Il était parti sans bruit, comme une ombre. Alors que Gérard Collomb bataillait avec peine pour rester dans le jeu lyonnais, son ancien acolyte, Michel Mercier (CDS, UDF, UDI, puis Modem) s’était discrètement retiré de la vie politique lors des élections municipales de 2020. Il avait particulièrement marqué le paysage politique par ses nombreux mandats dans le Rhône depuis 1977. Son nom n’a pas été oublié, ni par les politiques locaux, ni par les juges.
Ce lundi 31 octobre, l’incarnation du baron à la sauce rhodanienne comparaît devant la justice dans le cadre de l’embauche de son épouse et de sa fille comme assistantes parlementaire alors qu’il était sénateur du Rhône. Le tribunal correctionnel devra établir si ces emplois étaient fictifs, ou non. L’enquête avait été confiée au parquet national financier à la suite d’un article du Canard Enchainé paru en 2017.
Une mise en examen dans une autre affaire d’emplois fictifs
Le procès de l’ancien baron du Rhône doit durer du 31 octobre au 10 novembre. Dans cette affaire, le Sénat s’est porté partie civile « à reculons », selon nos confrères du Progrès. Un signe de la sympathie des Sénateurs pour leur ancien collègue ? Ou la peur d’un retour de flammes ? Nombreux ont été les hommes politiques à faire travailler leurs familles à leur côté durant des années, comme le fait remarquer André Soulier, l’avocat de l’ex Sénateur. Le cas du notable rhodanien a, cependant, quelques spécificités.
Dans la famille Mercier, l’épouse, Joëlle, a été employée 14 ans par son mari. Sa fille, Delphine, n’a été en contrat que deux ans. Cependant, c’est son dossier qui pose, a priori, principalement problème. Selon le Canard enchainé, la jeune femme vivait à Londres pendant sa période d’attachée parlementaire alors qu’elle était censée être domiciliée à Paris. À « mi-temps », elle touchait une rémunération mensuelle de 2000 euros.
En plus de cette affaire, l’ancien baron du Rhône pourrait bien se retrouver de nouveau à la barre dans un autre dossier. Proche de François Bayrou, le centriste a été mis en examen en 2019 pour « complicité de détournement de fonds publics » dans le cadre de l’enquête sur les emplois présumés fictifs des assistants d’eurodéputés du Modem.
S’il n’a jamais été député européen (un des rares postes qu’il n’ait pas convoité), le Rhodanien a été trésorier du Modem. Les investigations dans ce dossier ont été clôturées par la police, avant qu’il ne soit renvoyé devant la justice.
Dans le Rhône, l’empreinte indélébile de Michel Mercier
Dans le Rhône, son affaire d’emploi fictifs a, semble-t-il, précipité la (très) longue carrière politique de Michel Mercier. Maire de Thizy-lès-Bourg dès 1977, président du Conseil général (ancien conseil départemental du Rhône) durant plus de 20 ans, Garde des Sceaux, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, sénateur durant 16 ans, député… Le Thizerot a cumulé les mandats et casquettes. Sans cette affaire déclenchée en 2017, il était pressenti pour devenir membre du Conseil constitutionnel. Un quasi grand chelem.
Au cours de ses diverses fonctions, il a façonné le Département en tant que collectivité. Avec Gérard Collomb, il a ainsi créé la Métropole de Lyon, fortement critiquée aujourd’hui par certains anciens amis centristes. Plus modestement, il a aussi été le premier président de la Communauté de l’Ouest rhodanien (COR), l’une des plus grandes communautés d’agglomération du Rhône.
Michel Mercier, un vestige d’une ancienne façon de faire de la politique devant les tribunaux
L’empreinte de son passage est toujours présente dans le Rhône. Lors de notre enquête consacrée à son départ en 2020, beaucoup de nos appels à ses anciens camarades politiques n’avaient pas trouvé de réponse. Même s’il avait été légèrement poussé vers la sortie, rares étaient ceux à risquer une critique.
Il faut dire que, malgré son apparence « sympathique », voire « bonhomme », ses colères avaient le pouvoir d’effrayer beaucoup de monde. Localement, il était connu pour son côté politicien très « IVe République » et son réseau important, à Lyon et à Paris. Il était capable de faire élire un opposant plutôt qu’un membre de son parti politique, pour asseoir son pouvoir. Autrement dit : il valait mieux ne pas se fâcher avec lui.
Pourtant, il a aussi cumulé les casseroles. « Mauvais gestionnaire » pour l’ancien opposant lyonnais Thierry Philip (PS), son musée des confluences a été un « scandale financier », dont le prix a été multiplié par cinq, passant de 61 à 287 millions d’euros.
Après 20 ans à la tête du département, il a aussi laissé à son successeur, Christophe Guilloteau (LR), une collectivité rongée de l’intérieur par les «emprunts toxiques». Un cadeau empoissonné qui semble avoir enterré la suprématie centriste sur le Rhône pour plusieurs années.
Sa gestion « à la papa » a été aussi régulièrement dans le viseur de la Canol, cette association de contribuables qui avait pour but de lutter contre le gaspillage des deniers publics. Patrimoine du Département du Rhône bradé, ligne de transport Rhône express la plus chère d’Europe… La Canol a toujours considéré son affaire d’emplois fictifs comme une bien minime comparée à la « gestion calamiteuse » du Département par l’ancien baron.
Reste que, sur ces points, Michel Mercier n’a pas été traîné devant les tribunaux.
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