Vous montez tranquillement des escaliers des Pentes de la Croix-Rousse et vous vous faites doubler par des dizaines de joggeurs. C’est tellement courant que vous n’y prêtez sûrement plus attention. Difficile alors de s’imaginer que ces derniers partagent leurs traces GPS sur l’application de running Strava.
Devenir le « King of Mountain » (KOM) sur une pente de Lyon
Pour les traileurs les plus engagés et en recherche de confrontation sur l’application, le graal est l’obtention d’un KOM (King of Mountain). Il s’agit d’être à la première place du classement sur une portion d’un itinéraire, de plusieurs mètres à plusieurs kilomètres.
Les portions les plus prisées sont généralement situées dans des pentes très raides. En l’occurrence, Lyon est un terrain de jeu intéressant pour les férus d’urban trail car elle recèle de multiples segments (voir encadré) dans ses côtes.
« Je me sers beaucoup des KOM sur Strava pour pouvoir me situer par rapport aux participants du Lyon Urban Trail. Je prépare cette course tous les ans et je cherche à améliorer mes temps, c’est donc très utile car on peut se rendre compte des allures qu’il faut avoir dans certaines pentes pour gagner des places. Sinon, je n’y prête pas trop attention. »
Kilian, en haut de la montée Soulary (Croix Rousse)
Toutefois, décrocher un KOM est réservé à une petite élite de coureurs. C’est pourquoi Strava cherche dorénavant à développer son application vers le dépassement de soi. Le titre de « Local Legends » a notamment fait son apparition en 2020.
L’objectif de ce titre n’est plus d’être le plus rapide sur un segment donné mais d’être le plus régulier. Ainsi, l’entreprise américaine va récompenser le coureur qui aura cumulé le plus d’efforts sur une portion de la ville sur une période de 90 jours. D’autant plus que les KOM semblent davantage séduire les cyclistes.
« Je ne suis pas convaincu que les coureurs chassent tellement le Kom. C’est beaucoup plus le cas en vélo. »
Arthur Baldur, Fondateur-Président de Lyon Ultra Run
Le trail, un phénomène spécifique à Lyon
Aucune autre ville française ne détient, dans ses côtes, une affluence similaire à celle présente dans les pentes de Lyon, si l’on se réfère aux activités enregistrées sur l’application de course à pied. Certaines villes peuvent abriter un spot réputé dont les chiffres s’avoisinent avec ceux de Lyon. Toutefois, elles ne disposent pas d’une variété de pentes empruntées aussi élevée.
Divers éléments viennent expliquer cet engouement spécialement, ici, à Lyon. L’histoire de la discipline est étroitement liée à la ville. Bertrand, traileur lyonnais issu du nord de la France, avance :
« De mémoire, Lyon est la ville organisatrice du premier trail urbain de France. En plus de cela, il y a beaucoup de trail nature sur un rayon de 1h30 et surtout il y a la mythique SaintéLyon. Tout cela crée une dynamique autour du trail et donc l’urban trail en profite. »
Autre élément d’explication : la diversité des montées. Arnaud, traileur lyonnais originaire de Besançon, estime que Lyon se démarque des autres villes car ses montées donnent sur des « paysages avec beaucoup de charme ». Il ajoute également
« La pluralité des pentes dont dispose Lyon fait également sa force, selon moi. Je pratique le trail depuis quelques mois dans cette ville et je découvre régulièrement de nouvelles montées avec des pourcentages élevés. A Besançon, il n’y a qu’une seule belle montée par exemple : celle pour aller à la citadelle. »
Lyon, une ville naturellement faite pour le trail urbain ?
L’architecture de la ville fait de Lyon le berceau de l’urban trail en France. Ses escaliers sont bondés de coureurs tout simplement parce qu’elle est modelée pour cette pratique. Deux collines, des centaines de marches d’escalier, des sentiers…
Certains apprécient de concilier nature et dénivelé. Ces traileurs se dirigent alors vers la colline de Fourvière après leur journée de travail : colline la plus verte de Lyon. Il n’y a pas de voitures et l’on y trouve des sentiers similaires à ceux présents en montagne. Environnement initial des traileurs (voir encadré plus bas).
Ils s’adonnent à de multiples allers-retours de la Sarra (ancienne piste de ski de la ville). Le dénivelé y est assez conséquent et le calme assuré. En fond, seule la respiration soutenue des traileurs vient perturber cette accalmie, combinée au claquement des chaussures sur le sol.
« On court pour se faire du bien à la santé donc on va là où le dénivelé est le moins pollué mais au plus proche de notre lieu de vie. Le trail urbain ça permet de se reconnecter à la nature tout en étant à proximité du centre de la ville. »
Paul, traileur rencontré dans les marches de la montée des Chazeaux (Vieux Lyon)
Trail Lyon : les groupes de coureurs et courses populaires
Il existe de nombreux clubs de coureurs lyonnais qui, par le biais de l’application Strava, partagent leurs itinéraires entre eux. Un classement est même mis à disposition. Celui-ci trie les différentes sorties réalisées par tous les membres du groupe et valorise ceux qui parcourent le plus grand nombre de kilomètres sur la semaine.
Les clubs les plus populaires sont :
- Strava Lyon (3 116 membres)
- Lyon Urban Trail (1 259 membres)
- Courir à Lyon (3 294 membres)
- Lyon Ultra Run (1 818 membres)
Certains de ces clubs organisent régulièrement des événements communautaires où des joggeurs se retrouvent pour partager un itinéraire après le travail. D’autres ont pour seul objectif de rassembler une communauté autour d’intérêts communs.
« On pratique un sport individuel mais l’humain a besoin de s’intégrer à des « groupes ». »
Arthur Baldur, Fondateur-Président de Lyon Ultra Run
De nombreuses organisations, en collaboration avec la ville, ont su mettre à disposition des traileurs de multiples courses tout au long de l’année. Ainsi, on retrouve le Lyon Urban Trail (LUT) en mars et le LUT by night en novembre avec ses différentes variantes de 8km à 37km, l’Ultra Boucle de la Sarra en mai ou encore l’Ecully Run Distance en septembre. Ces courses ont grandement contribué à faire gagner en notoriété aux pentes et sentiers les plus méconnus de la ville.
Le Lyon Urban Trail, avec ses milliers d’inscrits, pousse chaque année la ville à attribuer une subvention à la course. Cette année, Lyon a versé 25 000 euros à Lyon Ultra Run pour l’organisation de ce trail.
« Je pense que la découverte des principaux spots de trail urbain de la ville s’est faite surtout avec des épreuves comme le Lyon Urban Trail. »
Arthur Baldur, Fondateur-Président de Lyon Ultra Run
Le trail à Lyon, un phénomène de mode qui touche les cadres ?
L’engouement que connaît le trail à Lyon n’est pas seulement le fruit de l’architecture de la ville, des défis de l’application de running et des courses organisées tout au long de l’année.
En effet, si cette discipline est autant pratiquée, c’est que les nombreuses marques spécialisées dans la course à pied sont parvenues à faire du trail un phénomène de mode à destination des cadres. Les prix des dossards et des équipements étant relativement élevés. Pour preuve, 51% des traileurs interrogés étaient des CSP + en 2013, selon une étude menée par le Think Thank Trail.
En l’occurrence, Lyon revêt un nombre de CSP+ (catégories socioprofessionnelles supérieures), compatible avec cette discipline, assez conséquent. 33,2% des actifs lyonnais sont des cadres, selon les chiffres de l’Insee en 2018. L’âme même du trail, celui pratiqué en montagne, pourrait être alors altérée. De fait, la surexposition dont bénéficie ce sport en milieu urbain se fait peut-être au détriment de sa pratique initiale en nature (voir encadré ci-dessous).
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