Au sud de Rillieux-la-Pape, une ancienne bâtisse bourgeoise accueille des mères sans-domicile et leurs enfants depuis quelques mois. Au bout de l’allée menant à la grande maison blanche, des enfants jouent dans le parc. Un grand trampoline et une fresque peinte sur la baie vitrée confirment qu’il s’agit bien de leur lieu de vie.
Au 31 juillet, ces enfants et leurs mamans devront plier bagage car ce centre d’hébergement d’urgence, tenu par l’association Habitat et Humanisme, doit fermer. La préfecture assure que les familles seront toutes relogées. Pour l’heure, toutes n’ont pas encore reçu de proposition pour leur prochain lieu d’hébergement.
La fin d’un dispositif d’hébergement exceptionnel à Rillieux-la-Pape
Fin juin, Pablo (le prénom a été modifié), militant lyonnais contre le mal-logement, reçoit un coup de fil paniqué. Edona (le prénom a été modifié), une maman de deux enfants logée dans ce centre d’hébergement d’urgence à Rillieux-la-Pape lui explique qu’il va fermer et qu’elle n’a pour l’instant aucune solution d’hébergement.
Ouvert en décembre 2021, le dispositif tenu par l’association Habitat et Humanisme avait d’emblée vocation à être temporaire. La fermeture aurait même dû avoir lieu plus tôt dans l’année, mais le dispositif avait été prolongé par la préfecture.
« C’était une dispositif exceptionnel, avec un financement déterminé, pour la mise à l’abri de public vulnérable. La fermeture était programmée et décidée avec l’association dès l’ouverture, d’abord au 31 mars 2022, puis repoussée fin juillet 2022 », explique la préfecture.
Au total, 16 familles sont actuellement hébergées dans le centre de Rillieux-la-Pape. À l’exception de deux couples, toutes, comme Edona, sont des mères isolées, pour la plupart sans papiers ou en attente de papiers. Les femmes et leurs enfants bénéficient d’une chambre dans cette grande bâtisse, avec une salle de bain. Des espaces communs complètent le tableau : salle de jeu pour les enfants, cuisine, buanderies, « salle des mamans », ainsi qu’une terrasse.
La bâtisse, propriété de Entreprendre pour humaniser la dépendance, peut accueillir jusqu’à 47 personnes. Les travailleurs sociaux sont présents en après-midi et soirée, et une personne de permanence est disponible par téléphone « 24h sur 24 pour les mamans », précise le directeur Philippe Rebouffat-Roux.
L’organisation du lieu permet aux mères d’être en autogestion pour la surveillance des enfants, les repas et les tours de ménage. L’occasion de « permettre à ces mères de reprendre leurs fonctions parentales et aux enfants d’aller moins mal », explique le directeur.
Des mères hébergées au centre de Rillieux-la-Pape pas encore relogées
Le doute plane encore sur l’avenir de certaines femmes actuellement hébergées dans le centre de Rillieux. Car si la préfecture explique que toutes les femmes seront bien relogées, Edona, par exemple, attend encore une proposition de la Maison de la veille sociale, après plusieurs rendez-vous avec son assistante sociale. Sans papiers, avec ses deux enfants, elle a vécu à la rue, puis a connu un squat et plusieurs lieux d’hébergement d’urgence de la Métropole de Lyon.
Edona est entrée au foyer de Rillieux peu après l’ouverture du centre. Elle retrace :
« Je suis arrivée il y a plusieurs années en France, j’ai été hébergée par le 115 (numéro de l’hébergement d’urgence, ndlr) pendant l’hiver deux années de suite. Ensuite, j’ai été à la rue pendant plus d’un an et j’ai dormi dans un squat. Mes enfants me demandent ‘Maman, quand est-ce qu’on aura une maison ?’ «
Le directeur de la structure, Philippe Rebouffat-Roux, explique que plusieurs femmes ont déjà été relogées, et que les autres sont en attente de proposition. Il se rend compte de l’inquiétude des familles et assure que les équipes les accompagnent :
« Effectivement c’est traumatisant parce qu’elles sont obligées de changer de lieu, mais elles restent dans le dispositif d’hébergement. Leurs dossiers sont aujourd’hui prioritaires à la Maison de la veille sociale. Se lancer dans l’inconnu c’est difficile mais on les rassure, les travailleurs sociaux les accompagnent »
300 places d’hébergement d’urgence fermées progressivement
Parallèlement à la fermeture du site de Rillieux-la-Pape, la préfecture du Rhône va aussi progressivement fermer 300 places d’hôtel de son dispositif d’hébergement d’urgence. Ces places avaient été ouvertes en novembre 2021. Tout comme le centre de Rillieux, il s’agissait d’un dispositif exceptionnel.
On peut cependant s’interroger sur la capacité des dispositifs d’hébergement d’urgence à absorber les 300 places supprimées d’ici fin juillet.
« Il n’y aura pas de remise à la rue sèche », affirme la préfecture.
La gestion de l’hébergement d’urgence est en train de changer de modèle depuis mai 2021. Les années précédentes, des places étaient ouvertes uniquement l’hiver, puis fermées à la venue du printemps. C’est ce qu’on appelait « la gestion au thermomètre ». Depuis mai 2021, le parc pérenne est élargi mais aucune place n’est créée exceptionnellement pour l’hiver : une nouvelle stratégie appelée « le logement d’abord ». La préfecture du Rhône explique :
« L’objectif est d’avoir une vision pluriannuelle avec une gestion budgétaire. Il y a une volonté de réduire le nombre de places hôtelières pour aller vers d’autres solutions d’hébergement plus qualitatives, soit sur d’autres structures, soit vers du logement social. »
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