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De comptable à vigneronne : Lan Bertrand, « amoureuse » de la vigne du Beaujolais

Depuis 2021, Lan Bertrand s’occupe de deux hectares de vignes au nord de Villefranche-sur-Saône. Comptable de formation, cette mère de famille est devenue vigneronne à… 45 ans, dans le Beaujolais. À l’occasion du salon Sous les pavés la vigne, rencontre atypique avec une amoureuse du cep.

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Lan Bertrand
Lan Bertrand, ex-comptable devenue vigneronne dans le Beaujolais en 2021.

Il commence (enfin) à fraîchir dans les collines du Beaujolais. A Blacé, petite commune au nord-est de Villefranche-sur-Saône, la plupart des feuilles de vignes ont bien jauni, voire bruni en ce début novembre. Le visage radieux, Lan Bertrand nous montre le sol de sa « parcelle préférée ». 

Entre deux rangées de vignes, elle a tout juste semé de la févrole, toujours visible, du seigle et de la phacélie pour alimenter la terre. « L’idée est de « décompacter » le sol et amener de la biomasse, développe la vigneronne. Le but est qu’il y est ensuite des insectes, des abeilles qui puissent y revenir. »

Intarissable, elle nous explique comment elle cherche à nourrir les pieds de ses vignes « pour que les vers de terre » reviennent. « Je ne laboure pas, note-t-elle. Ça me fait gagner du temps. » Une méthode originale pour une vigneronne au parcours atypique. 

Lan Bertrand n’est pas une fille du cru. À 48 ans, cette « néo » a déjà les cheveux grisés. Avec ses lunettes rouge et bleu, sa coupe de cheveux carrée et son écharpe blanche autour du cou, elle n’a pas le look typique du vigneron du Beaujolais. Pour cause, elle a pris le chemin des vignes tout récemment, avec une première vinification en 2021. Avant ça, la Rhodanienne a exercé 20 ans comme comptable.

Lan Bertrand vigneronne Beaujolais
Lan Bertrand, ex-comptable est devenue vigneronne dans le Beaujolais en 2021.Photo : PL/Rue89Lyon.

Une jeune vigneronne de 45 ans dans le Beaujolais…

Née au Laos, arrivée en France toute petite, Lan n’a pas grandi avec la culture de la quille ou du pot lyonnais. « Mon beau-père m’a initié un peu avec le vin du Jura, mais c’est tout », constate-t-elle. Elle découvre (vraiment) le milieu au détour d’un remplacement comme comptable dans la coopérative des vignerons des Pierres Dorées, près de Saint-Vérand. Un premier déclic. « J’ai vu des étoiles dans les yeux des gens qui travaillaient là-bas », se souvient-elle.

Intriguée, elle y retourne, mais sans exercer comme comptable. Puis, à 45 ans, elle reprend les études avec un BTS en viticulture. « Ça a peut-être été le plus dur, surtout la chimie », retrace-t-elle. Pendant un an, elle travaille ensuite auprès de Philippe Viet, basé à Villié-Morgon. 

Un jour de novembre « un peu plus frais qu’aujourd’hui », elle s’assoit pour profiter d’une éclaircie au milieu de sa journée de travail. C’est là qu’elle est tombée « amoureuse » de la vigne. « Je ne m’étais jamais senti aussi bien », affirme-t-elle.

Depuis, elle a repris des parcelles un peu partout dans le nord du Beaujolais. Quelques ares [un are équivaut à 100 m², ndlr] de Moulin-à-Vent, un peu de Beaujolais-Village, du Régnié… A Blacé, Romanèche-Thorins et Régnié, elle collectionne les petites terres. Deux hectares éparpillés façon puzzle. « Ça ne me dérange pas. De toute façon, je n’ai pas de tracteur, je fais tout à pied », commente celle qui travaille seule.

Pas inquiète, l’ancienne comptable aime prendre son temps. Novice, elle va donner un coup de main aux « copains », les vignerons de l’association des Vignes Blaciennes et d’ailleurs, pour continuer à apprendre. Ces derniers lui rendent bien, notamment sur la vinification, qu’elle apprécie moins que la culture des pieds. La plupart du temps, tout le monde oublie son âge, comme son genre. « On voit la vigneronne, avant de voir la femme », apprécie-t-elle.

Les copains du Beaujolais pour une vigneronne « non-interventionniste »

« Non-interventionniste », elle travaille ses terres en s’inspirant du microbiologiste japonais Masanobu Fukuoka, auteur de La révolution d’un seul brin de paille. Un objectif : ne pas trop travailler (mécaniquement) la terre. La plupart de ses parcelles sont déjà en bio. Elle utilise un peu de souffre et de cuivre, mais avec des proportions bien en dessous de celles demandées par le label AB.

Lan Bertrand expérimente aussi des techniques pour éviter de couper le haut des pieds de vigne. « De cette manière, les racines des pieds sont plus profondes », assure-t-elle. Grand sourire aux lèvres, elle plaisante du regard de certains « copains » qui la considère, parfois, comme « un peu farfelue » à parler en permanence du « bien-être de la vigne. »

Autre point étonnant : la vigneronne a la particularité de voir… petit. Avec seulement deux hectares, elle est en dessous des tailles de domaines classiques pour le vin nature. Elle sait aussi que le rendement de ses pieds ne sera pas très important. Alors, elle fait tout elle-même : l’étiquetage, comme la mise en bouteille.

Un passé de comptable au soutien d’un présent vigneron

Un pari osé, mais qui tient pour l’instant. Sur les 800 bouteilles de Moulin-à-Vent qu’elle a produit jusqu’à présent, elle n’en a plus que 250. Elle a aussi vendu quasiment tous ses Beaujolais-Village. Le tout, semble-t-il, sans stresser.

« Il faut reconnaître que je suis chanceuse, rappelle-t-elle. Ma famille a bien voulu me suivre là-dedans. » Mère de deux filles de 18 et 15 ans, elle sait que sa trésorerie va être malmenée durant trois-quatre ans. Mais, si la situation se dégrade, elle sait qu’elle pourra revenir à la comptabilité.

Avantage de son passé professionnel : cette mère de famille sait ce qu’est « un coût de revient ». « J’ai peut-être plus d’appétence pour gérer la paperasse, constate-t-elle. Quand on a jamais mis les pieds là-dedans, c’est quand même compliqué… »

Son prévisionnel ? 7 000 bouteilles produites dans les bonnes années. « Si ça fonctionne tant mieux, sinon, tant pis », sourit-elle. Pour l’instant, en tout cas, les voyants sont au vert. Ce week-end, elle sera à Lyon au palais de la Bourse lors du salon du vin nature Sous les pavés la vigne. Son premier salon en tant que vigneronne. L’occasion de rencontrer une personnalité unique en son genre en terre beaujolaise.

Beaujolais
En Novembre, quelques hectares du vignes de Beaujolais du côté de Blacé.Photo : PL/Rue89Lyon.

#Sous les pavés la vigne

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