Cinq associations d’aide aux personnes en situation de migration ont publié ce mercredi 26 avril leur rapport annuel sur les conditions de rétention administrative en France en 2022. Ainsi, Forum Réfugiés, France Terre d’Asile, la Cimade, Solidarité Mayotte et le Groupe SOS recensent plus de 40 000 personnes enfermées dans des centres de rétention administrative (CRA) l’année dernière. Les associations ont étudié le profil, les conditions d’interpellation, la durée de rétention et le devenir de 17 553 personnes enfermées dans un des 25 CRA du pays (dont 4 en Outre-mer).
Violences, tentatives de suicides et pathologies psychiatriques en augmentation au CRA de Lyon
Celui de Lyon Saint-Exupéry est flambant neuf. En janvier 2022, le sinistre CRA numéro 1 a vu l’ouverture d’un petit frère, le numéro 2, dans de nouveaux locaux. Soit une capacité de 140 places dans chacun de ces deux CRA. Dans le rapport, Forum Réfugiés note un nouveau bâtiment « très carcéral » et une nouvelle organisation « très rigide » qui a compliqué son travail et l’accès aux droits des personnes retenues.
Le 18 avril, le sénateur EELV Thomas Dossus, la bâtonnière Marie-Josèphe Laurent et plusieurs membres du barreau de Lyon ont visité ce nouveau CRA et fait état de graves dysfonctionnements.
« Tout est anxiogène là-bas, résumait la bâtonnière. Tout est pensé comme un système carcéral, mais avec une oisiveté totale, sans activité. »
En décembre dernier, le médecin du centre, en poste depuis 2017, a carrément démissionné.
Dans le rapport, Forum Réfugiés a de fait constaté « une nette augmentation des agressions entre personnes retenues » et plusieurs tentatives de suicide au bout de seulement un an d’existence de ce nouveau CRA.
« L’année 2022 a été fortement marquée par l’augmentation significative du nombre de personnes présentant des pathologies psychiatriques lourdes », s’alarme l’association.
Elle dénonce le fait que ces vulnérabilités sont désormais reléguées au second plan lorsque des faits de troubles à l’ordre public sont reprochés à la personne. Une situation qui s’est aggravée à l’été 2022, avec une circulaire du ministère de l’Intérieur prévoyant un placement en rétention prioritaire des étrangers qui représenteraient une « menace pour l’ordre public », sans que celle-ci ne soit clairement définie.
« À partir du mois d’août 2022, les places au CRA étaient priorisées à près de 90 % contre 30 % auparavant pour des auteurs de troubles/menaces à l’ordre public », témoigne Forum Réfugiés.
1183 personnes dont deux enfants retenus dans le nouveau CRA de Lyon en 2022
1183 personnes ont été enfermées dans ce nouveau CRA en 2022, soit une augmentation de 6% par rapport à l’année précédente. Parmi celles-ci, deux enfants. En 2023, 88 d’entre elles s’y trouvaient toujours.
Les nationalités les plus représentées sur l’année 2022 étaient les nationalités algériennes (21,5%) et albanaises (20,6%). Des chiffres similaires au niveau national. Les autres personnes sont originaires de Tunisie, du Maroc, de Guinée, d’Afghanistan ou encore de Serbie. La majorité des rétentions font suite à une Obligation de quitter le territoire français (OQTF, une décision d’éloignement prise par le préfet).
Plus d’un tiers des personnes ont été interpellées dans leur vie quotidienne, lors d’un contrôle de police, à la frontière, à domicile, en gare ou encore dans les transport en commun. Presque autant ont été arrêtées à leur sortie de prison.
Au nouveau CRA de Lyon, une durée d’enfermement plus longue que la moyenne nationale
En moyenne, les personnes sont retenues 23,7 jours dans ce nouveau CRA de Lyon Saint-Exupéry. Légèrement plus longtemps que la moyenne nationale qui était de 23 jours en 2022. Près d’un tiers des personnes sont restées au CRA de Lyon moins de 48h, un autre tiers entre 3 et 20 jours et près de 20% entre 46 et 75 jours. Forum Réfugiés note qu’en 2022, 56 personnes y ont été retenues jusqu’à 90 jours, la durée maximale d’enfermement autorisée par la loi. Un chiffre qui ne cesse d’augmenter, alerte le rapport : il était de 7 jours en 1981, 32 jours en 2003 et 45 en 2011.
À l’issue de cet enfermement, les personnes ont été en grande majorité (61,6%) renvoyées dans un autre pays, souvent hors de l’Union européenne. Seul un tiers d’entre elles, c’est-à-dire 360 personnes, ont été libérées, dont 275 par les juges et 61 par la préfecture.
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