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Perfluorés : l’État pose des limites mais pousse au développement de Daikin 

Mardi 15 octobre, l’État a publié un nouvel arrêté pour permettre la reprise de l’activité de l’extension de l’industriel Daikin, utilisant toujours des perfluorés. Après une consultation de deux semaines, l’activité a pu reprendre malgré les fortes oppositions s’étant exprimées. Une « mascarade » pour les associations, alors que la justice leur avait donné raison.

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Arkema et Daikin
Les deux industriels ciblés dans le scandale des PFAS, Daikin et Arkema, sont sur la même unité de production.

C’est une bien étrange position dans laquelle se retrouvent les services de l’État, sur la question des perfluorés. Ce mardi 15 octobre, la préfecture a annoncé prendre un « nouvel arrêté préfectoral d’encadrement plus strict », sur l’exploitation d’un nouvel atelier pré-compound du site Daikin, voisin d’Arkema à Oullins-Pierre-Bénite. Cette décision fait suite à de « nouvelles études » et à une « consultation publique ». Le tout dans un exercice d’équilibriste qui frise la haute voltige.

D’abord, un petit rappel sur cet « atelier pré-compound » du petit voisin d’Arkema. Comme nous vous le révélions en mars, le groupe japonais avait prévu cette extension – qui devait permettre de continuer à produire des PFAS jusqu’en 2027 – sans en faire grande publicité. Face aux diverses révélations sur cette usine, souvent (bien opportunément) dans l’ombre d’Arkema, des collectifs s’étaient mobilisés au nom du « principe de précaution ».

Ce message avait été entendu pour la première par le tribunal administratif de Lyon. Le 20 juin 2024, le juge avait donné raison aux opposants au projet d’extension en suspendant l’arrêté de la préfecture autorisant son exploitation.

Perfluorés : contre une décision de justice, l’État accélère pour permettre à Daikin de reprendre la production

Or, depuis, la « pref » met les bouchées doubles pour rattraper cette défaite judiciaire. Si l’État a fait appel de la décision du juge, il a aussi accéléré la manœuvre en relançant une concertation (de quinze jours) devant aboutir au plus vite à un nouvel arrêté. « C’était une manière de contourner la décision de justice », grince Lucas Miguel, du collectif PFAS contre terre.

Dix jours après la manifestation d’une centaine de personnes devant la préfecture, elle a finalement déposé un nouvel arrêté préfectoral plus « strict ». Grâce à celui-ci, Daikin a pu reprendre son activité ce mercredi 16 octobre.

La situation peut surprendre. Car, dans le même temps, la préfecture a pu constater la forte hostilité au projet d’extension. Dans le détail, elle indique que 829 contributions ont été reçues. Sans surprise, elles sont majoritairement contre le projet d’installation. Elles expriment, toujours selon la préfecture, des « mécontentements, des craintes, des questionnements et des demandes. » Face à ce constat, pourquoi avoir déposé un arrêté pour continuer l’activité de Daikin ?

« Très peu de contributions portent directement sur les prescriptions du projet d’arrêté préfectoral encadrant l’exploitation de l’unité Pré-compound, indique la préfecture. Les contributions remettent en cause l’acceptabilité du projet de l’exploitant et la procédure de son autorisation. Elles se disent quasiment toutes défavorables, non pas à l’arrêté pour lequel la participation du public est sollicitée, sauf à considérer que cet arrêté vaut autorisation environnementale ce qui n’est pas le cas, mais de toute évidence à la création de cette unité. »

Extrait de la synthèse de la consultation effectuée par la préfecture du Rhône

Des avis majoritairement contre la réouverture de l’unité de production de perfluorés de Daikin

Pour vous vous faire votre avis, on vous a fait une petite sélection de ce que contient la synthèse de cette concertation. Parmi les « mécontentements », on peut citer ceci :

« Daikin est un producteur de PFAS (substance per- et polyfluoroalkylées). Autoriser une augmentation de sa capacité de production, alors qu’une contamination importante de la zone à proximité de la plateforme de Pierre-Bénite vient d’être découverte, est scandaleux et incompréhensible. »

Ou encore :

« Lorsqu’une maladie grave figurant dans la liste des pathologies potentielles liées à l’exposition aux PFAS touche un riverain de la plateforme, on ne peut pas s’empêcher de penser que c’est de la faute des rejets d’Arkema et de Daikin. »

Les demandes découlant de la consultation sont, de fait, assez simples : « Refuser ce projet, au nom du principe de précaution », « réaliser une étude d’impact pour le site de Daikin, la plate-forme et la Vallée de la chimie », « prendre en compte l’effet cocktail », « faire valider le redémarrage de l’unité pré-compound par un juge », « faire étudier les réels effets de tous ces polluants sur la santé des habitants par des organismes indépendants », « soumettre les avis émis lors de cette consultation publique à l’examen d’une commission spéciale où siégeraient les représentants des associations et comités locaux »… Elles ne seront pas suivies d’effet.

Un gros dossier pour tenter de justifier une décision allant contre la concertation

Comment la préfecture a-t-elle répondu à ces « angoisses » et « inquiétudes » ? En s’en référant à… l’Europe, d’abord.

« Ces réglementations [européennes, ndlr] ne prévoient pas à l’heure actuelle que tout projet relatif aux PFAS soit interdit, ni que la préfecture puisse refuser ce type de projet alors même que toutes les obligations réglementaires afférentes à ce projet sont respectées. »

Pour le reste, les services de l’État notent surtout des « incompréhensions » de la part du citoyen. Ils indiquent, par exemple, que le mélange de cette unité de production se fait « à sec » sans utiliser d’eau. Méthodique et consciente de l’aspect incendiaire de ce dossier, la préfecture a répondu, en mettant Daikin dans la boucle, à une soixantaine de questions – craintes – formulées par les habitants.

« Le projet n’entraîne pas de rejets d’eaux industrielles polluées », veut-elle, notamment, rassurer. Les services de la Dreal indiquent également que les systèmes de filtration d’air entraîneront des rejets de poussières « inférieurs à 2 grammes par an ».

Visiblement consciente que ses explications ne calmeront pas grand monde, la préfète annonce tout de même de nouvelles mesures :

  • Une prescription imposant à l’exploitant des contrôles annuels de ses eaux de lavage des sols de l’atelier.
  • Des contrôles extérieurs des affluents effluents gazeux plus fréquents.
  • L’abaissement de la valeur limite d’émission en poussière de 1 mg/m2 à 0,5 mg/m3.

La consultation ? Une « mascarade » de démocratie

De même, elle annonce (mesure attendue) que le Bisphénol-AF, un produit utilisé par Daikin dans cette extension, soit « substituée » plus rapidement plus que prévu. Au lieu de trois ans, le groupe n’aura que… deux ans pour trouver une solution de substitution. L’État assure que : « l’exploitant a démontré que cet usage n’aurait pas d’effet pour la santé des riverains, ni pour l’environnement. »

De quoi rassurer les collectifs et militants ? Bof…

« La procédure ne porte que sur les émissions de Bisphénol AF, et pas sur les autres PFAS émis par l’installation. Ni sur les émissions de PFAS de l’usine d’Arkema. Le dossier ne prévoit ainsi aucune étude des incidences cumulées sur l’environnement », indiquent les collectifs, unis sur ce dossier, dans un communiqué de presse commun.

Ils dénoncent la véritable « mascarade » qu’est cette consultation pour eux. « Les signaux renvoyés (…) auraient dû conduire à un temps de réflexion et de dialogue voire à un moratoire conformément au principe de précaution », marquent-ils. Il n’en a rien été. Déposeront-ils un recours contre ce nouvel arrêté ? Pour l’heure, les différentes associations et collectifs étaient en réflexion sur ce sujet. Quoi qu’il advienne, des actions sur ce sujet sont à prévoir.


#Pierre-Bénite

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