« On va crier pour toutes les femmes qui ne le peuvent plus », clament en coeur Solene et Elisa, 20 ans. Comme des milliers d’autres personnes, elles sont venues se rassembler place Jean-Macé (Lyon 7) avant le début de la manifestation féministe, programmée à 14h ce vendredi 8 mars. Le collectif Droit des Femmes 69 a appelé, en cette journée internationale de lutte pour les droits des femmes, à une grève féministe, à laquelle de nombreuses organisations, associatives et politiques étaient présentes.
Difficile de dégager un mot d’ordre tant les revendications sont multiples. Une maxime revient pourtant plus que les autres dans la bouche des manifestant·es : mettre fin aux violences. Et elles sont nombreuses. Violence de genre, violences sexistes et sexuelles, féminicides, homophobie, transphobie, violences faites aux enfants, violences économiques… le 8 mars est l’occasion pour beaucoup de les visibiliser et de lutter contre leur prévalence.
Au milieu de la foule, Solene et Elisa tiennent dans leurs mains une pancarte sur laquelle est inscrit blanc sur noir « Papa a tué maman ». Depuis le début de l’année, 31 féminicides ont été commis en France, selon le décompte réalisé par NousToutes. Les deux jeunes femmes pointent l’inaction du gouvernement en la matière. « Le féminisme était revendiqué comme grande cause du quinquennat par Emmanuel Macron mais aujourd’hui encore on a un décès tous les deux jours », souffle Elisa.
Une grève du 8 mars contre toutes les formes de violences
« Sur les violences sexistes et sexuelles, notre gouvernement n’est clairement pas à la hauteur. Quand Emmanuel Macron apporte son soutien à Gérard Depardieu [accusé de viols par plusieurs femmes, ndlr], il montre qu’il est résolument anti-féministe », scande Valérie Radix membre du collectif des Droits des Femmes 69 et militante au Planning Familial.
Elle explique aussi en quoi les politiques du gouvernement aggravent les violences faites aux femmes et aux minorités de genre. « On a vécu des attaques constantes contre les plus précaires, qui sont souvent des femmes et des minorités. Il y a eu la question des retraites, la baisse des allocations chômages, l’hôpital public est toujours en danger… », énumère-t-elle, sans pouvoir toutes les citer.
« On se bat pour l’égalité, notamment salariale. Car aujourd’hui, à travail et compétences égales, les femmes sont encore moins payées que les hommes », rappelle Corine Matignon, membre de l’exécutif départemental du PCF Rhône et responsable de l’égalité homme-femme.
Selon l’ONG Oxfam, en France les hommes sont rémunérés en moyenne 24,4 % de plus que les femmes. Plus d’une femme sur 4 occupe un emploi à temps partiel et elle sont surreprésentées dans les métiers les plus précaires. « C’est pour cela que l’idée de la grève féministe est importante à défendre », reprend Valérie Radix.
Dans le dos de cette dernière, une pancarte, qu’elle dit recycler tous les ans : « Une femme meurt d’un avortement clandestin toutes les 9 minutes ». L’inscription de l’IVG dans la Constitution, votée le 4 mars, est dans l’esprit de nombreuses militantes.
Valérie Radix salue le côté historique du geste mais tient à rappeler que les féministes « réclament depuis des années des moyens pour garantir l’accès à l’IVG » et que des obstacles perdurent. « Au delà du symbole, nous réclamons un droit effectif », ajoute-t-elle.
À Lyon, une manifestation féministe intersectionelle et internationale
À travers les slogans et les cris des manifestant·es, la lutte contre le patriarcat revient comme cri de ralliement. Mais le 8 mars est aussi l’occasion de visibiliser la pluralité des luttes qu’il engendre. Pour des groupes minoritaires et victimes de violences spécifiques, la journée permet de se rassembler et de se faire voir et entendre.
Avant le début de la manifestation, un groupe de femmes se préparent et se maquillent les yeux et la bouche à l’aide d’un rouge à lèvres noir. Complot feminista est une association féministe latino-américaine créée à Lyon il y a un an. « On veut montrer qu’on est là, qu’on résiste. C’est important d’avoir cet espace à nous car nous avons des expériences différentes, souvent oubliées par le féminisme européen », raconte Miji 23 ans étudiante originaire d’Équateur. Certaines d’entre elles sont racisées et donc également victimes de racisme.
À quelques pas de là, une poignée de personnes se regroupent derrière une banderole noire, un peu à l’écart du reste de la foule. « Pour nous les travailleuses du sexe, le 8 mars c’est super important car c’est un peu le seul jour qui nous permet d’être visibilisées », relate Marie (prénom modifié), en tenant d’une main la banderole du syndicat du travail sexuel (STRASS). De l’autre elle arbore un parapluie rouge, leur emblème. Nombre d’entre eux et elles n’ont pas pu se joindre à la manifestation, devant cumuler beaucoup d’emplois précaires pour subvenir à leurs besoins.
Le groupe affiche aussi sa revendication « anti guerre ». Marie évoque l’importance de lutter aujourd’hui pour la Palestine. « De l’argent pour la santé, pas pour les génocides », conclut-elle. Le soutien au peuple de Gaza, actuellement sous le joug d’une guerre entamée par l’armée israélienne, résonne à travers les cortèges.
« Palestine vivra, Palestine vivra », hurle t-on depuis l’avant du cortège, au sein de l’espace en non-mixité. Son existence est importante pour beaucoup de femmes venues manifester. « Ça me permet de me sentir en sécurité », explique l’une d’elle. Tout à l’avant, une membre du collectif droit des femmes 69 rappelle le rôle d’un tel espace : « Le mouvement féministe revendique la nécessité de s’auto-organiser. Ça nous permet aussi de mieux nous faire entendre et de faire émerger des revendications ».
Au delà du 8 mars : « On savoure aujourd’hui, on continue la lutte demain »
Alors que le cortège avance, sifflements et doigts d’honneur fusent à l’angle de l’avenue Jean Jaurés et de la rue Saint Michel. Ils visent le barbier « Les hommes d’abord ». Après cet élan, les manifestant·es reprennent leur marche au rythme des tambours du collectif les Battantes.
« Il ne faut rien lâcher et continuer, la preuve c’est que petit à petit on gagne des droits », glisse Corine Matignon (PCF). Non loin, Elise et Marie reprennent en souriant : « On savoure aujourd’hui, on continue la lutte demain ». Le même espoir et la même détermination animent sans doute la plupart des manifestant·es qui défilent jusqu’à la place Bellecour, au milieu de la musique et des danses.
Chargement des commentaires…