C’était il y a plus d’un an et demi déjà. En octobre 2022, notre partenaire Médiapart révélait les sommes astronomiques dépensées par le président de la Région Auvergne Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez (LR), pour son dîner des sommets. Le 23 juin 2022, au château de La Chaize, dans le Beaujolais, propriété du millionnaire Christophe Gruy, 90 personnalités triées sur le volet avaient pu bénéficier de repas de luxe.
Coût de l’organisation du dîner : pas moins de 100 000 euros d’argent public, soit plus de 1 100 euros par personne, aux frais du contribuable. À ces dépenses s’ajoutent aussi 48 000 euros de frais de conseil, Laurent Wauquiez ayant fait appel aux services du consultant de luxe Édouard Tétreau, connu pour avoir participé au financement de la campagne d’Emmanuel Macron en 2017, pour « accompagner » la collectivité dans la définition du projet.
Dîner des sommets : une liste « communicable » pour la Cada
Depuis, un signalement a été fait au procureur de la République par des élus d’opposition et une perquisition a été menée dans le cadre d’une enquête ouverte par le parquet national financier (PNF). Mais beaucoup de questions restent en suspens. Quelle était la liste exacte des invités ? Quels documents attestent de la valorisation de la Région en tant que collectivité, ou celle de ses politiques publiques, dans le cadre du « dîner des sommets » ? Quand sont les possibles futurs dîners des sommets prévus ? Etc.
Pour avoir des réponses à ces interrogations, le groupe d’opposition Socialiste, écologiste et démocrate, a fait une demande d’informations auprès de la Région. À la suite d’un refus de celle-ci, elle a saisi la Cada (commission d’accès au document administratif).
Cette dernière a jugé « communicable » plusieurs documents demandés par les élus d’opposition (la liste des invités, les documents attestant de l’intérêt du dîner pour valoriser la Région et les documents annonçant de futurs événements). Après une tentative de médiation manquée, l’affaire a été audiencée ce 7 mai par le tribunal administratif de Lyon.
À cette occasion, le rapporteur public a donné son avis sur la requête des opposants socialistes. Il annule la « décision implicite de rejet » de la Région concernant la demande sur la liste des invités au dîner. Selon les informations de Rue89Lyon, il donne « injonction au président du conseil régional (…) de communiquer à M. Cesa, dans un délais de 15 jours à compter de la notification du jugement à venir », ce précieux document. Une décision qui a de grande chance d’être suivie par le tribunal. La plupart du temps, celui-ci suit l’avis du rapporteur public.
Pour la région, des demandes d’informations impossibles du fait de l’enquête
Contacté par Rue89Lyon, le socialiste Johan Cesa semble presque surpris au téléphone. L’élu pensait initialement « ne rien avoir du tout ». Pour cause, dans sa défense, la Région avait fait valoir un argument original… Mais percutant. Pour elle : aucun élément ne pouvait être communiqué du fait de « l’enquête en cours » du parquet national financier (PNF). Un argument qui n’a pas convaincu le rapporteur public.
Pour le reste, le mémoire en défense de la Région, que Rue89Lyon s’est procuré, donne quelques informations complémentaires. Selon les avocats, les documents attestant de la valorisation du dîner des sommets… N’existent pas, tout comme ceux annonçant de futurs événements.
« Il n’existe pas de délibération ou de décision spécifique à l’organisation du dîner des sommets », indique, notamment, les avocats de la Région en défense.
Pour rappel, la Région avait justifié ce dîner par « la mise en relation de personnalités issues de tous les horizons » afin de « créer de grandes synergies entre les acteurs de la région ». Selon cette défense, il n’y a donc pas de documents pour justifier de l’existence de ces dîners. Cela revient-il à dire qu’aucun document n’a circulé au sein de la Région concernant ces événements ?
Pas vraiment… Selon les informations de la cellule d’investigation de Radio France, il y a bien eu des écrits en interne. Une note de la direction des moyens généraux, datée de septembre 2022, avait alerté l’exécutif sur les risques liés à l’organisation de l’évènement. Reste que, pour le juge administratif, la demande faite par les socialistes semblait trop imprécise. Elle devrait en rester là, donc.
À suivre. Le tribunal administratif devrait donner son avis définitif dans la deuxième partie du mois de mai. Suivant son retour, la Région aura ensuite possibilité de faire appel.
Chargement des commentaires…