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À l’ancien hôpital Charial de Francheville transformé en centre d’hébergement : « On prône la mixité »

L’ancien hôpital Antoine Charial de Francheville a été réhabilité en site d’hébergement d’urgence. L’avènement d’un projet controversé.

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Une résidente participe à l'atelier "mains" à l'ancien hôpital Charial de Francheville. ©LS/Rue89Lyon

« Site de l’Hôpital Charial : un projet de territoire balayé par l’Etat ». Ainsi s’intitulait un communiqué datant du 6 novembre 2020 de la municipalité de Francheville au sujet de la décision de la préfecture du Rhône de signer une convention temporaire de trois ans avec les Hospices civils de Lyon (HCL) pour occuper les locaux vidés afin d’y installer un centre d’hébergement.

À l’époque, Les maires de Francheville, Craponne et Tassin-la-demi-Lune faisait valoir un autre projet, celui d’y édifier un parc de sport et de santé.

L’activité hospitalière s’est arrêté début 2021, et les travaux de réhabilitation du lieu en centre d’hébergement d’urgence se sont achevés en juin 2021. La gestion du site a été confiée pour trois ans par la préfecture au Foyer Notre-Dame des Sans-Abri (FNDSA) et à la Fondation de l’Armée du Salut, avec le soutien de la Métropole. Les deux associations se sont partagées équitablement les locaux de l’ancien hôpital.

L'ancien hôpital Charial de Francheville, désormais centre d'hébergement d'urgence pour 3 ans. ©LS/Rue89Lyon
L’ancien hôpital Charial de Francheville, désormais centre d’hébergement d’urgence pour trois ans.Photo : LS/Rue89Lyon

A Charial, la plupart des résidents viennent d’anciens centres d’hébergement

Les lieux sont très calmes, l’ancien hôpital étant entouré d’un grand parc. Les bâtiments gris impressionnent par leur taille. Charlotte Druet est responsable de service pour le Foyer Notre-Dame des Sans Abri :

« On a quand même 22 000 m² et 8 hectares de terrain. On est loin du vacarme de la grande ville, je crois que c’est apaisant pour les personnes hébergées. Nous, ça nous donne aussi la possibilité d’être créatifs et ouverts dans l’accompagnement. »

Les résidents restent généralement autour d’un an :

« Ça peut varier. Il y a des personnes qui restent un mois, d’autre quinze mois. Tout le monde n’a pas le même vécu ou le même besoin de temps pour rebondir. »

La plupart viennent des hébergements d’urgence de l’ancienne caserne Chabal de Saint-Priest et du collège Lassagne à Caluire-et-Cuire. Certaines personnes étaient également hébergées à l’hôtel depuis plusieurs années. Charlotte Druet ajoute :

« Dans les derniers reçus, certains viennent de la rue. »

C’est la Maison de la veille sociale (MVS) qui oriente les personnes vers les lieux d’hébergement d’urgence.

L’ancien hôpital Charial compte aujourd’hui 475 résidents. Parmi eux, 180 enfants dont 140 qui devaient être scolarisés en septembre. Ce qui en fait le plus gros centre d’hébergement d’urgence de la métropole. Charlotte Druet reprend :

« Maintenant tous les enfants qui devaient être scolarisés le sont. On a surtout eu des difficultés pour le secondaire, parce qu’il fallait pouvoir relier Francheville en transports. »

« On n’a pas placé les résidents par origine géographique »

Dans le centre d’hébergement, les familles ont été dispatchées selon leurs problématiques sociales et familiales. Il y a le service pour les femmes avec enfants de moins de 3 ans, le service familles, le service pour les personnes isolées… Charlotte Druet explique :

« On n’a pas voulu placer les personnes par origine géographique, et d’ailleurs elles ne nous l’ont pas demandé. On prône la mixité, c’est un préjugé de croire que les personnes s’entendent mieux entre elles. »

Généralement, dans les chambres d’hôpital réhabilitées en chambres d’hébergement, il y a deux personnes pour 14m² et trois pour 21m².  Dans cet ancien hôpital, il n’y avait pas de douches dans les chambres. On y a pratiqué jusqu’à la fermeture la toilette au gant et à la bassine. Les travaux de réhabilitation ont ainsi consisté à installer des douches et des cuisines collectives à chaque étage.

À chaque niveau, il y a des équipes de travailleurs sociaux qui aident les familles. Mylène Soutrenon est conseillère en économie sociale et familiale pour l’aile du foyer de Notre-Dame des Sans Abri. Elle travaille au service familles, et intervient auprès de 46 familles, qui comptent en tout 110 personnes :

« On est sept par étage, avec un chef de service en plus. On aide à accompagner la régularisation de certains. On fait aussi de l’aide aux devoirs et du soutien pour les enfants. On intervient là où on a besoin de nous. »

La plupart des personnes dont s’occupe Mylène Soutremon viennent de l’hébergement d’urgence du collège Lassagne, à Caluire-et-Cuire, où les résidents dormaient alors dans d’anciennes classes :

« C’était vraiment plus précaire là-bas qu’ici, les personnes n’avaient pas leur espace. Un bébé pleurait la nuit et tout le monde était réveillé. »

À l’ancien hôpital Charial : « On veut offrir un service tourné vers Francheville »

Morgan Rifflant est diététicienne de formation et travaille pour la Fondation de l’Armée du Salut. Elle gère la partie distribution alimentaire avec la Banque alimentaire. Elle donne aussi des ateliers de cuisine sur place :

« La plupart des personnes logées cuisinent très bien, et d’ailleurs sont très heureuses de pouvoir le faire à nouveau. Mais tout le monde ne sait pas préparer du chou fleur par exemple, on n’en trouve pas partout. »

Morgan Rifflant participe à l’édification d’une épicerie sociale et solidaire, en passe de voir le jour à l’ancien hôpital :

« On a la force de l’énorme capacité de stockage du lieu. On veut offrir un service tourné vers Francheville, en offrant du bio, du local, mais à prix réduit en mutualisant les commandes. »

Elle précise :

« Les résidents qui ont un reste à vivre suffisant bénéficieraient de prix encore plus réduits, et, à terme, on aimerait bien ouvrir ces prix aux précaires du territoire. »

Il est vrai qu’au sous-sol et au rez-de-chaussée de l’ancien hôpital, on trouve beaucoup d’espaces vides, ce qui peut surprendre. Charlotte Druet, responsable de service et coordinatrice du Foyer Notre-Dame-des-Sans-Abri, explique :

« On a lancé un appel à projets. Cet endroit ne doit pas appartenir qu’à nous mais aussi incarner un endroit de mixité sociale, tourné vers Francheville et les communautés environnantes. Un peu comme le projet Cinq Toits, à Paris. »

C’est d’ailleurs aussi en référence à un autre projet parisien que l’ancien hôpital Charial a choisi de s’appeler « Les Grandes Voisines ». En effet, de 2015 à 2020, c’est dans le 14è à Paris qu’une expérience similaire a eu lieu : sept centres d’hébergement mais aussi des ateliers, des bureaux et des associations se sont partagés les murs de l’ancien hôpital Saint-Vincent de Paul. Le projet, pionnier en la matière, s’appelait « Les Grands Voisins« .

Une résidente participe à l'atelier "mains" à l'ancien hôpital Charial de Francheville. ©LS/Rue89Lyon
Une jeune résidente participe à l’atelier « mains » à l’ancien hôpital Charial de Francheville.Photo : LS/Rue89Lyon

Retour à Francheville : 60% des espaces doivent être impérativement occupés par des personnes de la ville ou des communautés environnantes. Les locaux seraient loués à prix réduit à qui souhaite y établir son atelier, petit magasin… à une seule condition :

« Il faut que cette personne accepte de participer à la vie du lieu. Par exemple, on a un professeur de yoga qui souhaite donner des cours ici. Nous, on va lui demander que deux résidents puissent participer à chacun de ses cours par exemple. »

L’association Plateau Urbain appuie cet appel à projets.

« Il y a des enfants qui ont plein de choses à raconter »

Dans ces locaux, deux artistes de la Biennale Hors Norme se sont déjà installés. Leur espace aux couleurs chamarrées, situé sur une aile gauche de l’ancien hôpital a de quoi attirer l’œil. Gydalle et Loren y dessinent, comme tous les mercredis, une grande fresque avec les enfants résidents. Gydalle déclare avec bonhomie :

« Il y a une seule règle : on peut enrichir le travail de l’autre, mais on ne peut pas le détruire. »

Le thème de ce mercredi est celui de la main. Gydalle poursuit :

« La main c’est la solidarité, c’est aller vers l’autre. Y’en a même qui causent qu’avec les mains ! »

Gydalle et Loren de la Biennale Hors Norme ont un atelier à l'ancien hôpital Charial de Francheville. ©LS/Rue89Lyon
Gydalle et Loren de la Biennale Hors Norme ont un atelier à l’ancien hôpital Charial de Francheville.Photo : LS/Rue89Lyon

Généralement, les enfants restent entre cinq minutes et un heure, en fonction de leurs élans créatifs. Gydalle raconte :

« On dialogue avec les formes et les couleurs. Il y en a qui ont plein de choses à raconter, et certains ne l’ont jamais fait comme ça. »

Les deux artistes sont aussi allés à la rencontre des adultes, dans les étages :

« On a pensé ensemble l’appropriation des lieux, on a récupérer les anciens tableaux de transmission des hôpitaux et on en a fait des créations. »

Les deux artistes sont pressés de rencontrer les autres associations qui pensent à s’installer, comme par exemple Les collectes solidaires du 9ème. Une association de collectes de dons à destination des plus démunis qui s’est sporadiquement créée avec la crise Covid.

De leur côté, le personnel et les bénévoles du lieu ne manquent pas d’idée pour dynamiser les lieux : potager participatif, moutons en « copaturages », nouveaux jeux pour enfants, vide-grenier sur l’ancien terrain de foot…

Pour l’instant c’est timidement que les Franchevillois viennent aux activités proposées par le centre d’hébergement.


#Francheville

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Renaud Payre manifestant

Photo : PL/Rue89Lyon.

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