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A Lyon Vaise, « éviter le collège public pourrit la mixité sociale »

Habitante de Vaise (Lyon 9e) depuis 20 ans, Rachel Linossier a inscrit son fils dans le collège public du quartier malgré sa mauvaise réputation. Elle dénonce les stratégies des parents qui cherchent à l’éviter à tout prix. Nous publions son témoignage.

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La mairie du 9e arrondissement

« Je suis une parent d’élèves de Vaise, par ailleurs enseignante-chercheuse à l’Université Lyon 2. Ça fait 20 ans que j’habite à Vaise. J’ai grandi à Saint-Rambert, un autre quartier du 9e arrondissement de Lyon et le père de mes enfants est de Rochecardon, encore un autre quartier du 9e. Parce que nous assumons pleinement notre choix de vivre à Vaise, nous avons inscrit notre fils au collège Jean de Verrazane, place Ferber. Notre fille suivra très probablement le même chemin dans deux ans, à sa sortie de l’école élémentaire.

La mairie du 9e arrondissement
La mairie de Vaise (Lyon 9e), se situe à deux pas du collège public Jean de Verrazane. Photo par Alorange / Public domain via Wikicommons

« Ce qui m’exaspère, c’est tous ces gens qui s’installent à Vaise mais qui n’assument pas le quartier »

Il y a une sorte de légende urbaine sur les établissements scolaires à fuir.

Mon compagnon a fait sa scolarité au collège Jean de Verrazane, à l’époque collège Ferber puisqu’il est situé place Ferber, il y a 30 ans. Ce collège a depuis longtemps une réputation de collège mal fréquenté, peut-être parce que les jeunes squattent sur la place Ferber à la sortie du collège.

Il y a 20 ou 30 ans, Vaise était un vieux quartier industriel considéré comme mal famé en raison de sa population ouvrière et largement immigrée. Aujourd’hui, comme quasiment l’ensemble du 9e arrondissement de Lyon, Vaise affiche un profil de catégories socio-professionnelles (CSP) dominé par les cadres et professions intermédiaires, ainsi que les retraités, typique des secteurs urbains gentrifiés.

En clair, si tous ces ménages des classes moyennes et supérieures de Lyon Vaise faisaient le choix, comme leurs voisins moins aisés, de scolariser leurs enfants dans le collège et le lycée public de secteur, ceux-ci reflèteraient cette réalité socioéconomique mixte et il n’y aurait plus de débat concernant le caractère plus ou moins mal famé de tel ou tel établissement…

Ce qui m’exaspère, c’est toutes ces classes moyennes et supérieures qui viennent s’installer à Vaise mais n’assument pas le quartier dans lequel elles ont choisi de vivre. Elles profitent des avantages économiques et immobiliers mais ne jouent pas le jeu jusqu’au bout en quelque sorte.

(pour compléter le propos de Rachel Linossier, voir différentes cartes des indicateurs socio-économiques du quartier de Vaise et du secteur d’affectation du collège Jean de Verrazane :

« Il faut arrêter de faire son marché, l’Éducation n’en est pas un ! »

Les stratégies d’évitement de certains parents de la classe moyenne pourrissent la mixité sociale.

J’ai discuté avec des parents qui ne veulent pas « gâcher leur enfant » et qui l’inscrivent dans le privé ou qui demandent des dérogations pour éviter le collège public de secteur, Jean de Verrazane.

Après, les gens viennent couiner que l’Éducation nationale n’est pas assez bien dotée en moyens. Se tourner vers le privé, c’est se tromper de colère, car c’est aussi envoyer un signal politique pour que toujours moins d’argent soit investi dans le public par nos gouvernants.

Pour moi, il faut arrêter de faire son marché, car l’Éducation n’en est pas un !

Et quid du bien-être de l’enfant ? Je connais des gamins à qui on a forcé telle ou telle option (musique notamment), qu’on envoie loin chaque matin et qui n’ont donc pas de vie sociale dans le quartier… Chez ces enfants, ça peut aussi créer une forme de mal-être car ils se rendent compte de ces stratégies. Des copains de mon fils sont partis chez les Maristes dès le CE2 pour être sûrs d’avoir une place au collège. Ce qui a suscité des débats incongrus entre des gamins de huit ans confrontés à des choix qui les dépassent et qui perturbent des amitiés nouées parfois depuis la maternelle !

Inscrire ses enfants dans le privé, c’est aussi prendre le risque de les enfermer dans un entre-soi social qui est néfaste. Les dommages, on peut les observer pour partie actuellement dans certaines thématiques abordées dans les débats liés à l’élection présidentielle. La question, c’est plus largement de savoir si on est prêts à faire société tous ensemble ou pas.

Peu importe où est scolarisé l’enfant, si vous n’êtes pas derrière en tant que parent. Ce n’est pas parce que vous le mettrez dans le privé qu’il bossera forcément mieux. Il faut se faire confiance en tant que parent.

« Au collège public Jean de Verrazane à Vaise, ça se passe bien »

C’est triste que les gens ne cherchent pas à se faire une idée par eux-mêmes. Une fois entrés au collège Jean de Verrazane, je ne connais pas ou peu d’élèves qui en soient partis, parce que ça se passe globalement bien, comme dans la plupart des établissements ! En revanche, je connais plusieurs enfants qui sont retournés dans le public après avoir été inscrits dans le privé.

Mon fils a fini sa 3e l’année dernière au collège Jean de Verrazane. Ça s’est très bien passé pour lui, l’équipe éducative est super et il y a à peine 400 élèves : chaque enseignant connaît pratiquement tous les élèves…

Dans ces collèges publics que certains parents cherchent à éviter, il existe aussi des projets intéressants, qui ne sont pas connus.

Au collège Jean de Verrazane, par exemple, il y a un projet musique depuis des années, avec un professeur exceptionnel. Mon fils y a appris à jouer de la batterie gratuitement pendant quatre ans ! Pourtant, ils n’ont jamais obtenu le CHAM (classes à horaires aménagées musicales, ndlr), au motif que cette option existait déjà dans le 5e arrondissement de Lyon d’après le rectorat.

Il y avait aussi une forte demande des parents d’élèves et des professeurs pour une classe bilingue espagnol. Le rectorat a refusé, en disant que ça existait déjà au collège voisin Jean Perrin.

Enfin, ils viennent d’obtenir l’ouverture d’une option football pour les filles, résultat d’une mobilisation acharnée et conjointe des enseignants porteurs du projet, de l’équipe de direction et des parents d’élèves auprès du rectorat.

« Les élus de la Métropole de Lyon auront-ils le courage de retracer les périmètres de la carte scolaire des collèges ? »

Dans la métropole de Lyon, il manque des collèges. Ce sont des choix politiques.

Quant à la carte scolaire, les élus font aussi ce qu’attendent leurs concitoyens. À Écully par exemple, il y a un niveau moyen des ménages qui est très haut alors que dans le quartier de la Duchère, voisin, c’est l’inverse. Or, les enfants d’Écully et de la Duchère ne sont pas affectés dans les mêmes collèges, ce qui est sans doute le reflet des intérêts portés par les élus écullois lors du traçage de la carte scolaire. Les élus de la Métropole de Lyon auront-ils le courage de retracer les périmètres de la carte scolaire des collèges ?

Peut-être que ça va bouger, maintenant que la Métropole de Lyon a été élue au suffrage universel. J’ai constaté que les nouvelles équipes de la Ville et de la Métropole de Lyon étaient présentes aux conseils d’administration du collège de mon fils. Je les sens plus concernées par le sujet que leurs prédécesseurs, ce qui est plutôt de bonne augure. »


#Collège

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