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Pollution aux perfluorés à Lyon : le tribunal ordonne des expertises indépendantes

La justice vient d’ordonner des expertises indépendantes pour mesurer l’étendue de la pollution aux perfluorés à Lyon, dans la vallée de la chimie. La Métropole avait attaqué les industriels Arkema et Daikin en justice en mars 2024.

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Des militants lors d’une action contre Arkema à Pierre-Bénite, le 2 mars dernier.

C’est une (petite) victoire environnementale, et un succès politique pour l’exécutif écologiste à la tête de la Métropole de Lyon. La justice vient d’ordonner la tenue d’expertises indépendantes pour mesurer l’ampleur de la pollution aux perfluorés dans la vallée de la chimie, au sud de l’agglomération. Surtout, ces analyses doivent servir à identifier plus clairement la responsabilité des géants de la chimie Arkema et Daikin dans ces pollutions.

Cette décision fait suite à l’assignation devant la justice des deux industriels par la Métropole de Lyon, en mars dernier, dans une procédure dite de référé-expertise. Objectif : accélérer la réalisation d’une évaluation judiciaire pour mieux connaître la portée de la pollution aux perfluorés. Le collège d’experts désigné par le juge des référés aura jusqu’à la fin de l’année 2025 pour rendre son rapport.

Pollution aux perfluorés à Lyon : un impact majeur pour les habitants

Pour rappel, Arkema et Daikin, installés à Pierre-Bénite utilisent pour leurs productions des perfluorés (aussi appelés Pfas), des polluants éternels quasiment impossible à éliminer des sols. Au sud de Lyon, ces composés, pour certains employés depuis plus de 60 ans, ont des conséquences lourdes sur la vie locale. Si Arkema a promis d’arrêter leur production en 2024 (2027 pour Daikin), les conséquences de l’implantation de ces substances dans l’eau et la terre sont durables.

La consommation de fruits et légumes et œufs domestiques est déconseillée dans le secteur d’Oullins-Pierre-Bénite, de même qu’à Saint-Genis-Laval ou encore Irigny. La pêche est également déconseillée au sud de Lyon.

Dans leur plaidoirie, le 27 mai dernier, les avocats de la Métropole de Lyon et de la régie publique avaient mis en avant la défense de l’intérêt public pour justifier la procédure. « Il faut une expertise indépendante sur les rejets actuels, mais aussi sur les rejets historiques de Daikin et Arkema », avait défendu Me Quentin Untermaier, l’un des deux avocats de la Métropole.

La dépollution de l’eau aux frais des industriels?

« La concentration en Pfas en aval du site de Pierre-Bénite sont parmi les plus élevés à l’échelle mondiale. Les études et mesures effectuées depuis 2022 par Arkema sont sans intérêts au regard des rejets passés (de l’entreprise) pour mesurer étendue pollution champ captant », a encore martelé Me Untermaier.

Concrètement, le champ captant de Chasse-Ternay, qui alimente 200 000 personnes en eau potable, est au centre des préoccupations. En 2023, la collectivité avait dépensé plusieurs centaines de milliers d’euros dans une vaste opération de dépollution, alors que 19 commune du sud et de l’ouest de Lyon connaissent des concentrations en Pfas supérieures aux normes européennes.

Un surcoût que la Métropole et la régie publique en charge de la gestion de l’eau espèrent encore se faire rembourser, sur le principe du pollueur-payeur. Mais ce sera l’objet d’une seconde étape du processus juridique.

Pollution aux perfluorés à Lyon : un scandale local à la résonance nationale

« Le coût des solutions pour traiter la pollution aux polluants éternels va être supporté par les usagers
si le principe pollueur-payeur ne s’applique pas. La responsabilité financière des industriels doit être
engagée », espère Guy Martinet, président du Syndicat mixte d’eau potable Rhône Sud.

Bruno Bernard a également frontalement attaqué les géants de la vallée de la chimie : « La mobilisation de la science doit permettre à des experts indépendants de se prononcer sur les responsabilités exactes d’Arkema et de Daikin comme sur les préjudices subis par nos collectivités », a réagi le président de la Métropole dans un communiqué.

Les pollutions aux perfluorés sont devenus un enjeu majeur de santé public depuis les révélations du média Vert de Rage en 2022. Depuis, de nombreux collectifs et actions se sont montées à l’échelle locale, alors que les Pfas sont devenus un enjeu national. Début juillet, huit militants qui avaient pénétré illégalement dans l’enceinte d’Arkema, un site classé Seveso seuil haut, ont été relaxé au titre de la liberté d’expression. Un jugement dont le parquet de Lyon a fait appel.

Arkema et Daikin n’en ont pas fini avec la justice lyonnaise

Le 26 mai dernier, une manifestation, la première du genre, s’était tenue à Oullins-Pierre-Bénite, contre les Pfas. 700 personnes s’étaient réunies en espérant mobiliser plus largement autour d’un enjeu sanitaire qui a pris une ampleur nationale depuis que l’Assemblée a voté une proposition de loi contre l’utilisation des Pfas dans certains secteurs (hors ustensiles de cuisine), dont l’application risque d’être rebattue par la dissolution.

Arkema et Daikin n’en n’ont pas fini avec la justice française. Début avril, des perquisitions ont eu lieu sur les sites de Pierre-Bénite, dans le cadre d’une enquête ouverte après une plainte de Jérôme Moroge, actuel maire d’Oullins-Pierre-Bénite, pour mise en danger de la vie d’autrui.

Enfin, le 20 juin, l’extension de l’usine Daikin a été suspendue par le tribunal administratif de Lyon. Le géant japonais voulait installer une nouvelle unité de production utilisant… des Pfas.


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