L’information est passée presque inaperçue, au détour d’une manifestation annuelle. En avril dernier, plusieurs associations d’aides aux travailleuses du sexe se sont rassemblées devant l’opéra de Lyon pour manifester contre la loi de pénalisation des clients de prostituées du 13 avril 2016.
Après une prise de parole sur la situation nationale, Camille, juriste à Cabiria, revient auprès de la presse sur les difficultés locales connues par les personnes prostituées à Lyon. En ligne de mire : les problèmes entre police municipale ou nationale et prostituées liés aux arrêtés municipaux anti-stationnement de camionnettes à Gerland (Lyon 7e). La juriste affirme alors que ces arrêtés ont été « suspendus » par la municipalité écologiste.
Pour rappel, à l’arrivée de Gérard Collomb en 2001, les travailleuses du sexe ont été progressivement chassées de Lyon, du centre-ville à Perrache, puis, enfin, à Gerland, via la mise en place de cette politique locale répressive. Depuis, l’ensemble des structures d’aides aux personnes en situation de prostitution se battent contre ces arrêtés municipaux qui contribuent à la précarité de leur situation.
En 2020, l’arrivée à la tête de la Ville de Lyon des écologistes, dont certains sont opposés aux arrêtés anti-prostituées, a suscité un nouvel espoir pour elles sur ce sujet.
Camionnettes de prostituées à Lyon : « Même s’il y a une baisse des PV, il y a toujours des verbalisations »
Deux ans plus tard, leur cause n’a toujours pas été complètement entendue. Selon l’association Cabiria, la mairie s’est en effet engagée à « suspendre » ces arrêtés.
Camille, juriste de l’association, raconte qu’une première promesse a été faite le 8 décembre 2020 lors d’une réunion entre des membres de Cabiria, l’adjoint en charge de la sécurité Mohamed Chihi, Florence Delaunay, adjointe à l’égalité homme-femme, et Sandrine Runel, déléguée aux solidarités et à l’inclusion sociale.
« On a bien compris qu’il avait été décidé d’arrêter la verbalisation des travailleuses du sexe », commente-t-elle.
Depuis plusieurs mois, Cabiria constate moins de PV distribués aux prostituées. Mais l’association ne note pas la fin de cette pratique policière.
« Même s’il y a une baisse des PV, on constate qu’il y a toujours des verbalisations, s’alarme la juriste de Cabiria. La promesse d’abrogation des écologistes n’a pas été tenue. »
Même son de cloche du côté du Mouvement du Nid. Opposée à Cabiria sur la loi du 13 janvier 2016 et favorable à l’abolition de la prostitution, ses bénévoles se retrouvent cependant avec l’association de santé communautaire sur la nécessité de mettre fin aux arrêtés municipaux anti-camionnettes. Selon un membre du Nid, il y a eu deux réunions avec la ville de Lyon : une lors de la prise de fonction et une autre, plus récente, fin 2021, avec l’adjoint à la sécurité, Mohammed Chihi.
« Il nous a été dit fin 2021 qu’il avait été demandé à la police municipale de ne plus aller voir les personnes dans les camionnettes », indique cette bénévole.
Depuis fin 2021, le mouvement du Nid constate également une baisse importante du nombre de contraventions distribuées. L’équipe, composée de bénévoles, n’a eu récemment qu’une seule remontée de difficultés avec les forces de l’ordre.
« Il y a eu une baisse évidente du nombre de PV »
Un constat partagé par un autre professionnel du secteur, Jérôme Bénozillo, dit le Capotier :
« Il y a eu une baisse évidente du nombre de PV, commente-t-il. Et il n’y a presque plus de départ à la fourrière. »
A deux doigts de prendre sa retraite, l’épicier des travailleuses du sexe fait part des « échos » qu’il a entendu de la part des filles. Il n’évoque qu’un départ en fourrière il y a un mois et demi.
« A une époque, il y en avait tous les mois ».
Silence de la Ville de Lyon sur cette suspension des arrêtés municipaux anti-prostituées
Un changement de politique qui n’a pourtant pas eu lieu d’après la Ville. Contactée, la mairie de Lyon dément une suspension des arrêtés anti-prostituées.
« Les services de la Ville travaillent sur ce sujet, et ça avance », explique-t-on seulement au service presse.
La Ville de Lyon ne souhaite pas communiquer sur le dossier.
Sur le terrain, des consignes semblent pourtant avoir été transmises à la police municipale, même si elles ne sont pas pleinement appliquées par les agents de la mairie.
Côté préfecture du Rhône, on assure qu’il n’y a pas eu de changements dans la pratique des policiers nationaux qui peuvent distribuer également des PV au nom de cet arrêté municipal. Mais, dans les faits, si les agents de la police nationale ont la possibilité de mettre des contraventions aux camionnettes, ce sont ceux de la PM qui s’en chargent.
Pourquoi ce silence de la mairie ? Sur un sujet où l’agacement des riverains et des entreprises de Gerland peut se faire sentir, la Ville de Lyon semble vouloir concilier la chèvre et le chou en donnant des gages aux associations, tout en prenant son temps en terme de prise de décision. A l’échelle nationale, EELV avait en effet pris plusieurs positions contre ces fameux arrêtés municipaux, notamment lors de son conseil fédéral de 2014.
Depuis l’arrivée des écologistes au pouvoir à Lyon, plusieurs rencontres ont eu lieu avec les associations. Une différence certaine par rapport à la période Gérard Collomb. Reste que les arrêtés sont toujours là, même si leur application semble moins stricte qu’à l’époque collombiste.
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