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Législatives 2022 : l’union de la gauche sous haute tension dans le Rhône

Dans le Rhône, les volontés politiques locales et les calculs électoraux rendent l’union des gauches aux législatives plus compliquée.

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gauche candidats Rhône

À Paris, les discussions vont bon train pour trouver un accord entre les partis de gauche pour les législatives qui se tiendront en juin prochain. Seule une poignée de cadres de chaque organisation planche sur cet accord. Au-delà des discussions sur les idées et le programme, le nerf de la guerre reste le partage des circonscriptions. Avec, à la clé, des députés à l’Assemblée Nationale, mais aussi un financement de la campagne électorale en fonction des résultats obtenus.

Dans le Rhône, élus et militants de La France Insoumise, du PS, d’EELV ou du PCF dépendent de la décision des comités nationaux. Une décision qui pourrait entrer en contradiction avec des velléités électorales locales et les chasses gardées sur certaines circonscriptions, à Lyon et dans la métropole.

Pas encore d’investitures officielles de La France Insoumise

Du côté de l’Union Populaire (mouvement créé par La France Insoumise pour les élections 2022), aucun candidat n’est officiellement investi sur les 14 circonscriptions du Rhône. Seuls des « chefs de file » de campagne ont été nommés. Quatre circonscriptions, la 6e, 7e, 13e et 14e n’en ont pas encore, officiellement.

« Il y a eu des assemblées de circonscription en décembre dans toutes les circos de France, où les militants étaient invités à se regrouper et à se rassembler autour de noms. (…) Dans certaines circonscriptions, les militants n’ont pas réussi à choisir au consensus », donne pour explication Aurélie Gries, cheffe de file de la campagne pour l’Union Populaire dans la 1ère circonscription du Rhône.

Selon Laurent Legendre, membre de la France Insoumise à Villeurbanne et président de groupe au conseil métropolitain de Lyon, ces circonscriptions sont pour l’instant « gelées » car considérées comme « gagnables » et peuvent pour certaines « avoir pour vocation à être négociées » avec les autres partenaires de gauche.

Les investitures officielles auront lieu le 7 mai, et un accord doit être trouvé entre les différents partenaires de gauche d’ici-là. Sans entente possible directement entre acteurs locaux. « Toutes les discussions sont au niveau national, nous n’en avons pas au niveau local. On suit ce que va dire le comité électoral car c’est eux qui ont une vision globale des rapports de force et de la stratégie nationale », se positionne Clément Carron, chef de file pour l’Union Populaire dans la 5e circonscription.

Des parachutages dans le Rhône qui font grincer des dents

Pour autant, plusieurs parachutages de candidats insoumis ont déjà fuité dans la presse sur ces quatre circonscriptions. Après Gabriel Amard, gendre de Jean-Luc Mélenchon, pour la 6e circonscription à Villeurbanne, puis Taha Bouhafs, journaliste-militant pour la 14e circonscription (comprenant Vénissieux, où se trouve la maire PC Michèle Picard), c’est le nom de l’ex-magistrat lyonnais Albert Lévy que Rue89Lyon a révélé, pour la 7e circonscription.

Sur ces trois territoires, Jean-Luc Mélenchon a réalisé de très bons scores au premier tour des élections présidentielles. Le candidat de l’Union Populaire a obtenu plus de 30% des voix à Bron et Rillieux, près de 55% à Vaulx-en-Velin, plus de 40% à Vénissieux, et 37,8% à Villeurbanne. De quoi envisager d’obtenir là des députés.

Ces candidatures non-officialisées par LFI crispent du côté des partenaires potentiels et notamment du côté du PC. Boris Miachon-Debard, candidat communiste sur la 3e circonscription et actuel adjoint à l’urbanisme du 7e arrondissement de Lyon, défend une ligne « unioniste » mais appelle la France Insoumise à une clarification :

« La France Insoumise ne peut pas souffler le chaud et le froid. On ne peut pas dire qu’on trouve des accords le jeudi et le vendredi, médiatiser des parachutages comme celles d’Albert Lévy dans la 7e circo du Rhône, Gabriel Amar dans la 6e et Taha Bouhafs dans la 14e. Il faut vite clarifier les positions ».

Chez les Insoumis aussi, certains parachutages ne sont pas accueillis de gaieté de cœur. En interne, les militants locaux de la 7e circo ont pris position contre l’investiture d’Albert Lévy.

Publiquement, Thibault Logereau, militant à Bron et ex-animateur des jeunes insoumis du Rhône, a carrément annoncé se mettre en retrait de la campagne dans cette circonscription, protestant contre ce « parachutage » (sans citer toutefois le nom d’Albert Lévy).

« Sur nos territoires, le choix d’imposer une candidature parachutée a été fait sans consultation des militant.e.s et de manière verticale. […] Aujourd’hui, du fait de ce parachutage, on procède à une élimination d’une potentielle candidature féminine, jeune, habitante de quartier populaire », plaide-t-il dans un post Facebook.

Chez les Verts et les communistes, on espère une union « sans hégémonie »

Dès l’entre-deux-tours, des volontés d’union ont été affichées à Lyon, de part et d’autre des partenaires de gauche. Le maire de Lyon EELV Grégory Doucet, appelait encore le soir du second tour à « rassembler de manière plurielle les mouvements de l’écologie avec les mouvements de la gauche » pour les législatives. S’il constate le « leadership » de Jean-Luc Mélenchon, l’élu demande une union « sans hégémonie ».

Une position similaire à celle du PCF du Rhône, qui appelle à « respect[er] le rapport de force issu de la présidentielle, mais aussi [à tenir] compte des ancrages locaux et des différentes sensibilités à gauche », dans un communiqué, ce mardi 25 avril.

Le PS local, après la claque prise par sa candidate Anne Hidalgo, ne peut qu’être attentiste. « Les discussions n’ont pas tout à fait commencé avec la France Insoumise », explique le maire PS de Villeurbanne, Cédric Van Styvendael, même si « LFI est en train de bouger » après avoir dans un premier temps refusé toute alliance. Le socialiste souhaite de son côté « que tous les partis de gauche se mettent d’accord ».

À ce stade, les instances nationales du PS sont bien incapables de donner aux fédérations des directives qui iraient dans le sens d’une union de la gauche. Une situation qui paralyse toute prise de décision au niveau local pour l’heure. Mais la déroute du PS à ces élections présidentielles ne semble motiver personne pour endosser le brassard.

Une union de gauche sous la bannière Union Populaire souhaitée par les insoumis

La ligne d’union sans ralliement n’est pas vraiment partagée par la France Insoumise, en position de force. Elle souhaiterait un rassemblement sous la bannière de l’Union Populaire et de leur programme « l’Avenir en commun », prenant pour argument les 22% réalisés par leur candidat.

Selon LFI, l’Union Populaire (UP) représente déjà un regroupement de plusieurs sensibilités dans lequel pourrait venir s’insérer d’autres partenaires. Même s’il est difficile de distinguer la France Insoumise de l’Union Populaire.

Clément Carron, chef de file dans la 5e circonscription et ex-membre du secrétariat de campagne de l’UP pour la présidentielle, voit ce ralliement sous une même bannière comme un choix stratégique et plus clair pour les électeurs. Avec pour objectif d’imposer une cohabitation :

« Je souhaite que chaque candidat soit issu de l’Union Populaire. C’est ce qui permettra aux électeurs de voter pour nous. […] Ils pourront mettre un unique bulletin de vote, pour permettre à Jean-Luc Mélenchon d’être Premier ministre. »

À Lyon, Villeurbanne et Vénissieux, des circonscriptions convoitées

Les vœux d’union pourraient bien se heurter aux réalités politiques locales. Plusieurs territoires du Rhône font l’objet de rivalités entre les différents partis de gauche. C’est notamment le cas dans d’anciennes circonscriptions de gauche, tombées dans l’escarcelle de LREM en 2017, où Jean-Luc Mélenchon a réalisé de gros scores le 10 avril dernier.

Et aux logiques d’appareil s’ajoute aussi la volonté de réélection pour certains députés sortants. C’est par exemple le cas pour Hubert-Julien Lafferrière, élu sous l’étiquette LREM en 2017 et désormais passé chez EELV. Il ne souhaite pas laisser sa place, ni avoir un binôme issu d’un partenaire. « Ma binôme sera écologiste, j’attends sa confirmation et ça se fera dans les prochains jours », a déclaré l’actuel député de la 2e circonscription.

Dans la 14e circo, à Vénissieux, où le journaliste-militant Taha Bouhafs pourrait être parachuté par l’Union Populaire, le parti communiste avait déjà choisi sa championne. C’est Michèle Picard, maire PC de Vénissieux, qui devrait être pour la troisième fois candidate.

La 6e circonscription, à Villeurbanne, est sûrement celle qui sera le plus difficile à négocier pour les différents partis de gauche. Elle pourrait être vivement demandée par le PS, historiquement hégémonique sur cette circonscription jusqu’en 2017 mais où Jean-Luc Mélenchon est arrivé en tête au soir du premier tour, avec 33,88% des voix.

Les Verts y ont déjà placé la conseillère métropolitaine de Villeurbanne Zemorda Khelifi, selon le quotidien régional Le Progrès. Le PCF aussi y a placé un candidat : Benoît Roux. LFI pourrait y parachuter le gendre de Jean-Luc Mélenchon, Gabriel Amard. Du côté du PS, Cristina Martineau, adjointe au maire de Villeurbanne, a été désignée par la section locale du PS comme cheffe de file dans la 6e circonscription. Elle est donc soutenue par le maire Cédric Van Styvendael, qui appelle cependant à « fonctionner dans le respect des accords nationaux ».

Vers des candidatures multiples à gauche aux législatives dans le Rhône ?

Candidats déjà investis, chasses gardées, refus d’un ralliement hégémonique… Les obstacles sont nombreux pour une union dans le Rhône. Si un accord n’est pas trouvé pour plusieurs circonscriptions, les candidats de gauche pourraient être départagés lors du premier tour. Une situation qui est même souhaitée par certains.

Pourtant « unioniste », le communiste Boris Miachon Debard plaide pour des candidatures diverses de gauche dans certaines circonscriptions de l’agglomération de Lyon :

« Dans les circonscriptions de gauche, il ne faut pas toujours faire le coup du vote utile (derrière un seul candidat, ndlr). Ce serait la mort de la démocratie ».

D’autant plus qu’un enjeu financier s’ajoute aux divergences sur les programmes et les conditions du ralliement. Les partis comptent sur les législatives pour se refaire après une campagne présidentielle non remboursée pour les scores ne dépassant pas la barre des 5%. Pour ça, ils pourraient avoir besoin d’être présents sur au moins 50 circonscriptions (sur 577), ce qui pourrait aussi disperser les voix et empêcher la gauche de se qualifier au second tour.

« Tout le monde le sait, les législatives, ça veut dire un apport d’argent pour des partis et des appareils. Le PCF et EELV qui se sont retrouvés en dessous de 5% sont en difficulté financière. C’est alors ça ce qui empêcherait de faire une union des gauches ? En partant du principe qu’on est d’accord sur le programme, il y a toujours des choses qui peuvent se faire », estime Aurélie Gries, de LFI, qui veut se montrer optimiste.

Malgré les affichages au local, ce sont bien les comités nationaux qui vont décider. Ils pourraient aboutir à des unions très partielles, et une alliance réussie sur une partie seulement des circonscriptions. Les candidats locaux seront fixés dans quelques jours.


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