En 2018, des habitants de la Croix-Rousse, 1er et 4e arrondissement de Lyon, avaient investi l’ancien collège Maurice-Scève pour y loger de jeunes migrants – majeurs et mineurs – sans solution d’hébergement. Le bâtiment a accueilli jusqu’à 300 personnes avant son évacuation et avant le relogement de la plupart de ses occupants.
Pendant la crise sanitaire, les jeunes migrants arrivés à Lyon avaient été systématiquement mis à l’abri, sans considération du fait qu’ils aient été majeurs ou mineurs. une « exception » liée au contexte socio-sanitaire. Mais depuis le mois de mai dernier, les jeunes évalués majeurs sont remis à la rue.
Cet été, un nouveau squat, baptisé le Chemineur, a dû être ouvert à la Croix-Rousse. Il accueille aujourd’hui une quarantaine d’adolescents et il affiche complet. Toutefois, de jeunes migrants continuent à arriver chaque jour à Lyon.
Alors que les températures froides deviennent difficilement supportables la nuit, des habitant.es des Pentes de la Croix-Rousse ont décidé d’investir un nouveau bâtiment du quartier.
De squat en squat, le quotidien incertain des jeunes migrants à Lyon
Cette nuit, il a fait 5 degrés à Lyon. Et depuis la fin de l’été, une trentaine de jeunes migrants campent dans le jardin de la Montée de la Grande-Côte, à la Croix-Rousse (Lyon 1er). Plus haut dans le quartier, le Chemineur, un bâtiment vide voué à être détruit pour construire des logements sociaux, en accueille depuis fin juin une quarantaine. Ceux-là ont eu la chance d’être les premiers à y mettre les pieds. Les derniers arrivés, eux, doivent se contenter d’une tente et d’un duvet que leur remettent, la mort dans l’âme, les Lyonnais.es qui s’occupent bénévolement de ces jeunes depuis le début.
L’immense majorité de ces adolescents disent être mineurs et avoir entre 14 et 17 ans. Au terme de l’évaluation de leur âge qu’a fait l’association Forum Réfugiés, la Métropole de Lyon a pourtant conclu à leur majorité, et n’a donc aucune obligation légale de prendre en charge ces jeunes. Pour les services de l’État, ils ne sont pas majeurs non plus.
Pris dans cet interminable match de ping-pong, la plupart des jeunes migrants ont déjà fait un recours auprès du juge des enfants, ou sont en train de faire les démarches. Dans la majorité des cas, le juge reconnaîtra leur minorité d’ici quelques mois.
Contactée par Rue89Lyon, la Métropole de Lyon assure travailler à de nouvelles solutions pour ces jeunes bloqués dans un flou juridique, ni majeurs ni mineurs et donc qui ne dépendent ni des services de l’Etat ni de ceux de la protection de l’enfance :
« Nous avons déjà inventé des choses avec la création de La Station, qui peut accueillir 52 jeunes. Nous travaillons actuellement avec la préfecture pour ouvrir un nouveau site. Nous attendons une réponse de l’Etat. Nous ne nous renvoyons pas la balle, nous travaillons ensemble. »
En attendant, ces jeunes doivent se contenter d’un bout de trottoir ou d’un squat ouvert par des habitant.es solidaires.
C’est ce qu’il s’est passé à la fin du mois de juin, quand des Lyonnais.es ont décidé d’investir le Chemineur. L’idée était de loger plusieurs dizaines de jeunes migrants qui campaient depuis début mai dans un jardin public du 4e arrondissement de Lyon, sur le plateau de la Croix-Rousse. Les autres ont pu être accueillis dans un autre bâtiment, mis à disposition par la Ville de Lyon qui a quelque peu outrepassé ses compétences pour l’occasion.
« Une situation qui n’a plus rien d’exceptionnel » dans la métropole de Lyon
Cinq mois plus tard, retour à la case départ, avec en prime des températures de plus en plus basses la nuit. Des habitant·es des Pentes de la Croix-Rousse ont décidé d’ouvrir un nouveau squat pour donner aux jeunes migrants de la Montée de la Grande-Côte un abri un peu plus solide qu’une toile de tente. Ce nouveau bâtiment se situe place Chardonnet ; il est la propriété des Hospices civils de Lyon (HCL). Il a été investi dès ce lundi 15 novembre pour héberger les personnes à la rue. Ils et elles écrivent :
« Nous, habitants du quartier, sommes révoltés par cette situation qui n’a malheureusement plus rien d’exceptionnel. Le squat n’est pas une solution pour des mineurs isolés mais face à l’inaction des pouvoirs publics, c’est la moins mauvaise que nous ayons trouvée. »
Pour le moment, seuls quelques jeunes sont hébergés dans le bâtiment, sous la surveillance des habitant.es mobilisé.es. Le bâtiment pourrait accueillir jusqu’à 27 jeunes. Une capacité non négligeable, mais qui ne suffira pas à héberger cet hiver tous les jeunes qui campent sous des tentes Montée de la Grande Côte.
Ce samedi 20 novembre, les nouveaux occupants du bâtiment et leurs soutiens ont déployé sur la façade de l’immeuble une banderole colorée pour alerter sur le sort des jeunes migrants qui arrivent à Lyon. Devant, une dizaine d’entre eux ont pris la pose, emmitouflés dans des couvertures de survie.
Ce samedi 20 novembre marquait aussi le 32e anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant. A cette occasion, le collectif Jamais sans toit organisait l’après-midi même une manifestation pour alerter sur la situation de familles à la rue, dont certaines sont actuellement hébergées dans l’école de leurs enfants. D’après les chiffres du collectif, 130 enfants étaient concernés à la date du 22 novembre.
Une situation, là aussi, qui n’a plus rien d’exceptionnel à l’approche de l’hiver dans la métropole de Lyon.
Les jeunes migrants du Chemineur, eux, ont obtenu un léger répit. Le tribunal a décidé de leur accorder un an avant la destruction du bâtiment. A ce moment-là, on ne sait pas encore ce qu’il adviendra de ces adolescents, ni des nombreux autres jeunes migrants qui auront eux aussi rejoint Lyon entre temps.
Chargement des commentaires…