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« Interpol, l’enquête » : un livre sur les dessous troubles de l’agence policière installée à Lyon

Les journalistes d’investigation Mathieu Martinière et Robert Schmidt publient mercredi 11 octobre Interpol : l’enquête (éd. HarperCollins). Le livre, fruit d’une investigation débutée il y a 10 ans à Lyon, lève le voile sur l’agence policière internationale, et ses liens troubles avec certains lobbies et régimes autoritaires.

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Interpol

C’est l’une des institutions phare de Lyon. Derrière les façades vitrées et briquées de l’immense bâtiment de la cité internationale (Lyon 6e), Interpol a longtemps su cultiver le secret sur son fonctionnement. L’agence policière internationale reste même, dans l’imaginaire collectif, peuplée de superflics parcourant le monde pour traquer les plus grands criminels.

Loin des clichés, Interpol, l’enquête casse ce mythe et dresse le portrait nettement moins flatteur d’une organisation bureaucratique, dont le financement par de puissants groupes d’intérêts ou des régimes autoritaires pose question.

Interpol
Les locaux d’Interpol à Lyon.Photo : PL/Rue89Lyon.

Journalistes d’investigation pour le collectif We Report, Mathieu Martinière et Robert Schmidt se lancent en 2013 dans une interminable enquête à tiroirs. Ils écriront de nombreux articles pour Lyon Capitale, La Tribune de Genève ou encore le quotidien Allemand Die Zeit.

Leurs investigations les mènent des Balkans au Qatar en passant par l’Inde et la Suisse. À l’origine, sans volonté particulière de démystifier Interpol, qui a fêté ses 100 ans cette année.

« On ne partait pas dans l’esprit de « se faire Interpol », on a été de surprise en surprise. Quand tu commences ça à 24 ans, tu es pris dedans », reconnaît Mathieu Martinière. À l’époque, le journaliste d’investigation collabore avec Rue89Lyon sur l’extrême droite.

Interpol, une institution lyonnaise

Interpol débarque à Lyon en 1989. Une installation qui aurait son origine dans une visite idyllique de la capitale des Gaules en 1984, menée par André Soulier, avocat et ancien premier adjoint du maire de l’époque, Francisque Collomb. La visite, ponctuée d’un bouchon bien arrosé, semble convaincre le secrétaire général d’Interpol de l’époque, Raymond Kendall. L’arrivée des agents de police internationaux à Lyon conduira à la création du lycée international de Gerland, quelques années plus tard. Ça, c’est pour la partie anecdote. Mais le livre-enquête va beaucoup plus loin.

Forts de plus de 200 rencontres, dont une trentaine d’agents et anciens agents d’Interpol, Mathieu Martinière et Robert Schmidt remontent la piste des financements d’Interpol. Ils décryptent les « deals » passés par l’agence policière avec des organismes pas vraiment connus pour leur philanthropie et leur probité, comme la fédération internationale de football (Fifa). Ou encore avec le géant du tabac Philipp Morris, un habitué des opérations d’entrisme (en février 2023, Rue89Lyon dévoilait les liens entre le cigarettier et la région Auvergne-Rhône-Alpes).

Chasse au trésor à la Part-Dieu, roman d’espionnage à Villeurbanne

Interpol : l’enquête est résolument journalistique sur le fond, et – presque – policier sur la forme. Au détour de plusieurs rendez-vous informels avec des agents voulant demeurer incognito, Mathieu Martinière et Robert Schmidt s’amusent à jouer avec les codes du roman d’espionnage.

On les suit notamment en train de suivre les instructions mystérieuses d’une source précieuse à la gare Part-Dieu. Ou encore de devoir négocier une information cruciale avec une agente bien informée au fin fond d’un PMU de Villeurbanne.

L’enquête aborde longuement une autre question, nettement plus politique : les contributions financières importantes de régimes autoritaires dans les caisses d’Interpol. Qatar et Emirats arabes unis en tête. En 2021, la nomination du général émirati Ahmed Naser Al-Raisi à la présidence d’Interpol persuade les deux journalistes d’investigation de reprendre l’enquête, et la plume. L’homme est accusé de torture.

Les « notices rouges » d’Interpol, une arme politique?

La question des fameuses « notices rouges » de l’agence est également au cœur du livre. Ces notices, diffusées par l’agence pour retrouver de présumés criminels, auraient servi à l’arrestation d’opposants politiques. Malgré des contrôles renforcés, « plusieurs centaines d’innocents chaque année sont sur des notices rouges d’Interpol », estime Mathieu Martinière.

L’argent est le nerf de la guerre. Tel est le constat dressé par l’enquête, qui révèle qu’Interpol est moins doté – entre autres exemples – qu’Europol, l’agence européenne de coopération policière. « Tout nous ramène à l’argent », concluent les deux journalistes dans leur livre, « tant que les états n’augmenteront pas sensiblement leur contribution, Interpol continuera à être instrumentalisé ».

Interpol, l’enquête, de Mathieu Martinière et Robert Schmidt, aux éditions HarperCollins, 20,90€.


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