Approcherions-nous de la fin d’une affaire à rebondissement ? Les investigations sur « l’affaire Perdriau » sont en tous cas terminées, comme l’a appris l’AFP jeudi 10 octobre 2024. Dans ce dossier de chantage à la sextape, qu’aurait mis en place le maire de Saint-Étienne Gaël Perdriau (ex-LR), le juge a rendu un « avis de fin d’information » lundi 7 octobre.
Lors de l’enquête, l’ancien bras droit du maire, Pierre Gauttieri, avait fini par lâcher Gaël Perdriau. Mis à mal par une série d’enregistrements diffusés par le site d’investigation, l’ancien directeur de cabinet est passé à table devant les enquêteurs.
Admettant avoir « menti » durant de longs mois, Pierre Gauttieri a affirmé que le maire de Saint-Étienne a validé, en amont, le principe de l’opération dite du chantage à la sextape contre son premier adjoint, avant d’en régler les détails financiers. Une accusation qui met encore plus en difficulté Gaël Perdriau, mis en examen en avril 2023 dans cette affaire, et toujours à son poste en octobre 2024.
Les choses se corsent pour l’édile stéphanois, dans ce feuilleton à rebondissement. Le 13 octobre 2022, nous avions fait une première chronologie de cette affaire. Depuis, nous ne cessons de la mettre à jour, tant les éléments à charge s’accumulent. Retrouvez-là ci-dessous.
Mediapart révèle un chantage à la sextape visant le premier adjoint au maire de Saint-Étienne
26 août 2022
À l’hiver 2014, Gilles Artigues, le premier adjoint au maire de Saint-Étienne, est filmé à son insu en compagnie d’un escort boy. Ce dernier a été recruté spécialement à cet effet par des collègues de Gilles Artigues, pour le faire chanter à l’aide de la vidéo de cette soirée.
Le 26 août 2022, Mediapart révèle les faits dans une enquête intitulée « Sexe, chantage et vidéo : l’odieux complot », publiée le 26 août. D’après le journal, c’est un élu municipal de la majorité, Samy Kéfi-Jérôme, devenu par la suite conseiller régional délégué et vice-président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui a installé la caméra dans la chambre d’hôtel.
Ouverture d’une enquête sur Gaël Perdriau et premières garde-à-vues à Lyon
29 août 2022
Gilles Artigues porte plainte contre Gaël Perdriau pour « chantage aggravé ».
30 août
Dépaysement judiciaire oblige, c’est le parquet de Lyon qui ouvre une enquête préliminaire qui est confiée à la police judiciaire (PJ).
12 septembre
Depuis les révélations de Mediapart, le maire de Saint-Etienne, Gaël Perdriau, répète en boucle qu’il n’était pas au courant de cet odieux complot visant son premier adjoint. Des enregistrements récupérés et publiés par Mediapart prouvent le contraire. Pire, les extraits audio diffusés le 12 septembre témoignent d’un véritable « chantage mafieux » orchestré directement par Gaël Perdriau en personne, épaulé par son directeur de cabinet, Pierre Gauttieri.
13 septembre
Gaël Perdriau ainsi que d’autres protagonistes de cette affaire sont placés en garde à vue pendant quelques heures. Il en ressort en fin d’après-midi, sans mise en examen et sans être soumis à un contrôle judicaire.
Alors qu’il est en garde à vue, Les Républicains explique dans un communiqué que « la fédération LR de la Loire a demandé ce jour l’exclusion Gaël Perdriau ».
Gaël Perdriau débranche deux de ses collaborateurs impliqués dans le chantage à Saint-Étienne
20 septembre
Le 20 septembre, dans la foulée de ces nouvelles révélations, le maire de Saint-Etienne démet Pierre Gauttieri de ses fonctions de directeur de cabinet. Le 23 septembre, c’est l’adjoint Samy Kéfi-Jérôme qui démissionne.
22 septembre
Après avoir fait sauter ces deux fusibles, Gaël Perdriau continue de se donner un peu d’air. Dans la soirée, le service presse commun Ville et Métropole fait parvenir deux communiqués.
Dans le premier, le « bureau exécutif de Saint-Etienne Métropole » annonce une réorganisation temporaire « le temps de l’instruction judiciaire » :
Les vice-présidents assurent les représentations extérieures de Saint-Étienne Métropole.
Les dossiers partenariaux [sont] délégués aux vice-présidents dans le cadre de leur délégation.
La prochaine séance du Conseil métropolitain du 29 septembre [sera] présidée par Hervé Reynaud, 1er vice-président.
Dans le second, il est annoncé que « Gaël Perdriau, maire de Saint-Etienne, président de Saint-Etienne Métropole a proposé […] que les représentations municipales extérieures soient assurées par les adjoints en fonction de leurs délégations ».
Une petite phrase a été ajoutée pour tenter de montrer que la majorité soutient le maire (et surtout, ne veut pas déterrer la hache de guerre entre les différents groupes en cas de démission de Perdriau) :
« L’ensemble des élus souhaite exprimer aux Stéphanois leur volonté de poursuivre le travail engagé depuis 2014. »
Nouvelles révélations quelques heures avant un conseil municipal houleux à Saint-Étienne
26 septembre, 6h16
De nouvelles révélations viennent accabler Gaël Perdriau, de la part de France Info cette fois-ci. Le maire de Saint-Etienne est soupçonné de favoritisme : il n’aurait pas respecté la procédure d’appel d’offres pour choisir une entreprise chargée d’organiser des spectacles, dirigée par un couple d’amis dont il est proche.
26 septembre, 14h30
Le 26 septembre se tient le premier conseil municipal stéphanois depuis les révélations de Mediapart. Le conseil se déroule dans une ambiance particulièrement houleuse. Des élus de tous bords demandent avec insistance des explications à Gaël Perdriau tandis que celui-ci se cramponnent désespérément à l’ordre du jour. Campés devant l’hôtel de ville, plusieurs centaines de manifestants réclament sa démission.
Le maire de Saint-Étienne, Gaël Perdriau, évincé des Républicains
11 et 13 octobre
Gaël Perdriau est toujours à son poste de maire de Saint-Etienne et de président de la Métropole. il continue à affirmer qu’il n’a rien à voir avec cette affaire de chantage. Le 11 octobre au soir, les Républicains ont voté à l’unanimité son exclusion définitive du parti, au terme de la procédure lancé le 13 septembre.
Deux jours plus tard, le maire de Saint-Etienne a annoncé sur les réseaux sociaux avoir porté plainte contre Éric Ciotti pour injures publiques et contre son désormais ancien parti pour diffamation.
Des nouvelles révélations censurées sur demande de Gaël Perdriau
21 novembre
Alors que l’affaire Perdriau semblait avoir perdue de son souffle médiatique, Mediapart s’apprêtait à divulguer de nouvelles informations sur le maire de Saint-Étienne. Ces révélations concerneraient « le recours à la rumeur comme instrument politique », à l’encontre de Laurent Wauquiez, président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes
Mais le journal n’a pas pu publier son article car il a reçu un acte judiciaire, de la part du tribunal judiciaire de Paris, lui ordonnant de ne pas rendre publique son enquête. En résumé : il s’agit d’une censure préalable, demandée par le maire de Saint-Étienne par le biais de son avocat. Une décision judiciaire prise dans l’urgence, en quelques jours après que Mediapart ait contacté Gaël Perdriau pour une réaction.
« Mediapart n’était pas informé de cette procédure et l’ordonnance a été prise par un juge sans que notre journal n’ait pu défendre son travail et ses droits », affirme le pure-player, qui souhaite entamer des démarches pour faire annuler la censure.
30 novembre
Le tribunal judiciaire de Paris a mis fin à la censure visant Mediapart, qui a pu publier ses nouvelles révélations concernant Gaël Perdriau. Cette fois-ci, la victime s’appelle Laurent Wauquiez, président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
D’après les informations de Mediapart, les enquêteurs de la police judiciaire de Lyon en charge de l’affaire ont déniché un enregistrement accablant d’une réunion de travail en date du 27 novembre 2017. On y entend le maire de Saint-Etienne menacer Gilles Artigues de diffuser des extraits de la sextape avec laquelle il le fait chanter depuis trois ans déjà, et lui reprocher de comploter dans son dos avec Laurent Wauquiez.
Gaël Perdriau affirme soudainement que Laurent Wauquiez « suce sur le parking des supermarchés des petits garçons ». Interrogé par Mediapart le 18 novembre, le maire de Saint-Etienne a reconnu des propos « grossiers et sans fondement ». Trois heures plus tard, il demandait la censure de l’article.
De son côté Laurent Wauquiez a annoncé son intention de porter plainte pour diffamation contre Gaël Perdriau.
8 décembre
Lors d’un conseil métropolitain houleux, Gaël Perdriau a déclaré, en début de séance, se mettre en « retrait total » de la Métropole de Saint-Étienne. Il ne siégera donc plus au sein du conseil. Il reste cependant, pour le moment, maire de la ville et président de la Métropole.
Au cours de la séance qui a suivi, 60% des élus communautaires ont adopté un vœu appelant Gaël Perdriau à démissionner. C’est la récente censure des dernières révélations de Mediapart qui semble avoir fait basculer les élus de la majorité :
« Le contexte judiciaire pèse lourdement sur notre métropole », surtout depuis que « nous avons assisté avec stupeur à une tentative inédite de censure préalable d’un article de presse (…) « M. Perdriau a perdu toute forme de légitimité d’exercer un mandat, le maintien dans ses fonctions serait une insulte (…) S’il lui reste un soupçon de dignité, il doit quitter ses mandats dans les meilleurs délais, c’est le dernier service qu’il doit rendre aux habitants avant de répondre à la justice », expose notamment le texte du vœu cité par l’AFP.
Le matin même de ce conseil, Le Progrès publiait la première interview accordée par le maire de Saint-Étienne depuis le début de l’affaire. Cette contre-offensive médiatique n’a, manifestement, pas convaincu les élus de la Métropole.
Gaël Perdriau, toujours maire de Saint-Étienne, et trois complices présumés, mis en examen
4 avril 2023
Sept mois après les premières révélations, les investigations se poursuivent. Le 4 avril, le maire de Saint-Étienne, Gaël Perdriau, a de nouveau été placé en garde-à-vue comme le révèle Le Progrès. Et il n’est pas le seul. Son ex-directeur de cabinet, Pierre Gauttieri, son ex-adjoint à l’éducation, Samy Kéfi-Jérôme, et l’ex-conjoint de ce dernier, Gilles Rossary-Lenglet, ont également été placés en garde-à-vue.
Le lendemain, le parquet de Lyon a annoncé que ces quatre garde-à-vues ont été prolongées.
Pour rappel, les quatre hommes ont déjà passé quelques heures sous ce régime au tout début de l’affaire, le 13 septembre 2022. Ils en étaient ressortis sans mise en examen.
6 avril 2023
À la suite de cette garde à vue, le parquet de Lyon a communiqué le 6 avril tard dans la soirée. Le maire de Saint-Étienne, Gaël Perdriau, a été mis en examen pour chantage. L’ancien directeur de cabinet du maire, Pierre Gauttieri, est notamment mis en examen pour des chefs de chantage avec mise à exécution de la menace, recel de bien obtenu à l’aide d’un détournement de fonds, complicité de soustraction ou encore détournement de fonds publics par un dépositaire de l’autorité publique.
Samy Kéfi-Jérôme, ex-adjoint à l’éducation du maire impliqué dans l’affaire, a été lui, notamment, mis en examen sur des chefs de chantage avec mise à exécution de la menace, recel de bien obtenu à l’aide d’un détournement de fonds, atteinte à l’intimité de la vie privée par fixation et enregistrement ou transmission de l’image d’une personne présentant un caractère sexuel. Son ex-conjoint, Gilles Rossary-Lenglet, est lui aussi mis en examen pour complicité de chantage et plusieurs chefs d’accusations similaires.
Une nouvelle vidéo de chantage accablante révélée par Mediapart
26 avril 2023
Huit mois après le début de ce scandale politique qui secoue la ville de Saint-Étienne, Mediapart révèle une nouvelle vidéo, tournée par Samy Kéfi-Jérôme, ex-adjoint à l’éducation du maire. Celle-ci a été récupérée par la police judiciaire à l’occasion d’une perquisition, dans un vieux disque dur. D’après les informations de Mediapart, la vidéo a été tournée le 18 septembre 2016, soit un an après la sextape de janvier 2015. On y voit Gilles Artigues, qui ne sait pas qu’il est filmé, et Samy Kéfi-Jérôme, au domicile de ce dernier, alors adjoint à l’éducation mais visiblement désireux de grimper les échelons. Il montre à Gilles Artigues un montage composé d’images issues de la sextape, et le fait chanter. Cette vidéo ne sortira pas, lui dit-il, à condition – entre autres – que Gilles Artigues lui laisse la place aux élections législatives de 2017.
Samy Kéfi-Jérôme n’est pas le seul à être dans la tourmente suite à ces nouvelles révélations. Les enquêteurs ont également mis la main sur des échanges accablants entre ce dernier et le maire de Saint-Étienne, dont un photomontage consternant de Laurent Wauquiez. Lors de son audition par les juges le 6 avril, Gaël Perdriau continuait à nier avoir eu accès à la vidéo de la sextape et avoir exercé un quelconque chantage sur Gilles Artigues.
La sextape financée avec de l’argent public
27 avril 2023
Les révélations s’enchaînent sur Mediapart. Le 27 avril, le journal dévoile le circuit anormal de deux subventions municipales, d’un montant total de 40 000 euros. Entre 2014 et 2015, celles-ci ont en effet été attribuées à deux associations stéphanoises méconnues et dont les actions concrètes restent à prouver. Elles ont ensuite atterri chez Gilles Rossary-Lenglet, l’homme qui a supervisé la bonne exécution du piège visant Gilles Artigues. Il en a reversé une partie à son compagnon de l’époque, Samy Kéfi-Jérôme, auteur de la vidéo.
D’après Mediapart, le directeur de cabinet du maire de Saint-Étienne, Pierre Gauttieri, a été mis en examen le 6 avril pour « détournement de fonds publics ». Gilles Rossary-Lenglet et Samy Kéfi-Jérôme ont également été mis en examen, pour « recel ». Gaël Perdriau, lui, a été placé sous le statut de témoin assisté.
« Théo », l’escort boy qui figure sur la sextape, a été retrouvé. Il a affirmé à Mediapart avoir découvert l’affaire dans la presse. Filmé lui aussi à son insu, il dit n’avoir jamais été mis au courant du chantage exercé par la suite grâce à la vidéo.
L’ancien maire de Saint-Étienne a failli pâtir des méthodes de l’équipe de Gaël Perdriau
1er octobre 2023
Ce dimanche 1er octobre, Mediapart dévoile que l’équipe de l’actuel maire avait tenté de piéger son prédécesseur, Michel Thiollière, plus proche des centristes, en 2015. Selon des enregistrements diffusés par le site d’investigation, l’objectif était de le filmer aux bras d’une prostituée de « de 16 ans ». Cela étant fait, il aurait été plus facile de le faire chanter.
Dans une réunion préparatoire de ce guet-apens, on entend un proche de Gaël Perdriau déclarer que l’ancien maire pourrait se suicider devant un tel chantage. « On est d’accord que… comment dirais-je ? On s’en branle », répond un autre.
Finalement, le projet avait été arrêté du fait de la perte de notoriété de l’ancien maire. Il n’empêche. Ce rebondissement entache encore davantage la réputation du maire de Saint-Étienne et de son équipe. Ce dernier est toujours officiellement en poste, même s’il s’est mis en retrait de ses fonctions à la Métropole. Interrogé par Le Progrès, Gaël Perdriau a déclaré « ne pas être au courant ».
Le bras droit du maire de Saint-Étienne passe à table
Jeudi 4 janvier 2024
En ce début d’année 2024, Mediapart révèle que l’ancien bras droit de Gaël Perdriau, Pierre Gauttieri, a lâché le maire de Saint-Étienne. Mis à mal par une série d’enregistrements diffusés par le site d’investigation, l’ancien directeur de cabinet est passé à table devant les enquêteurs, juste avant les fêtes.
Admettant avoir « menti » durant de long mois, il a affirmé que le maire de Saint-Étienne a validé, en amont, le principe de l’opération dite du chantage à la sextape, avant d’en régler les détails financiers. Pièce maîtresse de l’opération de chantage à la sextape selon l’enquête journalistique, l’ancien proche du maire a également affirmé aux juges que Gaël Perdriau avait été informé des préparatifs d’un second piège – qui ne s’est finalement pas concrétisé – visant un autre élu, l’ancien sénateur-maire UDI de Saint-Étienne Michel Thiollière.
Au terme de son audition, Pierre Gauttieri a été mis en examen pour « association de malfaiteurs ». Il était déjà été poursuivi pour « chantage », « détournement de fonds publics » et « utilisation d’images à caractère sexuel. » Contacté par le biais de son avocat par Mediapart, le maire de Saint-Étienne n’avait pas encore réagi à ces accusation à l’heure où nous écrivons ces lignes. Il est, en tout cas, toujours en poste.
Fin des investigations dans l’affaire Perdriau : le maire et six autres personnes mises en examen
Lundi 7 octobre 2024
Évolution majeure dans l’affaire début octobre 2024. Selon l’AFP, le juge lyonnais, Nicolas Chareyre, en charge de l’affaire a rendu lundi 7 octobre un « avis de fin d’information ».
Deux ans après les premières révélations de Mediapart, les investigations judiciaires s’achèvent donc. L’édile de Saint-Étienne et six autres personnes sont mises en examen. Les différentes parties ont trois mois pour adresser des observations ou formuler des demandes au magistrat instructeur.
Cet article est une mise à jour d’un article paru le 13 octobre 2022
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