Mardi dernier, seule une petite cinquantaine de personnes ont assisté à la réunion publique dont le but était d’informer les habitants du quartier de la Sauvegarde – un sous-quartier de la Duchère – des avancées du projet de renouvellement urbain au sujet des aménagements des espaces publics. Cela se déroulait dans à la grande Halle d’athlétisme Stéphane Diagana, à un kilomètre de la Sauvegarde.
À la réunion publique, on comptait en grande partie des personnes âgées. Plusieurs des personnes qui ont pris la parole déclaraient venir de Champagne-au-Mont-d’Or.
Le pôle communication et concertation de la mairie de Lyon avait envoyé un mail pour informer les habitants de la tenue d’une réunion publique.
Rue89Lyon a joint les habitants de la Sauvegarde rencontrés au cours de notre démarche Quartiers Connectés. Aucun n’était informé de cette réunion publique, ni par mail, ni par aucun autre moyen.
La dernière réunion publique date du 7 juillet 2021. Elle avait eu lieu à la Maison des Fêtes et des Familles, au sein même du quartier de la Sauvegarde et de petites affichettes avaient été placardées dans tout le quartier. Même si cette réunion avait vu l’afflux de nombreuses personnes qui n’étaient pas de la Sauvegarde et pâtissait déjà d’une sous-représentation de jeunes et d’actifs, au moins, plus de sièges étaient occupés.
Sofiane, à la Duchère : « J’aurais su, je serais venu à la réunion publique »
Les élus et techniciens qui pilotent le Grand Projet de Ville ont pourtant tenté de mettre en avant leur volonté de toucher les habitants en donnant notamment la parole à deux représentants du Conseil citoyen et en invitant cinq jeunes garçons de la MJC à donner leur avis sur les aménagements. Ceux-ci ont donc pu insister sur leur désir de voir le city stade (un petit terrain de foot) rester à la même place.
De même, ils ont invité le rare public à « remotiver tout le monde à participer aux ateliers de concertation ». Dans le mail d’invitation à la réunion, il était aussi écrit : « Merci de bien vouloir relayer cette information auprès de vos publics, voisin·es et ami·es ».
Des tentatives visiblement infructueuses.
Sofiane (prénom d’emprunt) habite la barre 440 à la Sauvegarde. Il est directement concerné par les opérations de réhabilitation du quartier. Nous l’avions longuement rencontré en juillet 2021 :
« On n’a pas eu l’info, ils ont fait ça entre eux. J’aurais su, je serais venu, pour parler un peu plus de la rénovation que des arbres. »
« J’en ai marre qu’ils parlent de potagers et d’arbres »
Sofiane fait ici référence à la communication qu’il juge plus largement faite au sujet des potagers participatifs et de la végétalisation que des conditions matérielles de vie des habitants. Il aborde des rénovations du parc locatif toujours aussi hasardeuses :
« En ce moment ils ont attaqué ma barre [440, ndlr] pour les rénovations. En gros, là, ils refont l’isolation, mais les mecs ont l’air perdu. Ils laissent tout traîner, les outils, les matériaux, ce n’est pas protégé et c’est dangereux pour les enfants. Samedi matin un ouvrier s’est mis à taper comme un dingue à 7h30 sur mon balcon, je me suis fâché. Moi-même je travaille dans le bâtiment et je me lève très tôt toute la semaine. »
Il complète :
« J’aurais aimé venir pour leur dire que j’en ai marre qu’ils parlent de potagers et d’arbres. La Sauvegarde est déjà un des quartiers les plus verts de Lyon. J’aimerais qu’ils s’intéressent un peu plus à nos conditions de vie à l’intérieur des logements sociaux, est-ce que nos enfants ont accès à des activités ? est-ce qu’on a des places pour se garer ? Ce genre de choses. »
Fidène est une jeune mère du quartier. Elle aussi ignorait la tenue de la réunion, elle aurait également souhaité y assister :
« Si on doit seulement parler d’aménagements, j’aimerais bien aborder les jeux pour enfants. J’aimerai qu’il y en ait plus plus. Ma fille est timide et la plupart des jeux du quartier sont pris d’assaut, on va au Parc du Vallon la plupart du temps. »
« J’ai l’impression que ce n’est pas leur priorité le logement à la Duchère »
Mais pour Fidène, les aménagements extérieurs du quartier ne sont pas la préoccupation première des habitants. Elle aurait aimé profiter de l’occasion pour apostropher les élus sur les soucis de logement rencontrés par de nombreuses familles :
« Par exemple, ma sœur qui habite à la barre 410 est en demande de relogement depuis deux ans, alors qu’elle vit avec nos deux frères, notre mère, son mari et son bébé. Tout ce monde dans un T3. En plus, mon beau-frère a un emploi. Je ne comprends pas. »
Elle se souvient :
« J’étais dans la même situation en 2013. En quelques mois ils m’avaient proposé cinq appartements. Là, ils ne font que de dire à ma sœur qu’elle est sur liste d’attente, que ça va venir. Elle n’a pas eu une seule proposition. Il y avait un moment où je me rendais tous les jours dans les locaux de Grand Lyon Habitat [le bailleur social, ndlr] pour suivre l’évolution du dossier, j’ai fini par perdre patience. »
Même si sa sœur a des revenus, elle n’a pas les moyens de louer dans le parc privé à Lyon. Pour Fidène, ce type de problématiques témoigne d’un désintérêt grandissant à l’égard des habitants « historiques » du quartier. Elle souligne aussi les soucis de chauffage, les moisissures et l’humidité dans les logements, ou encore les rats et les pigeons qui envahissent régulièrement le quartier. Elle ajoute :
« J’ai l’impression que ce n’est pas leur priorité le logement et nos conditions de vie derrière les murs. »
« J’espère qu’il y aura suffisamment de places de parking »
Fatima habite le quartier depuis plusieurs dizaines d’années. Rencontrée par Rue89Lyon en octobre 2021, elle aussi déclare n’avoir pas reçu l’information sur la réunion publique.
« Pourquoi l’avoir faite aussi loin ? On n’a pas tous l’énergie de marcher jusqu’au stade [la Halle Diagana est situé à côté du stade Balmont du club de foot Lyon-La Duchère, ndlr]. Moi j’aurais bien aimé y aller, pour entendre ce qu’ils avaient prévu. »
Une fois tenue au courant des améliorations prévues le Grand Projet de Ville, Fatima s’en réjouit :
« Je suis contente qu’ils aient décidé de mettre des bancs, c’est vraiment ce qui manquait, surtout pour les personnes âgées. »
Fatima ne manque jamais de s’entretenir des nouvelles avec ses voisines. Elle semble pourtant très étonnée à l’évocation du projet de halle couverte sensée accueillir une partie du marché du mercredi et du samedi à la Sauvegarde :
« Ils vont faire ça ? C’est super, comme ça on pourra même faire le marché quand il pleut ! Vraiment c’est bien, parce qu’en plus ça va attirer des gens, alors qu’il y a de moins en moins de marchés à la Duchère. »
Elle marque une courte pause avant de conclure, pensive :
« J’espère seulement qu’il y aura suffisamment de places de parking. »
Chargement des commentaires…