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« Certaines espèces de poissons se raréfient dans les eaux du Rhône »

[Série] Le Rhône se réchauffe, ses courants ralentissent et on observe des turbidités régulières liées à son artificialisation générale.

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Le Rhône, à proximité du lac Léman. Photo de Cyrille Vallet.

Les travaux d’artificialisation du Rhône ont commencé dans les années 1890, d’abord pour obtenir une voie navigable sécurisée jusqu’à la Méditerranée, puis pour y bâtir des barrages hydroélectriques. Aujourd’hui, le Rhône a été altéré sur presque toute sa longueur, faisant obstacle au développement d’une biodiversité équilibrée, capable de s’autoréguler.

Différents acteurs associatifs et institutionnels se mobilisent depuis plusieurs années pour donner une nouvelle respiration au fleuve.

Dans un premier volet, Rue89Lyon s’est penché sur les différentes pollutions du Rhône : pesticides en provenance du Beaujolais, microplastiques ou encore les substances pharmaceutiques qu’on avait du mal à déceler jusqu’à récemment. Un second volet a été consacré à l’impact des barrages sur la biodiversité dans le Rhône, puis un troisième aux « grandes chasses » du lac Léman.

Une autre difficulté qui découle de cette artificialisation du Rhône par des barrages successifs est celle d’un ralentissement du courant, couplée avec une baisse du niveau de l’eau du fleuve. Les deux facteurs ayant pour conséquence un réchauffement rapide des températures du Rhône :

Jean-Pierre Faure, président de la Fédération de pêche du Rhône, le voit très clairement :

« Autour de Lyon, on a des espèces d’eaux chaudes qui se développent beaucoup plus : comme le barbeau, le chevesne, le silure. En revanche, on ne voit presque plus d’espèces d’eaux froides. »

« Quand les glaciers du Rhône auront fondu, je ne vois pas comment ça sera gérable »

Il rappelle aussi qu’une bonne partie de l’eau du Rhône est ponctionnée pour refroidir les industries et arroser les terres agricoles du territoire :

« Le Rhône est la ressource la plus abondante sur le bassin, les autres cours d’eau autour sont devenus trop fragiles. On pense notamment à ceux de la vallée du Gier : ils souffrent de manière assez spectaculaire. Toutes les retenues collinaires sont maintenant réalisées à partir de l’eau du Rhône. »

Un bébé silure Photo : Fédération de Pêche du Rhône
Un bébé silure. On en trouve dans le Rhône. Photo : Fédération de Pêche du Rhône

Les retenues collinaires sont des ouvrages qui servent à stocker l’eau. L’eau qui y transite est utilisée pour l’agriculture, les prélèvements des industries ainsi que la protection incendie.

Jean-Pierre Faure explique :

« Quand les glaciers du Rhône auront fondu, je ne vois pas comment ça sera gérable. Le Rhône sert notamment de source de refroidissement pour les centrales nucléaires. Si on n’a plus assez de débit, ça va augmenter la chaleur drastiquement. »

« Les bras du fleuve risquent de devenir lentiques »

Paul Monin est directeur du Centre d’observation de la nature, à l’île du Beurre, une réserve naturelle située à une quarantaine de kilomètres au sud de Lyon. Il complète :

« On observe un manque de courant, pas forcément en terme de débit, en termes de vitesse qui a baissé à cause des aménagements, des captations. Certaines zones naturelles comme la nôtre font face à une dernière contrainte : on a assez peu de pente, accentué par le barrage de Saint-Pierre-le-Bœuf. »

Les espaces consacrés à la biodiversité qui sont situés au sud de Lyon sont donc dès aujourd’hui en souffrance, car le manque de courants empêche la continuité de la vie du fleuve :

« Si on ajoute à cela le fait qu’on a empêché l’hydromorphologie du Rhône : le fleuve a perdu sa capacité à  »s’auto-curer’ et l’entrée des lônes se bouchent toutes peu à peu. »

L’hydromorphologie, c’est la capacité pour un fleuve de se déplacer, d’année en année au gré des intempéries, modifiant sa trajectoire et l’obligeant à refaire son lit. Avant son artificialisation pour la navigation notamment, les lônes du Rhône se fermaient et s’ouvraient constamment :

« Aujourd’hui, le Rhône est trop corseté, il ne peut plus ouvrir de nouveaux bras, ils se referment seulement. »

Il conclut :

« Si on ne fait rien, les anciens bras morts du Rhône seront tous voués à devenir des milieux lentiques, proches des étangs. Ce n’est pas mauvais, mais les milieux courants sont plus rares et plus fonctionnels, nécessaires pour la reproduction des poissons. »

« A Lyon, le Rhône est sur la roche mère : c’est le pire pour un fleuve »

Cela fait déjà plusieurs années que la CNR, en partenariat avec l’Agence de l’eau ainsi que tous les acteurs du maintien de la biodiversité dans le fleuve, s’est emparée du problème. Le projet est de curer les sédiments à l’entrée des lônes avec une drague aspiratrice.

La Fédération de pêche du Rhône participe aussi avec la CNR à la création de ce que certains appellent des « annexes hydroliques » sur le Rhône. Jean-Pierre Faure explique :

« Il s’agit de restaurer des zones de frayères, qui sont en fait les bras morts du Rhône. Par exemple, au niveau du vieux Rhône à Pierre-Bénite, les restaurer va aider des espèces qui commencent à souffrir de la chaleurs : c’est urgent de diversifier les zones de refuge. »

Il ajoute :

« Ça permettra aussi aux poissons de se protéger des crues ou des « lâchers de barrage ». »

Paul Monin complète :

« Pour chaque lône, le curage doit être très réfléchi : il est important que le fleuve ait un lit de sédiments car il abrite aussi beaucoup de vie, on doit éviter à tout prix de se retrouver sur de la roche mère dans le Rhône. »

Paul Monin donne un exemple parlant, où le Rhône est très pauvre en biodiversité :

« Au niveau de Lyon, les sédiments du fleuve ne se posent pas au fond de l’eau. Il est possible que certains aménagements aient totalement artificialisé le cours d’eau. C’est le pire. »

Le Rhône est figé : « C’est compliqué de trouver un équilibre pour le fleuve »

Un fleuve en pleine santé doit connaître des variations, contrairement au passage du Rhône à Lyon :

« Il faut que le courant puisse déplacer des bancs de graviers, des bancs de sédiments, c’est comme ça qu’on bâtit ce qu’on appelle des milieu pionniers, vides de biodiversité visible mais qui renouvellent un fleuve. »

Eric Divet, directeur régional de la Compagnie nationale du Rhône (CNR) qui est concessionnaire du Rhône pour la production d’hydroélectricité, le transport fluvial et les usages agricoles, ne contredit pas les dégâts causés sur les zones les plus urbanisées du Rhône, notamment Lyon :

« Cette artificialisation date d’il y a une centaine d’années. On a posé des épis Girardon au fond du fleuve pour qu’il y ait assez de fond pour naviguer. »

Aujourd’hui, la CNR ôte peu à peu les épis qui empêchent les sédiments de se poser sur le lit du fleuve :

« On a dû faire plus de 13 kilomètres d’opérations dans le Rhône, et il y en d’autres prévues. »

Eric Divet reconnaît qu’il y a eu une longue période durant laquelle il n’était pas question de tenir compte des enjeux de biodiversité fluviale. Il insiste sur le fait qu’aujourd’hui, les choses ont un peu changé :

«  C’est un consensus : il faut revenir à un état plus naturel du Rhône, lui laisser la possibilité de se déplacer par exemple. Mais on a pris l’habitude d’utiliser les fleuves dans énormément de domaines. C’est compliqué de trouver un équilibre. Pour l’instant, avec nos aménagements nous avons figé la situation et nous essayons de voir comment améliorer les choses. »


#Biodiversité

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Le Rhône, la renaissance d'un fleuve, documentaire sur Arte TV. © Cocottes Minute Productions

Photo : Cocottes Minute Productions

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