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Baignade dans le Rhône à Lyon : bientôt le grand plouf ?

À chaque canicule, les Lyonnais⸱es se posent la question : à quand l’ouverture (légale) de la baignade dans le Rhône et la Saône ? Coût du projet, dépollution, sécurité… Retour point par point sur les avantages et les obstacles d’un projet qui devient un enjeu de santé publique.

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Des jeunes plongent dans le Rhône
À Lyon, la baignade dans le Rhône est interdite par un arrêté municipal du 7 août 2001 de la Ville de Lyon. La réglementation pourrait changer en fonction des mairies qui seraient prêtes à autoriser la baignade fluviale sur les sites identifiés par une étude de la Métropole de Lyon.

Jusqu’au XXIe siècle, le Rhône et la Saône étaient appréciés pour la baignade. Mais depuis 2001, elle est interdite à Lyon par arrêté municipal, sous peine d’amende. Avec l’augmentation significative des températures, l’idée de pouvoir se baigner légalement dans le Rhône et la Saône se fraie un chemin chez les Lyonnais⸱es. D’autant plus qu’avec le réchauffement climatique, les vagues de chaleur vont être de plus en plus fréquentes, intenses et longues, selon Météo France.

La Ville de Paris s’est servie de l’événement des Jeux olympiques pour (tenter de) rendre la Seine baignable. Les Lyonnais ne pourraient-ils pas eux aussi bénéficier d’un retour aux sources ? Au-delà du défi ou du coup de communication, cette question relève d’un enjeu de santé publique.

En plein cagnard lyonnais, il suffit de se rendre sur les plages bondées du parc de Miribel-Jonage pour le constater. Mais alors qu’est-ce qui peut bien bloquer à ce que les Lyonnais·es puissent se la couler douce dans le Rhône et la Saône ?

Un projet qui suit plus un rythme politique que climatique

Courant 2023, la Métropole de Lyon a lancé une étude interne sur 21 sites identifiés comme baignables, conjointement avec la Ville de Lyon et Voies Navigables de France (VNF). « On regarde le profil du site, le courant, les usages et bien évidement la qualité de l’eau », précise Pierre Athanaze (Les Ecologistes), vice-président de la Métropole chargé des fleuves et de leur aménagement.

La municipalité écologiste de Lyon avait décidé de se mouiller le 30 juin dernier. Une expérimentation était prévue au bord du parc des Berges du Rhône (Lyon 7e) à l’occasion du festival Entre Rhône et Saône. Mais la volonté politique de la mairie avait été rattrapée par la réalité des conditions météorologiques. Des orages ayant eu lieu la veille de l’événement avaient contraint les organisateurs à annuler la trempette pour des raisons de sécurité.

Le temps politique ne semble pas suivre le rythme des canicules. C’est du moins la perception de Christophe Geourjon (UDI), du groupe Inventer la Métropole de demain, à la Métropole de Lyon. Las d’attendre une réponse de la collectivité – plus d’un an après le lancement de l’étude – l’élu de l’opposition a appelé, dans un communiqué, à ce que Bruno Bernard accélère sur ce dossier. « Pour moi ces piscines fluviales sont des équipements sportifs, ludiques, d’adaptation au changement climatique et des équipements d’attractivité », justifie-t-il, auprès de Rue89Lyon.

Du côté de la Métropole, rien n’est encore arrêté. Et pour cause : elle attend de présenter les résultats de son étude aux maires des communes sur lesquels les 21 sites ont été identifiés lors d’une réunion à l’automne. « On espère que des projets puissent se réaliser très prochainement mais bien évidemment à la demande et à la responsabilité des mairies », fait savoir Pierre Athanaze (EELV) de la Métropole de Lyon.

En matière de baignade, les municipalités ont la compétence de l’autoriser sur leur territoire, conformément au Code général des collectivités territoriales. La Métropole de Lyon n’est donc, en théorie, pas tenue d’assurer la suite du projet. « On est les facilitateurs, nous avons engagé ces études mais nous ne pouvons pas autoriser la prise en charge directe des baignades », confirme Pierre Athanaze.

La Métropole pourrait prendre le crédit politique d’avoir initié le projet sans trop s’exposer si les édiles se montraient réticents. « On ira plus loin dans les études avec celles qui seraient volontaires », insiste Pierre Athanaze. La collectivité s’engage donc à soutenir ceux qui voudront se jeter à l’eau.

Baignade dans le Rhône et la Saône : des coûts variables selon les sites

Outre l’emplacement des 21 sites potentiels, la grande inconnue de ce projet est la question du coût. À ce jour, la Métropole ne partage encore aucun chiffre officiel. Ce qui laisse le terrain libre à certains élus de l’opposition pour avancer le leur. Christophe Geourjon évoque à titre indicatif celui de 1,8 million d’euros.

Son estimation s’appuie en partie sur le modèle de la piscine naturelle de Moulins, dans l’Allier. Cependant, il apparaît difficile de prendre l’exemple moulinois, et ses 19 343 habitants, pour l’appliquer au cas de l’agglomération lyonnaise, et ses 1,3 million d’habitants.

Le coût va aussi dépendre des aménagements à réaliser, des infrastructures à installer, du personnel de surveillance, de maintenance, etc. « Je me demande comment il fait pour sortir ce montant, rétorque Pierre Athanaze à son opposant. C’est complètement différent d’avoir une piscine flottante que d’avoir un accès direct par une plage. Créer un ponton et l’entretenir engendre un coût d’investissement et des coûts de fonctionnement. Il y a aussi la question de la surveillance des baignades. »

Sécuriser la dangerosité des courants du Rhône pour la baignade

Le motif principal de l’arrêté municipal du 7 août 2001 qui interdit la baignade dans le Rhône et la Saône est celui de la sécurité. Jean-Paul Bravard, professeur émérite de géographie à l’Université Lyon 2, est formel : « Il y a un risque sur le Rhône c’est certain, le courant est rapide. Si on est entraîné par les eaux, qu’on panique ou qu’on nage mal, c’est très dangereux. »

D’où viennent ces risques ? « Les aménagements du XXe siècle se sont inscrits dans un fleuve où la baignade était oubliée. On ne l’a pas mise comme l’un des éléments à reconsidérer un jour », déplore l’amoureux du Rhône Jean-Paul Bravard. Les exemples ne manquent pas. « À la Feyssine, la berge villeurbannaise est très raide vers l’écluse, élabore-t-il. Elle est dangereuse : c’est trop profond et il y a du courant. Prenez aussi la rive de Sainte-Claire, près du tunnel Teo, le rouleau est très dangereux. Il a été fait sans penser aux crues. »

Durant la période estivale du 1er juin au 27 août 2024, le Service départemental-métropolitain d’incendie et de secours (SDMIS) a réalisé sur le Rhône et la Saône 30 interventions nautiques, dont cinq pour des noyades mortelles. « Ces noyades se sont produites sur des secteurs des fleuves Rhône et Saône où la baignade n’est pas autorisée et dans un contexte ne fixant pas de cadre de sécurité adapté à la baignade », indique l’établissement public.

Le paramètre de la sécurité est une condition sine qua non pour que les mairies valident l’autorisation de la baignade sur leur commune. Et toutes pourraient ne pas donner leur feu vert. Pierre Athanaze, l’élu écologiste à la Métropole de Lyon, a bien son idée sur la question. « Il y a sept sites sur les 21 pour lesquels ça va être très compliqué. Il y a des courants dangereux et il risque d’avoir des montées des eaux très rapides, avertit-il. Ce sont des sites que je ne conseillerais pas aux maires mais ce sera à eux de prendre la décision. »

Des jeunes plongent dans le Rhône
Les noyades dans le Rhône se produisent dans des lieux où la baignade n’est pas autorisée, comme ici vers le parc de Gerland. L’ouverture de piscine fluviale nécessitera un cadre de sécurité propre à chaque site.Photo : AB/Rue89Lyon

Une qualité des eaux qui dépend des conditions climatiques

Les conditions météorologiques rentrent aussi dans l’équation comme l’a montré l’annulation de l’expérimentation de la baignade du 30 juin dernier. La sécurité sanitaire n’était pas garantie pour permettre sa bonne tenue. Les fortes pluies ont pour conséquence une augmentation importante de la pollution, qui se manifeste par une dégradation de la qualité des eaux. « Si les conditions sont de nouveau réunies, la Ville de Lyon réfléchit à renouveler cette expérimentation en 2025 et éventuellement l’étendre dans le futur », indique la collectivité.

Ce contre-temps lyonnais n’est pas sans rappeler le feuilleton des reports d’entrainements et d’une épreuve du triathlon dans la Seine lors des Jeux olympiques. Épisode de pluie après épisode de pluie, les critères de baignabilité n’étaient pas réunis pour que les athlètes évoluent en sécurité dans la Seine.

Une éventualité qui vaut aussi pour Lyon. « Il faudra bien que les gens admettent qu’il y aura des périodes où la baignade sera interdite parce que la qualité de l’eau ne sera pas bonne, pour des raisons bactériologiques ou chimiques. Cela même s’il fait très chaud et que les conditions climatiques sont bonnes », prévient Pierre Athanaze. Pour prendre son mal en patience, l’option d’aller nager dans une des 26 piscines de l’agglomération est toujours envisageable. À la seule condition qu’elles ne soient pas bondées.

Baignade fluviale : vers une dépollution du Rhône et de la Saône ?

La question de la pollution est aussi sur la table. À Paris, la seule dépollution de la Seine avait atteint les 1,4 milliard d’euros en vue des Jeux olympiques. De gigantesques chantiers ont vu le jour pour améliorer le réseau d’assainissement de la ville, telle que la construction d’un bassin de stockage des eaux usées à Austerlitz.

Ces aménagements n’ont cependant pas permis de garantir une qualité satisfaisante des eaux. Mais pour l’image, la Ministre des sports Amélie-Oudéa Castera, s’est quand même baignée malgré la présence de bactéries, comme l’a révélé Mediapart.

La dépollution (ratée) de la Seine est-elle applicable à Lyon et ses deux cours d’eau? Interrogés sur la question, les élus lyonnais souhaitent s’éloigner du cas parisien. « Pour l’instant, on n’est pas dans une situation où, comme sur la Seine, il y a énormément d’eau qui arrive non-dépolluée. Le réseau de stations d’épuration fonctionne », affirme Pierre Athanaze, le vice-président de la Métropole chargé des fleuves et de leur aménagement.

Pourtant, la pollution fluviale est attestée depuis de longues années. Les eaux du sud de l’agglomération sont envahies par la pollution aux perfluorés. La Saône, est quant à elle plus impactée par la pollution agricole.

En s’attaquant à la question de la baignade, la Métropole de Lyon espère « améliorer la qualité de l’eau en faisant des prélèvements très réguliers », assure l’élu écologiste. Conformément à ses missions, l’Agence régionale de santé (ARS) imposera une obligation légale de faire des prélèvements pour étudier la qualité de l’eau.

Cohabiter avec la biodiversité et les péniches

Avant d’être des espaces commerciaux – notamment pour le transport fluvial – et récréatifs – des bases de loisirs existent déjà – le Rhône et la Saône sont d’abord des écosystèmes pour la faune et la flore. Bien qu’elle n’ait pas encore été contactée durant l’étude, la Ligue de protection des oiseaux (LPO) du Rhône accueille avec intérêt le projet de baignade fluviale.

« On peut se réjouir qu’il y ait cette réflexion puisque ça veut dire qu’un travail sur la pollution de l’eau va être fait. La biodiversité en souffre, ça peut être quelque chose d’assez positif pour elle », réagit Élisabeth Rivière, membre de l’association départementale.

La réapparition du castor dans les années 2000 sur les quais de la Saône et du Rhône suscite, par exemple, la vigilance de la LPO du Rhône. « Nous resterons en alerte, et en contact avec la Métropole, sur l’aménagement des sites. L’objectif est de préserver les sites naturels déjà épargnés et de ne pas multiplier les lieux de baignades », prévient Élisabeth Rivière.

Mais ce n’est pas le castor qui fait le plus barrage à la concrétisation du projet de baignade fluviale. Il y a encore du travail d’ici à ce que les berges du Rhône et la Saône deviennent des lieux ressources pour les habitants de l’agglomération de Lyon. Tout reste (littéralement) à construire.


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