Reculer pour mieux sauter ? Le 26 octobre dernier, Rue89Lyon révélait le projet d’expérimentation de ChatGPT au sein du quotidien régional l’Est Républicain, pour une aide à la relecture d’article. Cette introduction d’une intelligence artificielle générative dans un titre de presse, une première en France, suscitait des inquiétudes au sein des syndicats du Progrès. En effet, les deux quotidiens sont détenus par le même groupe de presse, Ebra, groupe de presse le plus diffusé en France.
Face au tollé suscité par l’annonce de l’arrivée de ChatGPT, la direction de l’Est Républicain avait annoncé la suspension de l’expérimentation. Avant de retropédaler, lundi 6 novembre, au cours d’un comité social et économique (CSE) extraordinaire. L’intelligence artificielle va être testée à partir du 22 novembre prochain, à Nancy, pour une durée de trois mois.
Le SNJ, syndicat majoritaire de la profession, est parvenu à obtenir qu’un expert soit nommé pour superviser les conséquences de l’expérimentation, notamment sur les conditions de travail.
L’utilisation du robot doit se cantonner à la relecture d’articles des correspondants locaux de presse (CLP). Ces « petites mains » du journalisme sont chargées de faire remonter des informations de proximité et de réaliser des articles sur la vie des territoires (fêtes de village, conseils municipaux, concours sportifs…).
Réécriture d’articles : une ligne rouge franchie ?
Mais comme l’avait mis en évidence Rue89Lyon, ChatGPT sera également un outil rédactionnel. Il aura le « pouvoir » de réduire la taille d’articles, de les retraiter, de supprimer des passages entiers – et donc des informations. Et ce sur la base d’un « prompt », autrement dit une requête définie par le journaliste.
En clair, Chat GPT va faire ce pourquoi il est connu : générer artificiellement un nouveau texte, sur la base des informations collectées par les correspondants de presse. Un outil sobrement appelé « aide au résumé » par la direction de l’Est Républicain.
Le conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) recommande qu’« un contenu généré (par une IA) ne peut être publié (…) qu’à condition que les journalistes aient pu connaître et maîtriser, d’une part les informations utilisées à l’origine, d’autre part les étapes de traitement qui leur ont été appliquées. »
Pas d’expérimentation de ChatGPT au Progrès « pour l’instant »
Problème : le développement annoncé de l’outil est concomitant d’une réduction régulière des effectifs dans un secteur en crise, rendant bancale la supervision humaine de ChatGPT vantée par la direction. Selon Eric Barbier, journaliste à Besançon (Doubs) et représentant syndical, l’Est républicain a perdu une vingtaine de journalistes depuis 2017.
Toujours est-il qu’une étape importante vient d’être franchie. « Cette initiative a la prétention de servir de phare », avait affirmé Christophe Mahieu, le directeur général de l’Est Républicain, en marge d’une réunion d’entreprise, le 9 octobre. ChatGPT va-t-il dépasser les frontières de la Lorraine ? « Nous ne menons pas pour l’instant d’expérimentation au sein du Progrès », avait assuré le rédacteur en chef du Progrès Xavier Antoyé aux représentants syndicaux, fin octobre. Pour combien de temps?
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