Mais comment diable relancer le transport fluvial à Lyon ? Alors que son intérêt écologique tend à faire l’unanimité, le transport de marchandises par voie d’eau peine à convaincre entre Rhône et Saône. Ce mardi 21 juin, Voies navigables de France (VNF) et la Compagnie nationale du Rhône (CNR) ont présenté les chiffres d’une année 2021, décevants.
Certes, ce mode de transport se porte mieux qu’en 2020, année où il avait été très fortement perturbé. Avec 4,95 millions de tonnes transportées sur le bassin en 2021, il connaît une augmentation de 2,8 %. En tonne-kilomètre, une unité permettant de prendre en compte les quantités transportées et les distances parcourues, sa croissance est de 0,7 % (1,08 milliard de t-km).
Mais, si l’on compare l’année 2021 à 2019, les résultats sont médiocres. Le transport fluvial accuse une baisse de 30 % en t-km, de 20 % en tonnage transporté.
« On est sur une année pas mauvaise, mais pas au niveau des autres », constate Cécile Avezard, directrice territoriale de VNF pour le bassin Rhône Saône.
De Lyon, le transport fluvial peine toujours à convaincre
Cette défenseuse du fleuve est lucide. Malgré ses atouts (moins polluant, silencieux, permettant d’éviter le trafic de poids-lourds, etc.), ce mode de transport est (toujours) à la traine. Cette dernière décennie, ses résultats n’ont jamais atteint ceux de 2011. Cette année-là, 7,2 millions de tonnes avaient été transportées sur le bassin.
En comparaison, les deux autres bassins français (la Seine et le Rhin) connaissent de meilleurs résultats. Le premier a, notamment, profité des travaux autour des Jeux Olympiques et du Grand Paris pour acheminer beaucoup de matériel du BTP. Connecté à l’activité économique du territoire, ce transport dépend également des chantiers en cours.
Mais, avec la CNR, la directrice territoriale de VNF veut y croire.
« Nous avons un vrai potentiel de développement sur les filières. Il faut qu’on s’adapte aux changements. Par exemple, on ne peut plus compter sur des récoltes régulières de céréales », commente Cécile Avezard.
Pour développer le transport fluvial : mettre en place une économie du recyclage
En 2021, les mauvaises récoltes ont considérablement réduit le rôle des bateaux du bassin. Alors, les acteurs du fleuve misent sur d’autres débouchés. Premier sujet porteur ? L’économie du recyclage. Depuis 2021, des mâchefers (des déchets industriels) en provenance de l’incinérateur de la métropole de Lyon descendent par le fleuve en direction de Loire-sur-Rhône. Récemment, le carrier Pradier a aussi lancé son activité au port de Lyon Edouard-Herriot. Objectif : transformer des déchets du BTP dans son usine de Mondragon (Vaucluse) puis les faire remonter vers Lyon.
« Notre matière première principale va être nos déchets, veut croire Pierre Meffre, directeur portuaire pour la CNR. La ferraille va prendre énormément de valeurs. »
De même, VNF et la CNR misent sur le développement du trafic de conteneurs, ces grosses boîtes qui font le tour du monde. En règle général, il en transite entre 80 0000 et 90 0000 sur le bassin chaque année. Ce chiffre pourrait être deux à trois fois supérieures compte tenu des infrastructures déjà en place. Dans un monde idéal, ils parlent de 400 000 conteneurs (EVP) pouvant voyager sur la zone.
« Et ce n’est pas une question de coût, mais d’organisation logistique, analyse Cécile Avezard. Nous avons effectué des études montrant que le prix revient au même en transportant des marchandises par le fleuve, la route, ou le rail. Il faut juste sensibiliser les acteurs. »
Transport fluvial : reprendre sa place entre la route et le ferroviaire
Au cœur d’une association nommée Medlink Ports, rassemblant les ports et principaux acteurs du fluvial et du ferroviaire, elle milite pour que les acteurs se parlent. La SNCF, les ports, les transporteurs… Selon elle, tout le monde doit trouver sa place.
« Aujourd’hui, si nous mettons des conteneurs du fer sur le fleuve, cela pourra délester des flux ferroviaires, complète Pierre Meffre pour la CNR. En enlevant des conteneurs sur les voies ferroviaires entre Lyon et Marseille, on permet d’autres flux ferroviaire entre Marseille et des destinations plus éloignées, comme le Luxembourg. »
Les acteurs du fluvial jouent la carte de l’échange, même avec les routiers. « Il ne s’agit pas d’être en concurrence, mais que tout le monde trouve sa place », indique Pierre Meffre.
A Lyon, l’espoir d’un réel intérêt politique pour le fluvial
Ce nouvel appel à développer ce mode entre Rhône et Saône sera-t-il entendu ? Chaque année, les mariniers constatent, impuissants, la baisse de fréquentation du bassin.
Cette fois-ci, Cécile Avezard, pour VNF, veut croire à un réel intérêt politique pour la question. Preuve en est ? Les divers dispositifs qui naissent à Lyon. Il y a quelques semaines, une expérimentation a permis d’emmener du beaujolais par bateau de Villefranche-sur-Saône. La semaine prochaine, le projet de logistique fluviale porté par l’entreprise ULS sera officiellement lancé sur Lyon. La ville va également accueillir les « Connecting Europe Days », un événement mené avec la commission européenne, consacré à la décarbonation des transports et des mobilités.
Des signes positifs. Mais seront-ils suffisant ? Pour avancer, un chantier important est nécessaire avec le Grand port maritime de Marseille (GPMM). Des travaux ont déjà commencé pour pousser les grands armateurs maritimes (CMA-CGM, MSC, etc.) à faire transiter leurs marchandises de la mer au fleuve, plutôt que sur la route. « Il faut s’appuyer sur les acteurs privés », assure à ce propos Pierre Meffre.
A Lyon, la mise en place de la Zone à faible émission (ZFE) pourrait pousser les transporteurs à passer par la voie d’eau plutôt que par la route. Pour cela, reste à convaincre des avantages du fluvial.
Chargement des commentaires…