Bonne question, nous disent les propriétaires de chiens. Si la taille d’une ville comme Lyon permet de faire de longues promenades, en laisse sur les trottoirs, où peut-on permettre à son chien de réellement se dégourdir les pattes ?
Dans la plupart des espaces verts, les chiens doivent être tenus en laisse ou sont tout bonnement interdits. Souvent, il est autorisé de les lâcher dans de petits espaces clôturés qui ne suffisent pas pour qu’ils se dépensent.
« Ce qu’ils appellent ‘parcs à chiens’ sont des trucs dégueulasses jamais nettoyés »
Fondé en janvier 2020, par un ancien journaliste lyonnais, « Bien-être canin à Lyon » ou Bicalyon milite depuis janvier 2020 pour que le chien soit mieux intégré dans la ville. Les propriétaires qui en font partie ont commencé à répertorier sur une carte les différents espaces autorisés ou interdits aux chiens dans la métropole de Lyon. Dans la ville elle-même, une douzaine de parcs où les chiens peuvent venir se promener, en laisse, ont été répertoriés, ainsi qu’une vingtaine d’autres où les maîtres emmènent leurs toutous se dégourdir les pattes, que ce soit autorisé ou pas.
Une liste qui n’est sûrement pas exhaustive, mais aucune carte similaire officielle n’existe pour le moment à Lyon.
La métropole de Lyon distingue deux types d’espaces réservés aux chiens : les aires canines de liberté et les aires sanitaires.
Les premières sont des espaces assez grands clôturés, en terre ou recouverts de gazon clairsemé. A deux pas de la place Bellecour par exemple, une bande de platanes coincée entre la trémie et la place Antonin Poncet remplit cet office. On peut ainsi y lancer la balle à son chien, en ligne droite uniquement, avec le doux bruit des voitures passant sous la trémie en fond sonore.
A Parilly, à Bron, un parc canin plus grand existe, pourvu d’agrès pour initier votre chien à l’agility (sport canin). En raison de la forte demande, il est très difficile de pouvoir en faire profiter son chien.
Pour les secondes, tout est dans le nom. Il s’agit de véritables « sanitaires » pour chiens : de petits espaces clôturés de terre ou de sable, où ils peuvent aller faire caca sans que leurs propriétaires ne soient obligés de ramasser les déjections. Imaginez une toilette sèche publique à ciel ouvert, où les déjections s’accumulent pendant plusieurs jours. Ces dispositifs, coûteux à l’entretien, ne sont désormais plus plébiscités.
« Nous ne sommes plus dans une logique de petits canisites souvent très odorants et très difficiles à entretenir, confirme Nicolas Husson, adjoint au maire de Lyon délégué à la biodiversité, la nature en ville et la protection animale. Pour le bien-être animal, nous pensons qu’il faut des espaces plus grands, pour que l’animal puisse aussi se dépenser et se sociabiliser avec d’autres chiens, dans des espaces de liberté qui leurs sont dédiés… »
Tiphaine, propriétaire de Isko, un berger australien de 9 ans, a son avis :
« J’évite d’y aller. Ce qu’ils appellent « parcs à chiens », c’est en fait des petits machins pour les besoins du chiens. Des trucs dégueulasses qui ne sont jamais nettoyés. »
Des chiens lâchés illégalement dans les parcs publics
Tiphaine et son compagnon n’hésitent donc pas à prendre leur voiture pour emmener leur chien se balader en périphérie de Lyon, au bois de Serres à Ecully, à Vernaison ou encore au grand parc de Miribel-Jonage.
Pour les ballades quotidiennes à Lyon, plusieurs propriétaires de chiens les lâchent dans certains parcs publics, en espérant ne pas se faire pincer. Victor et Marie, la vingtaine, vont ainsi régulièrement courir et jouer avec leur jeune chien Occi au parc de Gerland. Ils y croisent souvent Sky, un border collie d’une dizaine d’années accompagné de son maître, Martin. Pour lui, pas question de mettre son chien en laisse.
« J’ai adopté Sky à la SPA il y a 7 ans, raconte le jeune homme. Je lui ai appris à être sans laisse immédiatement parce que je ne pouvais pas prendre les transports en commun avec lui. Je n’avais pas de voiture à l’époque. S’il faut porter les bagages ou les courses et tenir le chien en laisse, ça fait beaucoup.
Le promener sans laisse, ça lui permet aussi de se dépenser physiquement et intellectuellement. Dans les parcs à chien, il n’y a pas assez d’espace et trop de chiens, ce qui génère des tensions. Ou alors, il faut aller à l’autre bout de Lyon. »
A Lyon, les propriétaires s’organisent pour de nouveaux espaces où promener leur chien
En amont des élections métropolitaines et municipales de 2020, Bicalyon avait soumis aux candidat·es une convention pour une meilleure place du chien dans la ville. Les élus écologistes Grégory Doucet, actuel maire de Lyon, et Bruno Bernard, actuel président de la Métropole de Lyon, avaient accepté de signer cette charte.
Quelques semaines après être arrivés au pouvoir, la Métropole de Lyon a lancé une mission animale pour réfléchir à une politique directrice pour les animaux de compagnie sur son territoire. Dans ce cadre, le collectif Bicalyon a été sollicité par la Métropole pour donner son avis sur la question.
Les propriétaires de chiens ont fait de nombreuses préconisations, notamment sur la question de l’accès des chiens aux transports en commun de Lyon (TCL), et proposé plusieurs pistes pour une meilleure cohabitation entre les chiens et les humains sur la métropole de Lyon, dont voici quelques exemples :
» – Rendre certaines places publiques et jardins de quartiers accessibles aux citoyen.ne.s accompagné.e.s par leur chien soit en permanence soit sur des tranches horaires, selon les saisons de l’année.
– Doter chaque commune de le Métropole de Lyon, chaque arrondissement de la Ville de Lyon, d’au moins un espace d’ébats canins en cogestion « Ville – Maîtres » afin de responsabiliser les maîtres.
– Doter tous les grands parcs de la métropole de Lyon d’un espace canin généreux. »
Créée en 2017, l’association « Les truffes de Montluc » s’est elle aussi emparé de la question du manque d’espaces canins, à commencer par le parc du Fort de Montluc qui a été transformé en « espace partagé » avec de nombreux agrès pour pratiquer l’agility avec son chien.
L’année dernière, l’association, devenue le collectif « Les Truffes de Lyon », a notamment lancé une pétition pour demander à la mairie du 7e de revoir le petit espace canin aménagé en 2014 dans le parc Blandan, dans un état « déplorable » et « insécurisant pour les chiens et les autres usagers du parc » d’après la pétition.
Bientôt des parcs à chiens dans les immeubles ?
Vice-président en charge de la protection animale à la Métropole de Lyon, Pierre Athanaze assure que des « Assises de la condition animale » auront lieu prochainement pour discuter de la place des animaux de compagnie en ville. Y sera notamment question de ces espaces où les habitant.es pourront lâcher leurs chiens.
« Il faut en créer plus et mieux, reconnaît-il. A une époque, il y avait des problèmes d’insalubrité. Il faut revoir le concept. Il y a tout un travail qui est en cours auprès des mairies pour développer dans ces espaces des agrès car en ville, les chiens manquent souvent d’activité physique. L’espace public est limité avec la présence de vélos, de voitures, de marchés… Nous pensons également aux copropriétés et aux bailleurs sociaux qui pourraient prévoir des aires canines dans certains grands ensembles. »
Pour la Ville de Lyon, le « bien-être canin est étroitement lié au bien-être des Lyonnaises et des Lyonnais ». Nicolas Husson, adjoint au maire, estime ainsi qu’un des moyens pour améliorer les conditions de vie des chiens en ville passe aussi par la végétalisation de la voirie :
« Offrir une ville plus végétale, au plus près des habitants, est également bénéfique pour le chien, lors des promenades. Les cheminements frais, ombragés, avec des sols plus clairs et moins chauds en été contribuent au bien-être du chien, et offrent de meilleures conditions pour ses voies respiratoires et ses coussinets, développe-t-il.
Quand nous déployons un maillage équitable en points d’eau pour les Lyonnaises et Lyonnais, c’est également bénéfique pour nos chiens l’été, qui aurons de l’eau pour s’hydrater. »
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