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Pianiste au conservatoire de Lyon  : « Je n’avais jamais joué une œuvre de femme »

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Anne Morvan Influx

L’Influx, le magazine de la Bibliothèque municipale de Lyon, a souhaité mettre à l’honneur des femmes du milieu de la musique lyonnais en publiant leurs portraits. Les interviews ont été réalisées dans le cadre de l’événement « À corps et à cris » qui avait été proposé par le réseau de la bibliothèque.

Suite aux portrait de Sophie Broyer, Flore, Marion Bondaz et Lyne Robert, voici le portrait d’Anne Morvan, pianiste accompagnatrice et coordinatrice pédagogique au Conservatoire à Rayonnement Régional de Lyon.

Après des études d’accompagnement-piano au CNSMD (Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse) de Lyon, Anne Morvan a intégré l’équipe pédagogique du CRR (Conservatoire à Rayonnement Régional) de Lyon en 1993 en tant que pianiste accompagnatrice. Elle travaille depuis 2014 sur la place des femmes dans l’enseignement artistique.

Elle a mené plusieurs projets au sein du conservatoire sur cette thématique. Ce, en partenariat avec d’autres établissements de la métropole lyonnaise. En parallèle des différents projets au CRR, elle anime (en collaboration avec Elsa Goujon-Gregori) des formations sur l’égalité Femmes/Hommes dans diverses structures d’enseignement artistique, notamment au CNSMD et au CEFEDEM AURA (Centre de ressources professionnelles et d’enseignement supérieur artistique de la musique). 

Anne Morvan Influx
Photo d’Anne Morvan – Pianiste accompagnatrice et coordinatrice pédagogique au Conservatoire à Rayonnement Régional de Lyon – Crédits : Indiana Anders

« Je partage la musique. J’aime l’étymologie du mot ‘accompagner’, cum panis, partager le pain avec un compagnon »

Quel est votre parcours, comment vous a-t-il menée jusqu’au métier que vous avez aujourd’hui ?

J’ai fait des études de piano au conservatoire de Metz, en parallèle d’un DEUG de musicologie. (…) Quand ils ont crée la classe d’accompagnement, cela a été une évidence d’y rentrer. J’ai poursuivi ma formation au CNSMD à Lyon. C’était exigeant, passionnant, riche de rencontres et très complet. De la musique ancienne au jazz, en passant par le répertoire du chant et des instruments, la direction de chœurs, l’improvisation …

En parallèle de mes études, j’ai toujours travaillé. D’abord en enseignant le piano puis en tant qu’accompagnatrice dans différentes écoles de musique, en Lorraine puis en région lyonnaise. Depuis 1993, je suis pianiste-accompagnatrice au CRR de Lyon. Je coordonne l’équipe des accompagnatrices depuis une dizaine d’années et depuis deux ans également le Parcours Préparatoire à l’Enseignement Supérieur.

Pouvez-vous décrire votre métier ?

Mon métier est un peu multiple depuis quelques années mais il me semble qu’il y a une pratique qui relie toutes mes activités : l’accompagnement. J’aime bien l’étymologie du mot : cum panis, partager le pain, avec un compagnon.

A la base, je suis pianiste-accompagnatrice. Je partage la musique avec d’autres musicien-nes, étudiant-es ou professionnel-les. Dans le cadre du conservatoire, je la partage en jouant avec des élèves instrumentistes petits et grands. Dans le cadre des concerts, concours et examens qui jalonnent leur parcours.

Mais c’est un métier qui comprend aussi toute une part d’enseignement. Un travail régulier avec ces mêmes élèves, en amont des prestations publiques, où l’on construit l’écoute, la compréhension de la partition, l’interprétation. Enfin, cela implique une collaboration forte avec les enseignant-es d’instruments ou de chant.

Piano femme
Image par AP-Berlin de Pixabay

« Je n’avais jamais réalisé que les femmes étaient si peu représentées dans le monde professionnel »

Aujourd’hui vous êtes engagée sur la question de l’égalité femme-homme dans l’enseignement artistique. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’agir sur ces questions ?

En 2014, j’ai découvert une brochure éditée par la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques), le mouvement HF et le Laboratoire de l’égalité, « Où sont les femmes ». La lecture des chiffres sur la faible représentation des femmes dans le monde artistique et plus particulièrement musical m’a sidérée. 1% de compositrices programmées dans le spectacle vivant, 4% de cheffes d’orchestre, 21% de solistes instrumentales…

J’ai réalisé que durant toutes mes études de piano, je n’avais jamais joué une œuvre de femme. Et que depuis le début de ma vie de musicienne professionnelle, je n’avais croisé que peu de fois le chemin de compositrices.

Et alors que je voyais passer, dans les classes que j’accompagnais au CRR et au CNSMD de Lyon, de nombreuses jeunes femmes instrumentistes talentueuses, je n’avais jamais réalisé qu’elles étaient si peu représentées dans le monde professionnel. […]

J’ai cherché à comprendre. Je me suis rapprochée de l’association HF Auvergne-Rhône-Alpes, j’ai suivi une de ses formations sur l’égalité femmes-hommes dans la culture. (…) Avec Elsa Goujon-Grigori de l’ENM de Villeurbanne, (…) nous avons animé des conférences dans nos établissements respectifs, des formations pour les étudiant-es au CEFEDEM AURA et au CNSMDL. Une dynamique s’est créée sur le territoire de la métropole avec, notamment, un groupe de réflexion rassemblant des personnes issues de plusieurs établissements d’enseignement artistique.

Entrée du Conservatoire de Lyon, au 4 montée Cardinal Decourtray, dans le 5ème arrondissementPhoto : TS

« Le choix d’un instrument est un sujet qui mérite d’être intégré dans le projet d’établissement »

Un certain nombre d’études montrent que les instruments de musique sont genrés. Que certains sont beaucoup plus joués par l’un ou l’autre sexe. Est-ce que le CRR de Lyon a mis en place des solutions permettant de faciliter l’accès des filles à certains instruments? Et des garçons à d’autres instruments) ? Comment agir sur le choix instrumental ?

C’est une question complexe et pour le moment, il n’y a pas eu d’action particulière au conservatoire. (…)

Agir sur le choix des disciplines artistiques au sein d’un établissement implique déjà une prise de conscience collective des équipes. Donc une sensibilisation aux questions d’égalité F/H avec des présentations d’études chiffrées et de ressources qui permettent de comprendre et d’analyser les raisons de ces disparités et de déconstruire des stéréotypes.

C’est un sujet qui mérite d’être intégré dans le projet d’établissement, pour être pensé de manière globale et traité sur un temps long avec des objectifs de progression. Par exemple, en :

  • Développant des actions de sensibilisation auprès des enfants et des parents sur les possibilités d’accès à toutes les disciplines artistiques pour tous les enfants.
  • Veillant, lors des concerts de découverte à proposer des groupes d’élèves (et des équipes pédagogiques) mixtes et équilibrés dans toutes les disciplines pour permettre aux enfants et aux parents dans le public de se projeter dans toutes les disciplines artistiques indépendamment du genre fille/garçon.
  • Développant des actions ciblées (pédagogie, diffusion, communication…) dans les secteurs où les disparités sont importantes et constantes : jazz, musiques actuelles, percussion, cuivres et danse.
  • Valorisant la création et l’improvisation dans les cours pour inciter les filles à la création et à la composition.

Lire la suite sur le site de l’Influx.


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