L’ouest lyonnais est en ébullition : la résistance s’y organise contre la tyrannie Verte. De Sainte-Foy-lès-Lyon à Tassin-la-Demi-Lune en passant par Francheville, le Haut… et le Bas, on entend gronder la révolte contre le projet de téléphérique.
Des propriétaires de villas opposés au téléphérique, rejoignent chaque dimanche leur « ZAD » du Vallon ; la mairie de Sainte-Foy-lès-Lyon organise un référendum contre ce même téléphérique auquel certain.e.s habitant.e.s, plus familiers sans doute des stations de sports d’hiver que de la diversité des modes de transports urbain, se rendent en tenue de ski pour mieux ridiculiser le projet.
À Tassin, ce sont les mesures automobilicides qui sont dans le viseur du maire de la commune, vent debout pour supprimer couloir de bus et voies vélos qui narguent outrageusement les voitures coincées dans l’avenue de la République.
Téléphérique à Lyon : le poids des habitudes « voituro-centrées » contre lui ?
Peut-être, quand la culture de l’auto est trop prégnante, ne comprend on pas cette obsession à vouloir développer des transports en commun. Certes, on a conscience que quelques jeunes, personnes âgées ou désargentées, doivent bien emprunter les bus circulant entre Chantegrillet et Perrache, entre Marcy-l’Etoile et Gorge de Loup, mais cela reste une anomalie dans une circulation voituro-centrée dont on ne voit pas trop pourquoi elle devrait changer.
Bien sûr, si soudainement tous les riverains du périphérique, des tronçons autoroutiers, et autres 2X2 voies, se mettaient, eux aussi, à faire des référendums pour supprimer ces équipements et les nuisances autos qui en découlent ; si les habitant.e.s de Lyon et Villeurbanne exprimaient à leur tour leur désaccord à l’idée d’accueillir les « autosolistes » fidésien.ne.s, et si finalement la seule alternative était : « tou.te.s dans le C19 ! », ce type de projet serait sans doute regardé avec un peu plus d’attention et de mesure. Mais on en n’est pas là.
Cela étant dit, il serait injuste de dire que l’Ouest révolté n’a aucune proposition pour les transports.
Le métro E, la solution miracle pour l’ouest de Lyon ?
On n’y veut pas de téléphérique, de voies bus, mais on n’est pas rétifs à tout.
On a même une solution, une seule oui, mais qui est sur toutes les lèvres. Et cette solution, la municipalité de Tassin l’a affichée massivement sur ses panneaux le long des rues : « on veut le métro E !».
Ce métro E qu’un esprit taquin aurait tendance à considérer comme l’argument récurrent de qui ne prend jamais les transports a de nombreux mérites dont celui de laisser le temps de voir venir… Et si, à l’horizon d’une quinzaine d’années, le projet sortait de terre (ou plutôt s’y faufilait), il présenterait le double avantage de ne pas survoler les propriétés des un.e.s, et de permettre de continuer à utiliser sa voiture comme au bon vieux temps puisqu’il n’empiéterait pas sur la chaussée.
Pourtant, si des extensions de lignes de métro sont certainement souhaitables, il y a peu de chances que le développement laborieux du réseau sous-terrain résolve à lui seul toutes les questions de déplacements, particulièrement dans les zones les moins denses de l’agglomération.
Le métro nuirait-il au train ?
En la matière, et pour sa taille, Lyon est plutôt bien lotie puisque peu de villes européennes de même importance peuvent se targuer de bénéficier ainsi de 4 lignes de métro « lourd ». Avec les trams, funiculaires et certaines lignes de bus, il quadrille une bonne partie du cœur de l’agglomération, et contribue sans doute au fait que Lyon soit la seconde ville derrière Paris, où la voiture est la moins utilisée dans les déplacements.
Mais l’inconvénient du métro est que ses lignes sont relativement courtes, que le moindre prolongement est long et coûteux et qu’il n’est donc pas forcément adapté à une vision plus large des déplacements. Ce qui explique sans doute en partie que si on élargit la focale à l’échelle de l’agglomération, la situation soit bien moins « glorieuse » en terme de déplacements sans voiture.
Car si, effectivement, peu de villes de la taille de Lyon ont un métro aussi performant, un grand nombre, en revanche, d’agglomérations européennes ont un système de transport ferroviaire entièrement intégré à leur schéma de transports.
Un tram-train un peu ignoré des TCL met déjà Tassin à 10mn du centre de Lyon
À ce titre, il est étonnant que le maire de Tassin, entre autres, fasse si peu de cas d’un tram-train qui, déjà à l’heure actuelle et sans aménagement nouveau, passe en moyenne toutes les 20 minutes en journée et met la place de l’Horloge à moins de 10 minutes du centre de Lyon.
Un tram train qui, comme développé dans une précédente chronique, et outre des aménagements nécessaires à un meilleur cadencement, a pour seuls défauts de ne pas être pleinement intégré, à l’offre TCL sur le territoire de la Métropole.
Car, si cela semble en train de changer dans plusieurs agglomérations, à Lyon, les deux réseaux continuent à s’ignorer superbement. Le strict minimum est fait (un abonnement combiné pour les déplacements réguliers) mais le prix d’un trajet à l’unité varie toujours du simple au triple selon qu’on prenne le bus ou le TER, et le site des TCL ne connait pas le TER (celui de la SNCF c’est déjà limite…).
Une vision globale des déplacements et des transports
Pour rester dans l’Ouest lyonnais, le tram-train et ses deux lignes a un potentiel énorme tant en termes de nombre de voyageurs, que de confort, de rapidité, de possibilité d’y transporter un vélo. Il permet d’aller relativement loin, et les nombreuses gares sur les lignes évitent d’amener en première couronne des centaines de voitures qui créent bouchons, pollution, et nécessitent de trouver la place pour d’immenses « parking relais ».
Surtout, les aménagements qui peuvent être nécessaires se portent sur des structures déjà existantes et fonctionnelles et le service pourrait donc être amélioré dans des délais, sans doute, autrement plus courts que la création ex-nihilo d’un métro.
Enfin, à partir de ces lignes « structurantes » pourrait se déployer une vision globale des déplacements notamment en ciblant les modes de transport (tram ou bus haut niveau de service sur le plateau du 5e arrondissement par exemple, navettes depuis les communes environnantes, itinéraires cyclables et piétons…) permettant de rejoindre les gares.
Le RER à la lyonnaise, ça s’en va et ça revient
Bien sûr, ce qui vaut pour l’ouest lyonnais vaut pour le reste de l’agglomération où l’intégration et le cadencement du réseau ferré simplifierait énormément une grande partie des trajets. Et on peut rêver de trajet combinés où les noms des gares de Saint-Priest, Feyzin, Givors, Chaponost ou Saint-Germain-au-Mont-d’Or rejoindraient ceux de Bellecour, Laurent Bonnevay ou Hôtel de Ville et reprendraient du lustre à mesure que se restreindrait l’espace dédié à la voiture individuelle.
Ce sujet d’un genre de R.E.R revient et disparait régulièrement, porté puis ignoré par des élu.e.s, peut être découragé.e.s par les efforts nécessaires pour associer sur un même projet : la Région, dont l’essentiel de la politique ferroviaire consiste à placer des caméras dans les gares et les wagons, et la Métropole.
Pourtant, avec le développement de tous les autres transports urbains, cette intégration du réseau ferré serait une opportunité formidable de développer les alternatives à l’auto en termes de déplacements dans l’agglomération. Davantage, sans doute, qu’un investissement massif sur une seule ligne et un seul secteur.
Pousser l’intégration du tram-train en dépit du contexte politique
On peut entendre les réticences des populations concernées par un projet de transport en commun, fut il imaginé pour les dites populations. Il est même possible que cette idée de téléphérique entre Francheville et Lyon ne soit pas la bonne.
Mais l’opposition, et l’argumentaire, ne sont entendables que dans la mesure où émerge une réelle envie de participer au changement nécessaire de mobilité, d’être force de proposition en termes de transports et non simple défense d’un statu quo automobile ou d’un unique projet à un horizon si lointain qu’il est fort peu engageant.
En ce sens, et même s’il ne résout pas toutes les questions, la valorisation et l’intégration du tram-train de l’ouest lyonnais, préfiguration d’un Réseau Métropolitain, raccordé à des lignes en site propre (qu’elle soit de tramway, de téléphérique ou de bus) semble nécessaire à pousser vaille que vaille en dépit du contexte politique.
Et puisqu’à l’Ouest on semble désormais rompu à l’activisme, peut être un sit-in revendicatif en ce sens devant la Métropole et l’Hôtel de Région est-il en préparation ?
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