« Le maire de Villeurbanne va recevoir une délégation ! »
Une pluie d’applaudissements vient accueillir une petite victoire. Ce mercredi 19 avril, une délégation composée de membres de Jamais sans toit, de l’Intersquat et du Dal 69 (Droit au logement) a été reçue par le maire de Villeurbanne, Cédric Van Styvendael (PS). Un premier rendez-vous après une action éclair, débutée trois heures plus tôt.
Le mouvement a commencé à 13h, sur un parking non loin de la mairie. Une trentaine de militants se rassemblent alors. Objectif : occuper la mairie de Villeurbanne pour faire entendre la voix des personnes sans toit. Avec la fin de la trêve hivernale, ce sont 300 habitants de squats qui risqueraient de se retrouver forcés de quitter de leur logement de fortune. Depuis la fin de la trêve hivernale le 31 mars, des expulsions ont déjà commencé, dénoncent ces militants.
« On reste posé, rassure un militant face au reste du groupe. Les personnes qui veulent être moins tranquilles peuvent rester dehors. Les autres rentrent à l’intérieur. »
Squats à Villeurbanne : la réquisition au centre des demandes
L’occupation se veut non-violente. D’ailleurs, la cible, la mairie de Villeurbanne, est plutôt connue pour être favorable à cette cause d’un toit pour tous. Reste que plusieurs squats sont menacés à proximité, comme celui de Grandclément ou le « Zola », installé sur le cours du même nom.
« On nous a coupé l’électricité et le chauffage depuis février, constate un de ses habitants. Pour se chauffer, j’ai dû faire avec une bonbonne de gaz. »
Rapidement, la trentaine de personnes rentrent dans la mairie plutôt calmement. Parmi eux, quelques personnes portent les gilets oranges de Dernière Rénovation. « Stop aux expulsions, réquisitions ! », « À Lyon, 18 000 logements vacants. Réquisition »… Des banderoles sont placardées à l’entrée. Très rapidement, des premiers échanges ont lieu avec des membres du cabinet du maire et des services techniques venus leur parler dans le hall. « Les élus chargés de cette question ne sont pas là… L’un est en déplacement, l’autre en vacances », avance un membre du cabinet, faisant grincer les dents des militants.
Un échange s’installe. À l’intérieur, tout le monde joue le jeu. Les militants se décalent pour laisser passer le personnel de la mairie. De l’autre côté, personne n’appelle les forces de l’ordre.
Vivant dans un squat, Éric observe la scène, légèrement inquiet. « Nous devons être reçus, il faut qu’on nous entende », nous dit-il.
Ce Camerounais demandeur d’asile n’a eu aucune proposition d’hébergement depuis son arrivée en France, raconte-t-il. Il vit depuis plus d’un an au « Dur à Cuire », un squat à Caluire. Il devrait être forcé de quitter cet ancien centre médico-psychologique (CMP) dépendant du Vinatier le 1er juin. Les lieux doivent être démolis.
« Nous sommes ici pour demander s’il y a des bâtiments vides, afin de pouvoir être hébergés », reprend-t-il.
Une demande à Villeurbanne : la mise en place d’arrêtés contre l’expulsion des squats
Le jeune homme semble fatigué. La peur de perdre son toit « le stresse » dans un contexte où il est déjà perdu dans la paperasse administrative. « Ce n’est pas que la question du logement, c’est un tout », soupire-t-il. Il se bat aussi « pour les autres », pour les familles qui vivent à la rue, sans solution. « Pas de doute, il faut des réquisitions ».
Au moins, son appel a-t-il été entendu par la mairie de Villeurbanne.
Quelques heures après l’entrée dans le bâtiment, un entretien est organisé, rapidement, par téléphone avec Mathieu Garabedian, adjoint à la mairie en charge de l’innovation, du développement social, des biens communs et de la solidarité. « Nous avons besoin de garanties », dit un membre des collectifs présents, à l’adjoint.
Puis, le maire, Cédric Van Styvendael, les accueille dans son bureau. En matière d’hébergement d’urgence, le poids des communes est faible puisqu’il s’agit d’une compétence de l’État. S’agissant des demandeurs d’asile, ils sont, en théorie, logés également par les services de l’État. Quant aux mineurs isolés non-accompagnés (les fameux « MNA »), ils doivent être pris en charge par la Métropole de Lyon au titre de la protection de l’enfance. Pour autant, la commune a un rôle à jouer.
« Le maire peut notamment mettre en place des arrêtés anti-expulsions », souligne un militant présent. Les villes de Grenoble et de Vénissieux, notamment, ont opté pour cette mesure d’ordre surtout symbolique. Une chose à laquelle n’est pas favorable le maire, Cédric Van Styvendael.
« Nous ne voulons pas nous mettre en conflit avec la préfecture avec qui nous travaillons bien sur ce dossier pour l’instant, précise-t-il. Pour l’instant, rien ne justifie de dégrader nos relations. »
Une position qu’il avait déjà affirmée dans nos colonnes en décembre dernier.
« Si toutes les villes de la métropole avaient fait des efforts, nous n’en serions pas là »
Dans le même temps, le maire socialiste de Villeurbanne appelle l’État à être plus « volontariste » sur l’hébergement d’urgence. Du reste, il souligne que 300 places d’hébergement ont été créées à Villeurbanne depuis son arrivée aux affaires.
« Villeurbanne a pris plus que sa part, veut-il marquer. Si toutes les villes de la métropole avaient fait des efforts, nous n’en serions sûrement pas là. »
Plusieurs communes, notamment de l’Ouest lyonnais, avaient affiché leur opposition à l’arrivée de centres d’hébergement d’urgence. Le maire LR de Francheville, notamment, s’était ainsi distingué par son opposition à l’accueil du tiers-lieu social et solidaire installé dans sa ville, les Grandes Voisines.
Vers 16h30, la délégation est revenue présenter le résultat de ces échanges aux personnes restées dehors.
Le maire s’est engagé à contacter la préfecture du Rhône concernant l’avenir des habitants du Zola.
« Normalement, ils devraient annuler le concours de la force publique », espère un militant. Les associations et collectifs vont également être intégrés à des rendez-vous mensuels sur les questions de l’hébergement d’urgence.
Et ensuite ? Les collectifs le savent : sur ce sujet, l’État, les communes et la Métropole de Lyon ont tendance à se renvoyer la balle. « On se fait balader d’un côté à l’autre », râle un militant aguerri. L’idée pour eux sera de maintenir la pression via d’autres actions. « Ce n’est qu’un début », annonce Camille, aidant dans un squat à Grandclément. Prochain rendez-vous : ce vendredi, 12 h, avec l’adjoint à la mairie de Villeurbanne, Mathieu Garabedian.
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