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Jazz à Lyon : « Il y a moins d’endroits qu’avant où on peut s’exprimer musicalement »

[Interview] Baignée dans le monde de la musique depuis petite, Lisa Caldognetto a découvert le jazz à Lyon lors d’une jam-session. Désormais animatrice des jam-vocales du plus ancien club de jazz européen encore en activité, le Hot Club, la chanteuse a joué dans de nombreux festivals de jazz reconnus.

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Lisa Caldognetto au Bémol 5 à Lyon 2019 ©Agence Alan

A Lyon, Lisa Caldognetto est connue pour être la blonde des Glossy Sisters et de Loop DeLuxe. C’est aussi la chanteuse qui anime les Jam-sessions du Hot Club de Lyon. Il ne faut pas espérer l’attraper trop tôt dans la matinée, car Lisa Caldognetto vit, en grande partie la nuit, de sa passion pour le jazz.

Assise dans la rue de l’Arbre Sec, à seulement quelques mètres des anciens locaux du Baryton où elle a fait ses premières jam-sessions, la chanteuse plonge, non sans humour, dans ses souvenirs. De la découverte du jazz à de grandes scènes comme la nuit du Jazz Magazine au Trianon à Paris, elle revient sur 18 ans de carrière. Rencontre.

« J’ai la majorité musicale »

Rue89Lyon : Qui est Lisa Caldognetto ?  

Lisa Caldognetto : Je suis Lyonnaise, j’ai 37 ans et j’ai la majorité musicale. J’ai toujours baigné dans le milieu artistique avec ma maman qui dessinait beaucoup et mon papa pianiste autodidacte et passionné de jazz. Pour ma première scène, j’avais formé un trio afin d’animer une soirée de mes parents dans un restaurant. Depuis, j’ai co-monté le groupe des Glossy Sisters avec Marion Chrétien en 2014. J’ai aussi créé le duo Loop DeLuxe. En ce moment, je suis invitée avec le Skokiaan brass band avec qui j’ai fait dernièrement Jazz à Vienne.

Jazz à Lyon, Lisa Caldognetto à Jazz à Vienne avec SKOKIAAN BRASS BAND ©Franck Benedetto
Lisa Caldognetto invitée par Skokiaan Brass Band à Jazz à ViennePhoto : Franck Benedetto 2022.

Quelle relation entretenez-vous avec Lyon ? 

Tout d’abord, je suis née à Lyon et j’y ai toujours vécu. Lyon est la ville où j’ai développé mon réseau musical dans le milieu du jazz. J’entretiens naturellement ce réseau durant les jam-sessions, où je rencontre des petits jeunes et je retrouve les habitués.

J’ai aussi connu l’évolution du jazz à Lyon. Je me souviens de la grande époque où on commençait au Péristyle sous l’Opéra et on finissait au Second Souffle en faisant de la musique jusqu’à tard. Désormais, on ne peut plus finir aussi tard et beaucoup de bars ont fermé, il reste donc peu d’endroits où on peut « jamer » (faire des jam-sessions, soirées d’improvisation, ndlr).

« Gamine, je pensais que le jazz appartenait à une autre génération »

Comment êtes-vous passée d’une carrière musicale classique à la musique jazz ?

Il y a eu plusieurs raisons. Premier responsable : mon père. J’ai réalisé que, malgré moi, je connaissais énormément de morceaux de jazz et que je pouvais les chanter. Pourtant, plus jeune, je n’avais jamais prêté attention à ce style musical.

Gamine, je pensais détester le jazz, car je croyais que ça appartenait à une autre génération. Deuxièmement, j’ai tissé des liens très forts avec le groupe Laomé, où j’ai joué. C’est dans ce groupe que j’ai rencontré Marion Chrétien (avec qui elle a monté le groupe des Glossy Sisters, ndlr), qui m’a emmenée faire ma première jam-session au Phoebus.

Ça a été un déclic. Je ne connaissais pas les « bœufs ». Pourtant, cela ne m’a pas empêché de monter sur scène et de « scatter ». C’était de l’improvisation et j’ai découvert que je savais faire. À partir de là, j’ai commencé à comprendre que le jazz était fait pour moi et que je savais le chanter. Finalement, je pense que c’est le style musical qui me suivra jusqu’au bout, mais je fais quand même aussi un peu de funk, de soul, de gospel et de variété française.

« C’est la nuit que ma vie musicale prend vie »

Qu’est-ce que la nuit signifie pour vous ? 

C’est la nuit que ma vie musicale prend vie, que le travail commence. Au début, j’étais un oiseau de nuit, mais, maintenant, j’aspire de plus en plus à jouer en plein jour, notamment dans des festivals.

Qu’est-ce que vous appréciez dans les soirées jam-sessions ?

Avant tout, pour que je passe une bonne soirée, il me faut un bar avec de la musique. C’est le principe des jams. Ensuite, ce que j’apprécie avec les jams, c’est qu’on peut se découvrir et découvrir d’autres gens. Une jam-session est un endroit où on vient pour s’essayer sur scène, que cela soit vocalement ou instrumentalement.

Toutefois, ce n’est pas réservé aux personnes qui s’y connaissent en musique et tout le monde peut venir et passer une bonne soirée, notamment en tant que public. En jam, j’aime quand le public réagit, cela me donne l’envie d’animer et de faire des blagues sur scène.

Enfin, j’aime les jam-sessions parce que l’énergie est festive même si la musique ne se prête pas forcément à la danse.

« Dans les jam-sessions, on est obligés de s’écouter, c’est le moment où on comprend le jazz »

Comment les jam-sessions ont-elles forgées vos habitudes et pratiques artistiques ?

Les jam-sessions ont forgé mes habitudes dans le jazz, qui est une musique particulière avec énormément d’improvisation. Elles impliquent beaucoup d’écoute et de compréhension entre les musiciens.

On communique simplement en se faisant des signes, voire juste en se regardant. Dans les jam-sessions, on est obligés de s’écouter beaucoup et c’est le moment où on comprend comment marche le jazz. En revanche, ce n’est pas en jam que j’ai appris ma façon d’interagir avec le public. Effectivement, depuis mes débuts, je fais beaucoup de soirées d’animation, sur des péniches ou dans des mariages. Dans ce cadre-là, j’essaye d’établir une connexion, de les faire chanter.

Avec qui sortez-vous la nuit ?

Ça m’arrive souvent de sortir seule en jam ou pour aller voir des concerts, mais j’ai l’impression que je ne serai jamais seule. En soirée, je vais toujours trouver quelqu’un que je connais. Après, ça reste beaucoup entre amis musiciens.

« Dans le jazz, il y a un côté très élitiste, source de sexisme »

Qu’est-ce que ça implique pour vous d’être une femme dans le monde de la nuit ? 

Tout d’abord, j’entends beaucoup parler du fait que d’être une femme dans la musique, c’est toujours plus compliqué et qu’il y a beaucoup de sexisme. C’est vrai. Mais, si je considère mon expérience de chanteuse, j’ai l’impression que j’y aurai toujours ma place. Je trouve qu’en tant que femme, on est souvent demandée, comparé à une instrumentiste.

En fait, la différence, c’est qu’il y a moins d’instrumentistes et elles ont donc plus de difficultés à trouver un travail. Néanmoins, le sexisme s’applique même aux chanteuses, notamment sur l’image qui est attendue de nous.

De plus, dans le jazz, il y a un côté très élitiste, source de sexisme. C’est un milieu d’instrumentistes masculin ou, si on n’a pas fait d’études, on est moins bien vu. Ainsi, pour se faire une place, pas seulement en tant que chanteuse, mais aussi en tant que musicienne, il faut avoir du caractère et s’imposer.

Jazz à Lyon, The Glossy Sisters ©Michel Piedallu
Lisa Caldognetto au centre de la photo, accompagnée des membres du groupe The Glossy Sisters en concert au Chateau de GrignanPhoto : Michel Piedallu 2018.

Vous qui jouez depuis 18 ans, quel a été l’impact du covid sur vos pratiques artistiques ?

Déjà, il y a les endroits où on jouait de la musique et qui ont fait faillite.

Après, de manière plus personnelle, le covid m’a impactée au niveau de ma santé mentale. C’est arrivé insidieusement, mais où au bout d’un an à ne plus rien faire, j’ai tout remis en question, j’étais à deux doigts de changer de métier et d’aller sauver les baleines. Dès que je suis remontée sur scène, j’ai arrêté de me poser la question.

« Avant, on avait plus de facilités à faire une semaine de jam à Lyon »

Comment le monde de la nuit a-t-il évolué selon vous ? 

Il y a moins d’endroits qu’avant où on peut s’exprimer musicalement à Lyon en sortant le soir. Certes, il y a des scènes et des festivals de partout, mais on ne peut pas y aller et monter sur scène.

Avant, il y avait beaucoup plus de lieux comme ça, c’était plus facile de se rencontrer. Malheureusement, un grand nombre de lieux ont fermé. À l’époque, on avait plus de facilités à faire une semaine de jam. Du lundi au samedi, il y avait une soirée jam quelque part. 

Parmi les lieux qui ont fermé, je me souviens du Phoebus dans les pentes où j’ai fait ma première jam. Il y avait aussi le Baryton (Lyon 1er). On finissait très tard les soirées, ça n’avait rien à voir avec maintenant. Je repense également au Bémol 5 qui a fermé, il y a 2 ans. C’était un restaurant où il y avait toujours des soirées musicales.

Lisa Caldognetto au Bémol 5 à Lyon (2020)

Enfin, avant le Hot Club, je faisais des jams au Second Souffle. C’était un restaurant avec des soirées concerts tout le temps. Il y avait un joli piano à queue. La bienveillance que j’applique dans mes jams est venue du Second Souffle où on jouait sans être jugé.

Ça m’a brisé le cœur quand le Second Souffle a fermé. Maintenant, je fais des jams au Hot Club. Le nom fait peur à tout le monde, comme c’est l’un des plus vieux clubs d’Europe, mais c’est génial de chanter là-bas.

En 18 ans d’expérience, avez-vous rencontré des artistes que vous admirez ?

J’ai un souvenir que je ne peux pas oublier. C’était il y a deux ans, j’étais à Tahiti avec les Glossy Sisters. On était invitées à la première édition du festival Jazz Soul de Tahiti organisé par China Moses, qui est la fille de Dee Dee Bridgewater.

Déjà, China était directrice de la programmation et nous a choisies. Mais ensuite, on a passé une semaine dans l’hôtel de Dee Dee Bridgewater, son équipe, et on a bœufé ensemble. On a passé vraiment beaucoup de temps à chanter et à danser avec cette figure du jazz.


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Pierre Zeimet à gauche, Cédric Dujardin à droite, sur le rooftop du Sucre. ©LS/Rue89Lyon

Photo : LS/Rue89Lyon

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