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Quelles histoires pour (sur)vivre dans l’anthropocène ?

Cette semaine Radio Anthropocène vous raconte des histoires. Celles que les artistes, auteur·ice·s et autres créateur·ice·s écrivent pour décrire, imager et rendre intelligible l’époque qui est la nôtre : l’anthropocène. 

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Quelles histoires pour (sur)vivre dans l’anthropocène ?

Le changement global questionne tous les aspects de nos sociétés, jusqu’à leur cohérence. Une sensation de vide peut saisir tout un chacun·e face à l’immensité des défis à relever. Composer des imaginaires alternatifs, à travers des récits de fiction, permet d’interroger le réel dans lequel nous naviguons.

Le professeur de littérature Yves Citton, dans “Générations collapsonautes”, montre comment face aux récits effondristes, il est possible de naviguer à contre-courant. Cet exemple montre que les histoires peuvent être des boussoles dans une actualité qui nous désarçonne. 

L’anthropocène, toute une histoire

Aujourd’hui, deux récits s’imposent dans l’espace médiatique mais ils ne sont pas satisfaisants. D’un côté, le discours effondriste ; de l’autre, le techno-solutionnisme. Nous sommes convaincus qu’une troisième voie est possible. Ce sont ces récits alternatifs que des réalisateur·ice·s allant de Hayao Miyazaki à des auteur·ice·s comme Alain Damasio s’évertuent à inventer, œuvres après œuvres. L’intérêt de leur démarche consiste à conter ce qui compte réellement pour des personnages, qui comme nous, sont en quête de sens. 

Les imaginaires permettent aussi de pluraliser les points de vue, de porter un regard interrogatif et ouvert sur le monde, transcendant tout jugement. La singularité de la fiction tient à ce qu’elle est un espace de liberté, un terrain de jeu qui permet par là même de questionner des enjeux de façon originale et détournée.

Pour Georges Perec, « L’espace est un doute » ; la page l’est tout autant en ce qu’elle accueille l’imaginaire d’un·e auteur·ice et d’un·e lecteur·ice qui propose pour l’un·e, et dispose pour l’autre. Plus encore, il est possible d’entendre le “jeu” produit par la fiction comme un espace de décalage par rapport à d’autres modalités que sont l’essai ou la tribune par exemple.

Faire converser sciences, arts et société : quelle histoire !

C’est d’ailleurs la volonté qui est la nôtre, chez Radio Anthropocène, de produire ces conversations entre sciences, arts et sociétés. L’important est aujourd’hui de composer des récits qui bien que divergents – car produits par divers gens situés en divers lieux – peuvent converger. Notre ambition est simple : constituer une chambre d’écho à ces imaginaires et représentations alternatives, d’autant plus urgentes à penser que l’on peine à constituer des imaginaires désirables. 

Ce travail fait de la fiction une œuvre ouverte d’après la célèbre formule d’Umberto Eco, que chacun·e peut investir de son histoire personnelle, ses désirs, ses renoncements. Car ce travail d’interprétation permet aussi d’adapter, rediriger ou faire bifurquer nos imaginaires vers des représentations plus conciliables avec les enjeux contemporains. 

L’anthropocène comme nouveau récit ?

Plus encore, ne peut-on pas considérer l’anthropocène comme un récit en soi ? Celui d’une remise en question d’une forme de rationalité moderne et occidentale, célébrée depuis Descartes, réinvestie sous les Lumières, ou la science occupe une place de choix dans une croyance infinie au progrès.

Ce discours ne tient plus. Car l’entrée dans l’anthropocène met en doute l’idée même de rationalité scientifique. C’est ce qu’attestent nombre d’exemples historiques : bombe atomique, pollution chimique, plastique… Aujourd’hui, son instrumentalisation contemporaine menace l’habitabilité de notre planète. Elle a fait advenir nos systèmes techniques, économiques et sociaux, ceux-là même qui bouleversent écosystèmes et climats, autant d’équilibres dont nous dépendons.

A ce titre, les fictions peuvent constituer des modalités discursives opportunes pour interroger la pertinence d’un discours scientifique cherchant à expliquer le monde dans lequel nous vivons.

Aussi, faut-il, sans tomber dans le relativisme, considérer la science comme une forme de récit ? A l’heure où la preuve est de moins en moins exigée dans le débat public, où les « vérités alternatives » (les fake news) essaiment toujours plus, la question mérite d’être posée. Face à ce constat, il peut être opportun de ré-encastrer le discours scientifique au sein d’autres formes de récits, pour mieux repositionner ce dernier au cœur de la cité.

Ainsi, que peut encore la littérature, pour paraphraser Jean-Paul Sartre, à l’heure de l’Anthropocène ? Tout au long de cette journée, nous réciterons avec vous et notre panel d’invité·e·s des discours tantôt dérangeants tantôt dérangés pour comprendre aussi ce que cette nouvelle époque fait à la littérature, et ce qu’elle en fait.

Radio Anthropocène – L’anthropocène, toute une histoire – 26 avril 2023

#Fabien Bagnon

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