C’est un quartier en mutation, comme il n’en existe presque plus à la frontière du périphérique. Le secteur de la Soie, à Villeurbanne, semble être à un point d’étape. Non loin d’un Médipôle vieux de seulement quatre ans, longeant le tramway T3, permettant de rejoindre Meyzieu à la Part-Dieu en passant par Vaulx-en-Velin, des bâtiments flambants neufs côtoient de vieux locaux à l’avenir incertain. Le long de la rue de la ligne de l’Est, certains comme au 11 bis, doivent être transformés pour accueillir de l’activité « productive », en mémoire au passé industriel des lieux. À côté, des chantiers, à des étapes différentes, ont déjà poussé un peu partout. Parmi ceux-ci, certains sont en train de prendre forme. C’est le cas des bâtiments de l’Autre Soie.
Ce mardi 19 septembre, élus et représentants du GIE (Groupement d’intérêt économique) « la Ville Autrement » se sont retrouvés pour faire un point d’étape à mi-chemin sur un projet immense. Mi-octobre, la nouvelle salle du CCO va ouvrir ses portes. En théorie du moins. « On est dans les dernières semaines de chantier, il y a toujours un peu de stress », témoigne Harout Mekhsian, directeur du CCO en regardant les ouvriers s’activer.
Tout sourire, il arpente les lieux avec des représentants d’Alynea, de bailleurs sociaux comme Est Métropole Habitat, Rhône Saône habitat, une préfète déléguée, le maire de Villeurbanne et le président de la Métropole de Lyon. Un cocktail d’acteurs en tout genre pour un « joyeux bordel », place le président de la Métropole de Lyon, Bruno Bernard (EELV). Il faut dire que pour lui, le projet coche « toutes les cases ».
A Villeurbanne, une « Autre Soie » aux multiples facettes
À deux pas des restes de l’ancienne usine Tase (Textile Artificiel du Sud-Est), cet ensemble va proposer 293 logements. Parmi ceux-ci, on peut compter 50 logements sociaux, prévus pour 2024, avec « l’Autre Toit », 70 autres logements prévus dans un ancien IUFM (dont 30 sociaux) pour 2025. Puis, un an plus tard, la fondation Aralis devrait inaugurer une résidence sociale de 92 logements. À côté de cela, la mairie de Villeurbanne veut créer le premier « parc auto-géré » de la métropole, grand de 1,5 ha.
Emblème du projet, l’ancien foyer des travailleuses des jeunes filles de l’Usine Tase va lui être ouvert à la mi-octobre. Juste à côté de la salle de concert du CCO, il doit incarner les multiples facettes du projet. Aux premier et deuxième étages : une résidence étudiante est prévue. Il y aura également sur place un restaurant, un espace de coworking, une maison des services publics ou encore un amphithéâtre de 60 places et un atelier de création géré par le CCO. Côté hébergement d’urgence, il accueillera également des femmes enceintes ou des mères avec enfants de moins de trois ans, prises en charge par l’association Alynea.
L’Autre Soie, la vente d’un quartier idéal au milieu d’un ex-quartier industriel à Villeurbanne
Bref, l’Autre Soie veut être le parfait projet de rénovation urbaine avec du social, de la mixité, un tiers-lieu… Pour le plus grand bonheur des élus. Un à un, ces derniers filent la métaphore textile en déroulant sur les valeurs d’un projet allant « vers l’autre [soi, ndlr] », avec un « autre toit », tout en « tissant » du lien sur l’ancienne industrie de la soie.
« Depuis le temps qu’on vous bassine avec ça », plaisante le maire socialiste de Villeurbanne, Cédric Van Styvendael.
Ancien directeur général d’Est Métropole Habitat, il avait aussi été directeur du GIE « La Ville Autrement ». En son temps, ce poste avait d’ailleurs fait tiquer la Chambre régionale des comptes, sans conséquence pour l’élu. Aujourd’hui, il semble en tout cas le plus à même d’apprécier l’évolution d’un projet dont la genèse remonte à 2014.
« Il s’agit de montrer qu’une ville hospitalière, ce n’est pas que des mots. Il faut aussi organiser la ville autour de ça, note-t-il. C’est un projet éminemment politique. »
Avec un quartier parfait : les risques de la gentrification
Le maire rappelle que les premières personnes ayant été accueillies dans l’ancien foyer de jeunes filles étaient des migrants venant du démantèlement de la jungle de Calais, en 2016. « Un palimpseste » tente même Cédric Van Styvendael (PS), en référence au parchemin dont on a effacé la première écriture pour pouvoir écrire un nouveau texte. Cocasse, quand on connaît le passé industriel du quartier laissé en friche de longues années.
« Il y a un enjeu de rénovation de l’existant, notamment du côté de l’ancienne usine Tase », complète pour sa part le président de la Métropole de Lyon, Bruno Bernard (EELV).
Ce dernier replace « l’Autre Soi », dans le projet plus grand du « Carré de Soie », débordant sur Vaulx-en-Velin et débuté en 2009. Un objectif également : garder l’identité ouvrière du quartier.
Celui-ci sera-t-il tenable ? Rendu attractif par le développement des transports en commun (le T3) et l’arrivée du métro A non loin de là, en 2007, la population du secteur tend à évoluer depuis quelques années. Bien présenté, bien construit… Malgré les logements sociaux en projet, le projet de l’Autre Soie, avec sa part culturelle, associative et son positionnement intéressant au centre de la métropole de Lyon, a tout l’air d’un parfait appeau à cadres sup’. Une chose dont ont conscience les porteurs du projet.
« Il ne faudrait pas que les lieux deviennent le lieu bobo à la mode de la métropole », marque à propos le maire de Villeurbanne, suivant à présent « le projet de plus loin ». Pour lui : « Ce serait à l’inverse notre objectif ». Vraiment, vous avez dit « palimpseste » ?
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