La date est symbolique. Lundi 25 novembre, journée de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, la première Maison des femmes du Rhône a officiellement ouvert ses portes à l’hôpital Édouard Herriot. Signe de l’importance du moment, une bonne partie du gratin politique et institutionnel local s’est réuni pour inaugurer le lieu.
L’agitation de cette journée de visite tranche avec l’atmosphère intimiste du lieu. Dans ces locaux aux murs gris et saumonés, éclairés d’une lumière tamisée, le service accueille et accompagne des femmes victimes de violences sexistes. Ces violences peuvent prendre plusieurs formes : conjugales, intrafamiliales, sexuelles, dans le cadre du travail… Le lieu peut aussi accueillir des femmes victimes car travailleuses du sexe ou bien en raison de leur orientation sexuelle ou identité de genre.
« Une prise en charge pluridisciplinaire et individualisée des femmes victimes de violences »
« La principale mission de la maison est de permettre une prise en charge pluridisciplinaire et individualisée de ces femmes pour faciliter leur accès aux soins et à leurs droits », explique Fanny Asselineau, directrice du collectif d’association Maison des femmes 69. Pour ce faire, une équipe médicale élargie est présente : médecins, gynécologues, infirmières, sages-femmes… Le tout complété par un pendant associatif, avec une équipe de juristes, psychologues et travailleurs sociaux.
« Nous voulons aussi faciliter leurs parcours judiciaires, avec une possibilité de déposer plainte directement sur place », détaille Fanny Asselineau. Si la police a bien un bureau dédié à la maison des femmes, elle n’est cependant pas présente en permanence. Au besoin, un officier de police judiciaire pourra être sollicité par l’équipe pour venir prendre une déposition. De quoi faciliter une démarche parfois anxiogène.
D’ici fin 2025, tous les départements devront avoir mis en place une structure similaire. Une obligation inscrite dans le plan égalité 2023-2027. Après Grenoble, Saint-Denis, Montpellier, Orléans… Lyon se dote enfin d’une Maison des femmes.
Une maison des femmes créée conjointement par les associations et les HCL
Dans le Rhône, cette structure manquait cruellement. Dès 2022, Rue89Lyon documentait la difficulté pour les femmes victimes de violences d’accéder aux soins nécessaires pour se reconstruire. Dépassées, les associations ne savaient plus où orienter les femmes qu’elles accueillaient, parfois atteintes de troubles physiques ou psychologiques handicapants.
Ce sont alors les associations qui ont impulsé le projet de création d’une Maison des femmes. Avec en tête de proue le Centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF). Dès 2019, le CIDFF s’associe avec la Métropole de Lyon (dirigée par David Kimelfeld, ex-En marche) pour diriger une étude sur le territoire et pointer les manques.
« Les associations s’occupent des aspects juridiques et de mise à l’abri, mais nous étions très limitées sur l’aspect médical, d’un point de vue physique ou psychologique, raconte Anne-Marie Gourgand, présidente du CIDFF. On était demandeuses depuis longtemps d’une prise en charge complète. »
Neuf associations se regroupent alors pour travailler ensemble sur l’étude : Le Mas, Viffil, le Planning familial, l’Amicale du nid, Filactions, Cabiria, Solidarité femmes Beaujolais, le Mouvement du nid et bien sûr, le CIDFF. « On s’est vite rendu compte qu’on ne pouvait pas porter seules une structure pareille », se souvient Anne-Marie Gourgand.
La crise sanitaire vient mettre un coup d’arrêt au tout jeune projet. Il faudra attendre le soutien de la Ville de Lyon, qui met les Hospices civils (HCL) dans la boucle, pour le voir aboutir à sa forme actuelle. La Maison des femmes dispose pour l’instant d’un budget de 800 000 euros par an, financés – entre autres – par la Ville, la Métropole, la Région, l’État et l’Agence régionale de santé (ARS).
HCL et associations prévoient d’accueillir 500 personnes par an à la Maison des femmes
Officieusement ouvert fin octobre, pour un premier mois de mise en jambe, le service a déjà accueilli 38 femmes. « Pour le moment, la tranche d’âge 18-24 ans était très représentée car nous avons communiqué auprès des services de santé universitaires, retrace Fanny Asselineau. La plupart des situations relevaient de violences conjugales, intrafamiliales et sexuelles ».
Le lieu devrait aussi accueillir prochainement des femmes qui ont subi des mutilations sexuelles. Plusieurs médecins et chirurgiens spécialisés sur la question font partie de l’équipe.
Pour la réussite du dispositif, une information plus large des professionnels de santé et du travail social est prévue dans les mois à venir. S’il est possible de se rendre directement à la Maison des femmes, ce sont surtout ces professionnels qui orientent les futures patientes via un formulaire en ligne. À terme, l’espace espère accueillir 500 femmes par an et servir aussi de lieu ressource pour les professionnels de santé du territoire.
« Cela correspond aux moyens qui nous sont alloués pour l’instant, explique le docteur Édouard Bontoux, médecin légiste et responsable médical de la Maison des femmes de Lyon. Mais nous allons réévaluer le dispositif dans un an et nous adapter en fonction. » Le médecin espère une extension de la Maison des femmes si le besoin se fait sentir sur le territoire. Pour l’heure, le lieu est ouvert seulement de 9h à 12h30 du lundi au vendredi.
En visite à la Maison des femmes de Saint-Denis, lundi 25 novembre, le Premier ministre Michel Barnier (LR) a annoncé des mesures supplémentaires pour les femmes victimes de violence. « Chaque hôpital de France doté d’un service d’urgences ou gynécologique » devra avoir un système de dépôt de plainte facilité d’ici à la fin de l’année 2025, a fixé le Premier ministre.
Le budget consacré à l’égalité entre les femmes et les hommes en 2025 devrait aussi passer à 85 millions d’euros (+7 millions par rapport à 2024). Une urgence, alors que 122 femmes sont déjà mortes en raison de leur genre depuis début 2024 en France, selon l’association Nous Toutes.
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