garonne a déjà dépassé Lyon au 1ᵉʳ janvier 2025 [les données de l’Insee sont arrêtées au 1ᵉʳ janvier 2022, Ndlr].
Il n’en a pas fallu beaucoup plus pour que l’opposition anti-écolo à la Ville et à la Métropole de Lyon monte au créneau. La baisse s’explique par « la politique de décroissance menée par la majorité » a par exemple tancé le maire (LR) du 2ᵉ arrondissement, Pierre Oliver, cité par Le Progrès. Charles-Franck Lévy, du groupe Pour Lyon, pointe lui l’absence d’actions menées sur l’attractivité de la ville.
Bon. Mais qu’en est-il vraiment ? Est-il toujours pertinent, en 2025, d’évaluer les villes par le seul prisme de l’attractivité ? Les écolos sont-ils réellement responsables d’une prétendue désaffection de la capitale des Gaules ?
Population à Lyon : une baisse à relativiser
En premier lieu, il convient de préciser que la Métropole de Lyon reste attractive. Entre 2016 et 2022, la collectivité a vu sa population augmenter en moyenne de 0,6 % par an. L’agglomération reste la 2ᵉ ou 3ᵉ de France en termes de population. Devant ou derrière Marseille ? On ne tranchera pas le débat ici, le classement peut varier selon les critères.
Si Lyon voit sa population légèrement baisser, la plupart des villes de l’ancienne couronne rouge, comme Villeurbanne ou Vaulx-en-Velin sont en plein boom démographique. La plus grande banlieue de France affiche même un dynamisme particulièrement intense, avec près de 6 000 habitants supplémentaires entre 2021 et 2022 (+3,4 %). La commune dirigée par Cédric van Styvendael (PS) et ses plus de 162 000 habitant·es est même passée devant Grenoble.
Mais revenons-en à nos moutons. Pourquoi Toulouse va-t-elle dépasser Lyon ? Tout d’abord, parlons chiffres : la ville rose est l’une des plus dynamiques de France, certes, mais elle est aussi beaucoup plus étendue que Lyon. Avec 520 000 habitants répartis sur un peu moins de 48 km², la ville des Lumières affiche une densité de population de près de 11 000 habitants au km², contre environ 4 320 pour Toulouse.
Lyon et Villeurbanne parmi les villes les plus denses de France
C’est simple : les villes jumelles de Lyon et Villeurbanne sont les plus denses de France, hors région parisienne. Et pas besoin d’être un grand urbaniste pour se rendre compte que plus une ville est dense, plus elle a tendance à saturer (infrastructures, écoles…).
Conséquence : moins il y a de place, moins il y a de foncier disponible. Forcément, les prix s’envolent. Si dans certains quartiers (Gerland notamment), les projets immobiliers poussent comme des champignons, il devient difficile de trouver de l’espace pour construire. D’autant que la Métropole cherche à éviter l’étalement urbain et l’artificialisation des sols, notamment en construisant en hauteur. Autrement dit : densifier encore.
Selon un baromètre Pap publié fin décembre 2024, Lyon ET Villeurbanne figuraient dans le top 10 des villes les plus chères de France. Bref, de nombreux lyonnais l’ont déjà constaté : il est difficile de se loger à Lyon.
« La baisse de population dans Lyon intra-muros est plus une question d’accessibilité que d’attractivité, estime Loïc Bonneval, maître de conférences en sociologie à l’université Lyon 2 et spécialiste de sociologie urbaine. Il y a une saturation au niveau des voies de circulation et de l’accessibilité au logement, notamment pour les familles. »
Pour le chercheur, la logique a été la suivante : « On a beaucoup construit, mais pas forcément des logements très grands, accessible aux familles ».
Population à Lyon : le plafond de verre déjà atteint ?
Or, on construit moins aujourd’hui à Lyon. Et quand c’est le cas, ce n’est pas moins cher. Conséquence : les flux de populations se recomposent à l’échelle de la métropole. Sans surprise, c’est l’est lyonnais, plus abordable, qui croît le plus. « Sur la période 2022-2024, on a une baisse de production et une crise du logement qui inquiète à la Métropole. Parallèlement, on peine à produire du logement abordable », reprend Loïc Bonneval.
Lyon serait-elle arrivée à un point de saturation de croissance ? En termes démographiques, sans nul doute : la tendance à la stagnation, voire à la décroissance, devrait se poursuivre dans les années à venir. D’autant que l’exécutif, sans renoncer à la sacrosainte attractivité du territoire – Lyon est la deuxième métropole la plus attractive de France, selon le baromètre du réseau spécialisé dans l’immobilier Arthur Lloyd – aspire à un développement plus équilibré de la Métropole.
Un développement démographique à penser
En effet, l’agglomération lyonnaise voit le revers de la médaille de l’attractivité qu’elle a longtemps connue : logements inaccessibles, pics de pollution à répétition, infrastructures publiques insuffisantes… On en parlait déjà en 2020, et les Verts n’étaient pas au pouvoir.
Pendant la campagne des élections municipales et métropolitaines de 2020, l’actuel président de la Métropole de Lyon, Bruno Bernard, à l’époque candidat, affirmait que « l’attractivité à tout prix n’est pas la solution ».
Les écologistes d’EELV misaient davantage sur des partenariats économiques entre les différentes villes de la région : Villefranche-sur-Saône, Mâcon, Roanne ou encore Saint-Étienne.
Bref, vous l’aurez compris : Lyon attire (un peu) moins. C’est vrai. Mais est-ce vraiment si grave ?
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