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L’amour à Vaulx-en-Velin : « J’ai peur d’être vraiment seule »

Dans un épisode de « La Série Documentaire » sur France Culture, l’écrivain François Beaune allume son micro à Vaulx-en-Velin, pour parler amour.

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Une rue commerçante à Vaulx-en-Velin, juin 2018 © Prescillia Boisseau/LBB

Pour un épisode de « La Série Documentaire » sur France Culture, à écouter en podcast, l’écrivain François Beaune a allumé son micro à Vaulx-en-Velin, pour parler amour et sentiments. L’occasion de déconstruire quelques clichés mais aussi de faire des rencontres étonnantes, de se poser 58 minutes avec ces vaudais·es qu’on entend se confier sans tabou.

Il s’agit d’un épisode de la très bonne série intitulée « la vie ordinaire dans nos cités » ; il est signé François Beaune et réalisé par Yvon Croizer. Ça se passe en banlieue de Lyon, à Vaulx-en-Velin, pour y causer amour et sexualité.

Le podcast est disponible sur le site de Radio France.

Ce podcast-fleuve qui donne à des vaudais de tous les âges l’occasion de raconter leurs aventures amoureuses, de celles qui ont duré une nuit comme celles qui ont duré des années. Des histoires tendres ou plutôt violentes, aux prises avec les traumatismes de l’enfance, la timidité, les barrières mentales ou les conventions sociales, culturelles. À ne pas écouter en présence de jeunes oreilles.

« Je ressens de la tendresse mais ce n’est pas bien car c’est faible »

L’écrivain François Beaune a grandi à Lyon, et il a eu l’occasion d’enseigner l’histoire et la géographie à Vaulx-en-Velin. À l’époque, il rencontre l’association Dans tous les sens, qui organise des ateliers d’écriture dans la ville. Il y retourne récemment pour une résidence d’écriture. C’est là qu’il a l’idée de saisir d’une autre manière les mots et les émotions des vaudais·es qu’il avait pour certain·es déjà rencontré·es.

Des émotions souvent calfeutrées derrière d’épais murs de solitude. Ce podcast, passionnant, s’ouvre d’ailleurs sur la confession d’une des femmes interviewées :

« J’ai beaucoup d’amour, d’émotions et d’affection au fond de moi. Je ressens de la tendresse mais ce n’est pas bien car c’est faible et dangereux. »

Et qui conclut :

« J’ai peur d’être vraiment seule en fait. »

Hommes et femmes ne racontent pas les mêmes craintes. Pour celles de Morjiane, Selma et Anaïs, on soupèse le poids de la famille et des conventions sociales qui les a empêchées de vivre pleinement leurs amours. Anaïs ressent ce poids dès le collège :

« Déjà, quand mon frère a appris que j’étais amoureuse de quelqu’un en 3è, il a voulu me frapper. »

« Une fois mariée, l’impression d’avoir pris perpète »

On rencontre, Anaïs, en terminale. Elle est tombée amoureuse et sortie avec un garçon pendant 6 mois. Même si elle n’a pas eu de relation intime avec son copain, ses parents dissuadent celui-ci de poursuivre la relation. Si la jeune fille aborde cet amour naissant avec nostalgie, elle déclare être fière d’avoir préservé sa virginité jusqu’à ses 27 ans :

« Une fois la bague au doigt, je pourrai faire tout ce que je veux, en attendant j’ai d’autres plaisirs. Je suis très gourmande, je mange des pâtisseries, des gâteaux. »

Selma est sortie avec un premier garçon avant de rencontrer Nabil. Avec son premier ami, avec qui elle est restée huit ans, elle avait eu peur du décalage culturel. Quand elle a rencontré celui qui serait son futur mari, elle s’est dite soulagée :

« Pour une fois, ma mère était très fière de moi. Elle appelait tout le temps ses copines pour parler du mariage. »

Une fois mariée, Selma réalise vite que Nabil avait caché un pan de sa personnalité, il lui fait du mal. Elle tombe dans une dépression :

« Je me sentais piégée, je n’avais plus peur de l’enfer parce que je vivais l’enfer. J’avais l’impression d’avoir pris perpète. »

Selma a vécu comme un traumatisme sa vie de couple avec Nabil. Elle a réussi a divorcer de lui au prix d’une longue et éreintante bataille judiciaire.

« Souvent elles viennent de l’autre côté du périph’ de Vaulx-en-Velin, du bon côté »

Anaïs, elle, rencontre des hommes qu’elle « matche » sur Tinder :

« Il y avait eu ce garçon, dans sa biographie il avait marqué ‘déconstruction’. C’était un mec super space, tout ce que j’aime. »

Anaïs raconte son premier rencard avec le mystérieux blond de Tinder, où la tendresse était au rendez-vous, sans pour autant que ne le soit le sexe.

Ryad et Mounir ont eu de nombreuses conquêtes. Pourtant, ils se disent blasés, difficile pour eux de trouver « la bonne ». Ryad a une idée très précise de son idéal :

« Dans ma tête il y a la femme préservée, à marier, et à côté les il y a les « plans cul » avec les femmes qui se donnent. »

En quête de la femme parfaite mais toujours bredouille, il raconte ses aventures « en attendant » :

« Souvent elles viennent de l’autre côté du périph’, mais du bon côté. Je suis vachement sapiosexuel et elles m’apprennent plein de trucs. »

Il ajoute :

« J’aime les féministes qui parlent de la banlieues et des injustices. Ce qu’elles aiment chez moi, ce doit être mon côté bad boy. »

« J’ai dû faire l’amour comme un gorille, sans tendresse »

Cette injonction à être un « bad boy viril », c’est ce qui a dégoûté Mounir des relations amoureuses, intramuros ou extramuros de la cité. Il raconte une soirée terrible au micro de France Culture, une soirée où il s’est senti obligé d’avoir des relations sexuelles car il est homme et qu’il a une « fonction ». Un récit glaçant :

« J’ai dû faire l’amour comme un gorille, sans tendresse. Ça m’a dégoûté, je me suis dit : ‘qu’est-ce que je fais, c’est pas moi’. Je me suis senti sale. »

Finalement, il y a aussi Othmane, un homme qui se décrit comme un « vieux lion qui a des cicatrices ». Il débite une série de techniques de dragues plus ou moins recommandables pour mettre une femme dans son lit, en partant de son terrain de chasse préféré : le Carrefour de Vénissieux. Il enchaîne avec de brillantes théories sur ce que sont, au fond, les femmes, « qui n’attendent qu’une seule chose, c’est de se faire accrocher ». Un entretien peut-être un peu moins introspectif.

Le podcast de 58 minutes adopte une posture de plus en plus en vogue dans les productions radiophoniques, une création brut, sans filtre avec très peu de commentaire du journaliste qui réalise le reportage. Un micro ouvert qui laisse place à l’inattendu et surtout à l’intime. À écouter ici.


#Culture

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