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Première manifestation contre les perfluorés au sud de Lyon : « On devrait être plus nombreux à se mobiliser ! »

Près de 700 personnes se sont réunies à Oullins-Pierre-Bénite, dimanche 26 mai, pour une manifestation contre la pollution aux perfluorés. Une première au local, dont l’ampleur a satisfait les organisateurs, même si de la sensibilisation reste à faire pour mobiliser plus largement autour de cet enjeu sanitaire à Lyon.

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Manifestation perfluorés Oullins-Pierre-Bénite sud de Lyon
Quatorze associations sont à l’origine de cette manifestation contre les PFAS.

Devant la gare d’Oullins-Pierre-Bénite, au Sud de Lyon, Lucie patiente. « C’est la première fois que nous organisons une marche festive contre les polluants éternels à Oullins, nous ne savons pas combien de personne répondront à l’appel », confie celle qui est engagée au sein du collectif PFAS contre terre.

Quinze minutes avant le rendez-vous, fixé par quatorze collectifs dont extinction Rebellion, Oxfam, les Soulèvements de la Terre, la Ligue des droits de l’Homme ou encore certains syndicats, une centaine de personnes est déjà présente sur les lieux.

Pollution aux perfluorés : les industriels Arkéma et Daikin en ligne de mire au sud de Lyon

Le choix de cette petite ville du sud du Lyon ne s’est pas fait au hasard. « Les industries Daikin et Arkema sont basées à Oullins-Pierre-Bénite. Nous sommes en plein dans le périmètre où s’appliquent des restrictions sur la consommation des œufs, des légumes ou des fruits », avance Lucie. Récapitulons.

En 2022, l’émission Vert de Rage révèle que Daikin et Arkema produisent des perfluorés, des « polluants éternels » utilisés dans les poêles, les cosmétiques et autres, et les rejettent, contaminant l’environnement proche des usines. Des milliers d’habitants ont donc consommé ces polluants, sans le savoir, pendant de nombreuses années.

Aujourd’hui, il leur est déconseillé de consommer des légumes ou fruits récoltés aux abords de l’usine Arkema, de récupérer l’eau de pluie ou de pêcher. « J’ai mangé des œufs locaux pendant plusieurs années, tout comme mes enfants. Nous n’avions aucune information sur les dangers de ces aliments, alors que les industriels connaissaient très bien les risques », s’insurge Lucie.

Divers profils mobilisés contre les perfluorés au sud de Lyon

Plusieurs centaines de personnes commencent à se réunir devant la gare. Leurs mots d’ordre sont multiples. « Exiger la décontamination des zones concernées par les PFAS, la mise en place d’un plan de santé, un suivi des personnes contaminées et une prise en charge des soins », énumère Lucie. Surtout, les collectifs demandent à Arkema et Daikin de financer ces différentes mesures, c’est-à-dire d’appliquer le principe du « pollueur-payeur ». Cela avait fait l’objet d’un recours en justice du collectif Notre affaire à tous.

Étudiant.es, enfants, retraité.es, militant.es, élu.es, habitant.es de Lyon et ses envions… Tous les profils répondent à l’appel. Il faut dire que tous sont concernés par les polluants éternels. « Vos chimies, nos chimios », « Rien ne se perd, tout se transforme, hormis les PFAS », « Je joue pas ma vie à pile ou PFAS » et autres slogans sont écrits sur des pancartes.

Une enceinte est allumée, la musique résonne. Deux étudiantes échangent un pas de danse. « Nous sommes venues par conscience écologique, même si nous habitons bien plus loin, en campagne lyonnaise. C’est important que les jeunes se mobilisent, notre avenir, notre monde est en jeu », lance l’une d’elles, « stop PFAS » écrit au marqueur rouge sur les joues.

Sensibiliser « le monde politique » aux perfluorés

Après quelques dizaines de minutes, un micro grésille, une femme prend la parole. Applaudissements et cris d’encouragement concluent le discours. La marche s’élance.

Dans le cortège, Caroline Millet, porte-parole de l’alliance écologique et sociale, aimerait que la pollution aux perfluorés mobilise au-delà des organisations déjà impliquées. Elle résume l’approche de son collectif : « C’est important que cette marche ne soit pas reprise par un parti politique et soit non-violente, plaide-t-elle. Nous allons continuer à mobiliser les citoyens et citoyennes par des actions et en interpellant le monde politique ». Avec, en vue, les élections européennes qui auront lieu le 9 juin.

À l’échelle nationale, déjà, cet enjeu de santé publique s’est récemment invité dans le monde politique. Le 4 avril dernier, une proposition de loi, déposée par le député écologiste de Gironde Nicolas Thierry, a été votée. Elle prévoit l’interdiction des PFAS dans certains secteurs d’activité (même si les ustensiles de cuisine ne sont pas concernés) et sera examinée par le Sénat le 30 mai prochain.

Entre satisfaction et espoirs d’une plus grande mobilisation contre les perfluorés au sud de Lyon

« Nous sommes satisfaits du nombre de personnes qui ont répondu présent, surtout que beaucoup d’entre-elles ne sont pas militantes ou politisées, elle sont juste concernées directement par les PFAS », analyse Caroline Millet.

Selon les collectifs organisateurs, près de 700 personnes ont répondu à l’appel des quatorze associations. La préfecture du Rhône n’était pas en mesure de donner une estimation, « trop occupée par l’attaque au couteau« , survenue dans une rame du métro B, dimanche 26 mai.

D’autres, comme Geneviève, une habitante de Oullins-Pierre-Bénite, est plus critique sur l’ampleur de cette mobilisation. Elle balaie la foule du regard. « Je trouve que l’on est quand même pas mal, même si on devrait être beaucoup plus nombreux à se mobiliser ! Mais bon, il y a aussi la fête de l’iris (un festival annuel organisé par la commune, ndlr) aujourd’hui et visiblement, elle mobilise plus que notre combat », ironise-t-elle.

Les perfluorés, un sujet technique mais une pollution concrète

« Le sujet des polluants éternels manque de transparence, c’est très difficile d’avoir des données précises concernant les effets des PFAS sur la santé », souffle Lucie, membre de PFAS contre terre. Alors que le sujet est parfois technique, difficile pour les citoyen.nes de prendre ces questions à bras-le-corps.

Le 11 mars dernier, Rue89Lyon participait à une conférence sur les perfluorés, à la Maison de l’environnement de la Métropole de Lyon. Lucas Miguel, du collectif d’habitants Ozon l’eau saine, soulignait qu’un important travail de sensibilisation était à faire auprès des citoyens, pour que ces derniers se mobilisent, tant la question des polluants éternels est opaque et méconnue.

Manifestation PFAS Oullins-Pierre-Bénite
Des étudiant.es, des enfants, des personnes âgées, des militant.es et élu.es sont venu.es marcher contre les PFAS, dimanche 26 mai.Photo : Jean Rémond/Rue89Lyon

Pour l’heure, la lutte contre les perfluorés peut compter sur la présence de militant.es investis de longue date, dont Jade. Elle fait partie des huit personnes qui ont été arrêté.es et placé.es en garde à vue à la suite d’une action sur le site d’Arkema, le 2 mars dernier, toujours sur le sujet des perfluorés. Elle a passé 48 heures au poste et s’est « posée la question de poursuivre la mobilisation ou non », comme elle l’explique.

« Quand je suis sortie de garde à vue, j’ai repris conscience de l’importance de nos actions et de faire ce que l’État ne fait pas : protéger le vivant et la santé de nos enfants », accuse-t-elle. Son procès se tiendra le 18 juin prochain. En attendant, elle continue d’agir. Ce dimanche, la lutte contre les PFAS a bel et bien réussi à mobiliser.


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