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Téléphérique à Lyon : vue plongeante sur la controverse

À la veille de la concertation, Rue89Lyon récapitule la genèse du téléphérique de Lyon, et dissèque les crispations autour du projet.

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Un message anti-telepherique

Cela fait presque un an que la controverse autour du projet de téléphérique à Lyon occupe régulièrement les unes lyonnaises, au point parfois d’accaparer l’espace médiatique. Pour faire le tri et comprendre toute l’histoire depuis le début, Rue89Lyon se propose de récapituler chronologiquement cette ambition téléphérique dans la métropole de Lyon :

Sommaire :

1) Téléphérique dans la métropole de Lyon : une première proposition en 2007

La première proposition sérieuse de téléphérique urbain dans la métropole de Lyon date de 2007. C’est Roger Frety, alors conseiller municipal écologiste de Givors, qui soumet l’idée au Sytral (Syndicat mixte des transports lyonnais).

L’objectif est de relier la gare de Givors-ville au plateau de Montrond pour désengorger les petites routes et surtout, de rendre caduc le projet d’autoroute A45 qui prévoyait de doubler les voies de l’A47 qui relie Lyon à Saint-Étienne.

À l’époque, l’élu est soutenu par la Région mais un peu moins par les habitants et habitantes se trouvant sur le passage de l’hypothétique téléphérique. Le projet est de toute façon stoppé net par la loi de 1941 interdisant le survol des habitations par de petites cabines.

En 2014, un transport par câble s’est invité à la campagne pour les élections municipales à Lyon. Éric Lafond, candidat centriste, aux couleurs du Modem en 2008 et cette fois sans étiquette, propose un projet d’aérotram à Lyon. Il envisage de relier la Tête d’Or à Perrache, en passant par les collines de Fourvière et la Croix-Rousse et dont l’élu évalue le coût à 65 millions d’euros.

Une ordonnance de novembre 2015 autorise finalement le survol, le passage et l’implantation de dispositifs indispensables à la sécurité et au fonctionnement de la ville. Roger Frety tente alors de remettre son projet au goût du jour sans grand succès.

À partir de 2015, dans la foulée de cette ordonnance, les projets de téléphériques urbains fleurissent pourtant partout en France. Certains sont aujourd’hui en voie de finalisation :

Téléphérique urbain Toulouse
Pylône du téléphérique de Toulouse après le départ de l’université Paul Sabatier et lui permettant de survoler le lycée Bellevue. Photo BE/Rue89Lyon

2) La droite intéressée par le téléphérique sous Collomb mais opposée à celui des écologistes

L’engouement pour le transport urbain par câble est donc national. Lyon n’est d’ailleurs pas en reste. En 2019, c’est sous la supervision de Fouziya Bouzerda (MoDem), ancienne présidente du Sytral et adjointe de Gérard Collomb à la Ville de Lyon comme à la Métropole de Lyon, qu’est lancée une première étude d’impact de transport par câble à Lyon.

Dix tracés sont alors étudiés et trois trajets sont retenus :

  • celui de l’ouest lyonnais reliant Francheville au sud de Lyon en passant par Sainte-Foy-lès-Lyon,
  • un trajet Rillieux-la-Pape – Grand Large (Décines),
  • un autre reliant Caluire-et-Cuire à Vaise (Lyon 9e).

Plusieurs élus se disent à l’époque très intéressés par ces transports. Notamment Véronique Sarselli, maire LR de Sainte-Foy-lès-Lyon qui envoie une lettre au Sytral pour faire valoir l’intérêt que représente ce type de projet pour désenclaver l’ouest lyonnais.

Le 18 décembre 2019, le bureau d’étude Egis présente une première étude de pré-faisabilité d’un téléphérique reliant Francheville à Lyon avec diverses hypothèses de trajet. Le comité de pilotage de l’ouest lyonnais est alors composé de Michel Rantonnet, maire LR de Francheville, Véronique Déchamps, maire LR de la Mulatière, une adjointe représentant la maire LR de Sainte-Foy-lès-Lyon ainsi que Myriam Picot, maire PS du 7e arrondissement de Lyon. Le groupe de maires demande alors que les études, encore trop floues, soient poursuivies. (Les études sont à disposition sur le site de la municipalité de Sainte-Foy-lès-Lyon)

Peu après débute la campagne électorale des élections métropolitaines prévues en mars 2020. Dans leurs programmes en matière de transports, plusieurs listes candidates ont inscrit l’opportunité d’un transport par câble. Notamment la liste de droite. François-Noël Buffet, tête de liste LR et ancien maire d’Oullins déclare alors que :

« Le transport par téléphérique est à expérimenter comme à Bordeaux, Toulouse, Brest et Barcelone. »

Le téléphérique des Capucins, à Brest ©Jérémy Kergoulay
Le téléphérique des Capucins, à BrestPhoto : Jérémy Kergoulay

Renaud Payre, du groupe « La gauche unie » (PS, PCF et alliés) est plus prudent en proposant d’étudier les opportunités de liaisons par téléphérique (Lyon 5e, Plateau nord, Caluire). De même pour la liste EELV menée par Bruno Bernard, pas encore président de la Métropole de Lyon :

« [Je propose] d’étudier, avec les habitant·e·s de la métropole différents scénarios de télécabines. »

Une fois la majorité métropolitaine écologiste installée, avec à sa tête Bruno Bernard, le projet de téléphérique réapparaît régulièrement dans les médias lyonnais. Ce n’est véritablement qu’en décembre 2020 que sonne le coup d’envoi des hostilités. Des hostilités menées notamment par des élus de droite de la métropole, pas si hostiles que ça à ce mode de transport peu de temps auparavant.

3) Le téléphérique à Lyon version écologiste

Le 17 décembre 2020, le Sytral présente sa feuille de route pour les cinq années à venir. Bruno Bernard, le président du Sytral et de la Métropole de Lyon, y annonce le projet d’un téléphérique dans l’ouest lyonnais pour 2025. Il présente notamment l’opportunité d’un tel transport en s’appuyant sur une nouvelle étude de faisabilité.

On sait finalement peu de choses sur le projet de transport par câble. Les quelques points dévoilés sont les suivants :

  • le téléphérique doit suspendu à un câble tenu par 42 pylônes de 50 mètres de haut et permettrait théoriquement de raccourcir le temps de trajet entre Francheville et Gerland de 50 minutes en voiture en période de pointe à 20 minutes en télécabine,
  • Le téléphérique est censé marquer sept ou huit arrêts.

Mais aucun trajet n’est encore fixé. Si la gare de Francheville est pour sûr le terminus de la ligne, à Lyon on hésite à faire passer ou terminer la ligne de téléphérique par la Confluence (Lyon 2e).

Une bruyante levée de boucliers, très politique, accueille alors l’annonce. L’opposition s’organise très rapidement derrière la maire LR de Sainte-Foy-lès-Lyon, Véronique Sarselli. Un collectif d’habitants de Sainte-Foy-lès-Lyon nommé « Touche pas à mon ciel » et mené par Alain Bavozet, ancien adjoint de Véronique Sarselli, voit aussi le jour. Ceux-ci militent très activement contre le téléphérique.

Quelques jours après l’annonce, une pétition circule déjà. Tous les maires de droite de l’ouest lyonnais, sauf Michel Rantonnet, maire de Francheville, s’opposent au projet. La maire de Sainte-Foy-lès-Lyon justifie sa volte face par les différences entre les études menées sous Fouziya Bouzerda de celles sous Bruno Bernard.

Capture d'écran du reportage de BFMTV Lyon dans l'émission "Bonjour Lyon", consacré à la pétition contre le téléphérique entre Francheville et Lyon.
Capture d’écran du reportage de BFMTV Lyon dans l’émission « Bonjour Lyon », consacré à la pétition contre le téléphérique entre Francheville et Lyon.

4) L’opposition au téléphérique structure son argumentaire

Difficultés du passage du téléphérique à Confluence. Image extraite du dossier de "pré-faisabilité du téléphérique" daté de novembre 2020 du Sytral, réalisé par le bureau Egis. Dossier complet disponible ici. ndlr : le 3S est le téléphérique dit "tricâble" qui résiste à des vents de plus de 110 km/h.
Difficultés du passage du téléphérique à Confluence. Image extraite du dossier de « pré-faisabilité du téléphérique » daté de novembre 2020 du Sytral, réalisé par le bureau Egis. ndlr : le 3S est le téléphérique dit « tricâble » qui résiste à des vents de plus de 110 km/h.

Les premières études rendues par le bureau Egis faisaient état de nombreuses difficultés de mise en œuvre du projet. Le bureau d’études estimait que le transport par câble bénéficierait d’une fréquentation plutôt faible pour un investissement élevé.

Dans sa première étude en 2019, il tablait sur 210 millions d’euros d’investissement. Un an après, il estimait finalement le coût du projet à 160 millions. De même, il estimait la fréquentation à 4000 voyageurs par jour dans ses premières études, puis a finalement avancé le chiffre de 25 000 dans sa nouvelle étude rendue au Sytral en 2020.

(Des différences de chiffrage et d’estimations que nous avons détaillées dans un précédent article)

Le Sytral se défend alors en arguant que les premières études ont été effectuées « à charge », et que -par exemple- pour les différences de fréquentation, les premières études n’avaient pas pris en compte le « potentiel de rabattement ». Le Sytral et la majorité écologsites métropolitaine insistent sur la concertation à venir et sur le fait qu’ils ne souhaitent pas imposer le transport par câble si une majorité d’habitants s’y oppose.

Mais rien n’y fait, les « anti-téléphérique » ont peur d’un passage en force et mettent en avant de nombreux contre arguments :

  • Le souci de la co-visibilité, c’est-à-dire du survol des résidences
  • Le risque de pollution sonore
  • Le survol de bâtiments historiques et classés
  • Le survol de la « ceinture verte » et le problème de l’insertion paysagère
  • Les difficultés de faire passer un téléphérique dans une ville aussi urbanisée que Lyon
  • Le coût de l’infrastructure
  • L’incertitude quant à la fréquentation
  • La possibilité d’expropriation pour installer les pylônes
  • Le faible impact sur les problématiques des transports de l’ouest lyonnais
  • La peur que le projet ne remplace celui d’une ligne de métro

5) À l’été 2021, de nouvelles propositions de tracés présentées pour le téléphérique de Lyon

Carte des fuseaux de téléphérique à l'étude par le Sytral.
Carte des fuseaux du téléphérique de Lyon à l’étude par le Sytral.

Le 22 mars 2021, le Sytral vote le lancement d’une concertation préalable au projet sous l’égide de la Commission Nationale du Débat Public.

La Métropole écologiste souhaite, en faisant intervenir la CNDP, montrer sa volonté de mettre en place un débat pacifié. Elle fait savoir qu’elle ne souhaite pas seulement interroger les habitants sur la question des tracés envisagés mais aussi questionner l’acceptabilité du projet de téléphérique.

Le 2 juin 2021, le Sytral surprend en proposant trois nouveaux tracés pour le téléphérique urbain. Les trois trajets proposés relient toujours Lyon à Francheville.

  • Gare de Francheville – métro Jean-Jaurès (Lyon 7e) ou Perrache (Lyon 2e) : cet itinéraire passerait par Gravière/Taffignon et le haut de la commune de Sainte-Foy-lès-Lyon. Cet itinéraire, jamais abordé jusqu’ici a fait entrer la gare Perrache dans l’équation. Ce qui est étonnant. Le téléphérique remonterait alors bien plus haut dans la ville de Lyon que tout ce qui avait été prévu auparavant.
  • Gare de Francheville – métro Gerland (Lyon 7e) : cet itinéraire passerait par Gravière/Taffignon, le centre de Sainte-Foy-lès-Lyon et la Mulatière. Il s’agit de l’itinéraire le plus proche de l’hypothèse initialement choisie par le Sytral.
  • Gare de Francheville – métro Gerland (Lyon 7e) : ce dernier itinéraire relierait la Gare de Francheville à l’arrêt Gerland (Lyon 7e) en passant aussi par la Mulatière, mais cette fois-ci en empruntant une route longeant par le sud la ville de Sainte-Foy-lès-Lyon.

L’arrêt Confluence, qui était beaucoup discuté en fin d’année 2020, semble avoir été abandonné. Quelques hauts bâtiments du quartier posaient des problèmes techniques, d’évitement ou de survol, comme celui de la chaîne télé Euronews. De plus, il n’y a pas d’arrêt de métro au sud de la presqu’île.

6) Les élus en faveur du téléphérique à Lyon presque inaudibles ?

À Francheville, le maire LR se dit en faveur du transport par câble. Il met en avant la nécessité de désenclaver sa ville et insiste sur le fait que le téléphérique est adapté au relief de l’ouest lyonnais. En février 2021, une partie de ses élus d’opposition se montrent eux, beaucoup plus sceptiques.

Assez paradoxalement, il s’agit notamment d’élus écologistes qui regrettent alors un manque de pédagogie de la Métropole de Lyon et une concertation à venir aux critères mal définis et éloignée de la période d’annonce.

Depuis, ces élus sont rentrés dans le rang. Ils disent finalement trouver beaucoup d’intérêt au projet et dénoncent son « kidnapping » par des élus qui souhaitent s’en servir à des fins politiques. Ils publient peut de temps après un communiqué à ce sujet.

Selon Cyril Kretzschmar, conseiller EELV de Francheville :

« L’opposition passe son temps à dire que c’est soit le téléphérique soit le métro, alors que ça a déjà été dit que les deux projets ne sont pas opposés. J’ajoute que faire un métro dans l’ouest lyonnais ça va faire des montées et descentes terribles, deux fois plus longues que dans la station du Vieux Lyon.»

L’élu écologiste en profite pour tacler la Région présidée par Laurent Wauquiez (LR), qui aurait la possibilité de désenclaver l’ouest lyonnais en agrandissant le tunnel des Deux-Amants pour que le tram-train puisse passer plus régulièrement :

« Étrangement, le métro E est la marotte de l’opposition qui est majoritairement LR. Pourquoi ? Parce que le train c’est la compétence de la région et donc de Laurent Wauquiez.»

Finalement, un collectif en faveur du projet est lancé en septembre 2021, il se nomme « Collectif des futurs usagers du transport par câble aérien». Porté par de nombreux élus ou ex élus écologistes, tels que Monique Cosson (ancienne présidente du groupe EELV à la Région), le groupe compte aussi des personnes de la société civile.

7) Sainte-Foy-lès-Lyon et Lyon 2e s’opposent au téléphérique en y mettant parfois le prix

Un message anti-telepherique
Les anti-téléphériques ont concentré leurs banderoles non loin du parking d’Espace Montagne.Photo : PL/Rue89Lyon.

Depuis la première annonce du Sytral, la mairie de Sainte-Foy-lès-Lyon multiplie les opérations pour décrédibiliser le projet des écologistes. La mairie a organisé ainsi un jeu-concours « votre regard sur le téléphérique ». Les habitants qui ont le mieux décoré leur maison, voiture ou tracteur contre le téléphérique ont alors la chance de pouvoir gagner un week-end au ski ou dans d’autres villes équipées de téléphériques urbains.

D’autres riverains du projet sur la commune créent la « Zad du Vallon ». Ils organisent des pique-niques contre l’installation du téléphérique, qui pourrait altérer le caractère paisible de leur zone résidentielle.

La maire de Sainte-Foy-lès-Lyon a commandé également un sondage à l’Ifop. Pour la modique somme de 15 000 euros. L’étude a été menée du 30 août au 3 septembre 2021 par téléphone auprès de 502 habitants de Sainte-Foy-lès-Lyon âgés de 18 ans et plus. Selon l’enquête, 77 % des habitants seraient opposés au projet.

Le maire LR du 2e arrondissement de Lyon, Pierre Oliver, lance de son côté sa « contre-concertation». Il déclare avoir distribué 10 000 questionnaires auprès d’habitants concernés par l’implantation de potentiels pylônes. Il a présenté ses résultats le 8 novembre, soit une semaine avant la communication du Sytral annonçant le début de la concertation. Selon le maire du 2e arrondissement de Lyon, 1 647 habitants ont fait la démarche de ramener leur enquête à la mairie. Le résultat est là aussi, sans appel : 79,5 % des questionnaires ramenés sont défavorables au projet.

De leur côté, les écologistes parlent de questionnaire « malhonnête » à leurs yeux. Ils pointent l’intitulé de certaines questions trop orientées ou vagues et un manque de sources concernant certains arguments avancés.

8) L’impopularité du projet éclabousse les écologistes dans les urnes ?

Le 27 juin, au deuxième tour des régionales, la proposition unie des écologistes, du PS et de LFI n’a pas rencontré un franc succès dans le 5e arrondissement de Lyon. Pour le maire de Lyon écologiste Grégory Doucet, les scores observés dans le secteur par la liste d’union de la gauche peuvent s’expliquer par le rejet de projet de téléphérique qui concerne notamment cet arrondissement :

« Une première analyse, qui doit être affinée, serait peut-être de lier ces résultats du 5e arrondissement au projet de télécabines. »

9) L’État au secours du téléphérique de Lyon

En septembre 2021, l’État valide une aide de 7 millions d’euros, accordée à la Métropole de Lyon, pour la construction du téléphérique entre Francheville et Lyon. C’est dans le cadre de France Relance que l’État a choisi de soutenir sept projets sur les huit proposés par la Métropole de Lyon et le Sytral. En tout, c’est un soutien a hauteur de de 81,5 millions d’euros qui pourrait être versé, sous réserve de faisabilité des projets.

Cette annonce suscite alors une nouvelle vague d’indignation de l’opposition au projet. L’annonce de ces aides au projet « prouverait » selon elle le caractère cosmétique de la concertation d’un projet en réalité déjà ficelé.

10) Novembre 2021, une concertation particulièrement attendue

Une première enquête d’opinion est lancée par le Sytral le 3 septembre 2021. La concertation à proprement parler doit commencer le 15 novembre. Difficile d’imaginer pour l’heure l’ampleur de la participation, les modalités de cette concertation ne sont pas encore connues. Elles devraient l’être au moment de son lancement officiel.


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