« Nous sommes apolitiques » ; « Nous sommes un collectif citoyen » ; « Nous sommes unitaires et a-partisan ». Voilà en résumé comment Thibault Pillet décrit son collectif, « Lyon pour la Liberté », dans les nombreuses interviews données à la presse lyonnaise.
Depuis fin octobre, chaque samedi, le jeune leader du collectif organise la principale manifestation lyonnaise contre le pass sanitaire – désormais pass vaccinal – déclarée en préfecture. Début 2022, ses cortèges réunissent entre 1000 et 2000 personnes selon la préfecture du Rhône et entre 3000 et 4000 selon les organisateurs.
Pourtant à y regarder de plus près, le qualificatif apolitique semble bien mal s’appliquer à la fois au collectif Lyon pour la Liberté, et aux manifestations qu’il organise. De fait, on retrouve dans ses cortèges la quasi-totalité de la galaxie de l’extrême droite radicale lyonnaise.
Un ancien cadre des identitaires lyonnais au mégaphone
« Ni une, ni deux, ni troisième dose », en tête du cortège anti-pass, empoignant le mégaphone aux côtés de Thibault Pillet, on trouve Gérald Pichon. Ce n’est pas un inconnu de la politique de rue lyonnaise. A la fin des années 2000, il est un des principaux cadres de « Rebeyne », extension lyonnaise des Jeunesses Identitaire (organisation qui précédait Génération Identitaire). On retrouve encore des traces du passage de ce quarantenaire à la Traboule sur l’ancien site du bloc identitaire de Lyon. En 2013, il présentait, dans le local des identitaires lyonnais situé dans le Vieux Lyon, un livre sur le « racisme anti-blanc ». Dans le tweet ci-dessous, il est situé à l’extrême droite de la grande photo.
« Je ne connais pas le CV de toutes les personnes qui sont dans la manifestation. Monsieur Pichon est venu m’aider, il met une bonne ambiance, c’est pour cela qu’il prend le mégaphone. Il ne m’a jamais parlé d’identité et il n’y a pas de slogans identitaires dans nos manifestations », s’indigne Thibault Pillet contacté par Rue89Lyon, qui ne souhaite pas en dire plus sur le sujet.
Dans un précédent article, nous avions également relevé la présence d’Adrien Lasalle, autre cadre de l’association d’extrême droite radicale aujourd’hui dissoute Génération identitaire à côté du collectif Lyon pour la Liberté, qui n’était pas encore organisateur des principales manifestations anti-pass (voir encadré).
Le Guignol Squad en guise de service d’ordre officieux
Lors d’un reportage précédent, nous avions noté la présence d’un service d’ordre officieux au sein de la manifestation anti-pass du 22 janvier. Les jeunes hommes qui le constituaient portaient, à la différence de la plupart des manifestants, des masques chirurgicaux, des cache-cols, voire pour certains – plus rares – des cagoules. Tandis que les manifestants monopolisaient la route, ils marchaient sur les trottoirs et guettaient de potentiels assaillants à chaque coin de rue.
Il s’agissait du Guignol Squad, comme l’indiquera, dès lendemain, une photo et un message postés sur le groupe Telegram « Ouest Casual » – un canal qui rassemble plus de 14 000 followers et diffuse de la propagande identitaire et néonazi ainsi que des vidéos d’agression.
Formé durant les Gilets jaunes, le Guignol Squad est un regroupement informel de militants néofascistes, identitaires et hooligans, qui revendique des actions musclés notamment à l’égard de militants jugés antifascistes. Ce sont ces derniers qui sont d’ailleurs visés dans le post Télégram.
« Ce samedi, mobilisation contre le pass sanitaire. […] Après une après-midi à les [les antifas, ndlr] chercher dans le quartier de la Part-Dieu et sur la presqu’île, un groupe sera finalement repéré au milieu de Bellecour. Heureusement pour eux, ils s’enfuiront en direction d’une voiture de police en nous voyant arriver, la leçon de mercredi semble avoir été intégrée. Courez tant que vous le pouvez, nous n’aurons jamais fini de vous traquer ».
Questionné sur le sujet, Thibault Pillet n’a pas souhaité répondre à nos questions concernant la présence du Guignol Squad au sein de sa manifestation.
La Cocarde étudiante : cortège dans la manif anti-pass lyonnaise
Distinctement séparée du reste de la manifestation par une banderole “dictature sanitaire, jeunesse réfractaire”, la Cocarde étudiante lyonnaise était également présente au sein de la manifestation anti-pass lyonnaise dans la manifestation du 22 janvier.
Cette association étudiante d’extrême droite, notamment proche de Marion Maréchal-Le Pen, prétend combattre le “gauchisme culturel” dans les universités et s’enorgueillit d’être la seule organisation étudiante à être impliquée dans le combat anti-pass. Certains de ces membres ont également fait partie du service d’ordre d’Eric Zemmour lors de son meeting à Villepinte.
Au mégaphone, on trouvait Sinisha Uroŝ, jeune candidat aux élections du Crous pour la cocarde étudiante de Lyon. Placé devant la banderole, il animait un groupe d’une vingtaine de personnes à grand renfort de slogans et de fumigènes.
Les intégristes de Civitas : régulièrement dans les manifs anti-pass de Lyon
On note également la présence du parti politique catholique intégriste Civitas au sein des manifestations de Lyon pour la Liberté.
Dans les manifestations anti-pass lyonnaises, à la différence de la Cocarde, les membres de Civitas ne forment pas de cortèges visibles et leur présence est plus ponctuelle. Et pour cause : le responsable de Civitas Rhône-Alpes, David Brossard, est basé à Villefranche-sur-Saône.
On le trouve toutefois régulièrement en tête des cortèges anti-pass de Lyon pour la Liberté. Au mois d’août, il participait à une bagarre avec des militants antifascites, qui avait valu un procès à sept d’entre eux.
Au sein de la manifestation anti-pass lyonnaise, les militants de Civitas portent parfois des pancartes affichant le nom de leur organisation. L’une d’entre elles, déjà épinglée dans la presse, représente plusieurs personnalités politiques comme Emmanuel Macron, Olivier Véran, ou encore Edouard Philippe, surplombées par la figure de Bill Gates. Une image qui exprime une vision complotiste de la politique française, dirigée par une élite américaine.
Malgré tous ces éléments, Thibault Pillet refuse de reconnaître que son collectif anti-pass puisse avoir un quelconque lien avec l’extrême droite radicale lyonnaise. En conclusion de nos échanges, il a également déclaré ne plus vouloir communiquer avec Rue89Lyon, qualifiant nos articles de diffamant.
Lyon pour la Liberté manifestera de nouveau samedi 29 janvier dans les rues lyonnaises.
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