« Les trottinettes à Lyon, c’est pratique pour beaucoup de gens. Mais pour nous, aveugles, ça ne l’est pas du tout. C’est le moins que l’on puisse dire. Ça nous a plutôt compliqué la vie.
Je vis à Gerland où il n’y a pas de stationnement obligatoire pour les trottinettes (lire encadré). Ça peut être dangereux. Avec notre canne blanche, nous balayons le sol. On est censé taper l’objet ou l’obstacle avant de mettre le pied. Le problème, quand on avance d’un bon pas, comme moi, est que, parfois, entre la canne et le pied, vient se loger un objet. C’est ce qui m’est arrivé.
« La trottinette a basculé et le guidon n’a pas été loin de m’empaler »
Comme souvent, la trottinette était garée en biais sur le trottoir. Je n’ai pas dû balayer aussi loin que d’habitude et ma canne a dû passer juste à côté. J’ai marché sur la base de la trottinette. Elle a basculé et le guidon n’a pas été loin de m’empaler ! J’ai pu me rattraper in extremis.
Les trottinettes m’ont compliqué la vie. Ça m’a fait être plus prudent. Je suis aussi devenu moins respectueux du matériel. Il m’est arrivé d’en faire tomber. Dans ma lancée, j’en ai fait chavirer avec mes épaules.
Ce dispositif de déplacement n’a évidemment pas été réfléchi pour les personnes à mobilité réduite.
Il y avait déjà les poubelles, les panneaux de signalisation, les voitures garées sur les trottoirs et les travaux. Les trottinettes se rajoutent à mon parcours quand je sors de chez moi.
Les trottinettes sont tout simplement des obstacles de plus pour les non-voyants. Elles sont aussi plus nombreuses, plus imprévisibles et plus souvent garées sur les trottoirs. On ne peut jamais prévoir si elles sont là.
Mais je refuse de changer mes habitudes. Je veux continuer à me déplacer tout seul.
Je pourrais être un aveugle riche et puissant et ne jamais sortir de chez moi. Ce n’est pas mon cas.
« Les personnes en fauteuil roulant ne peuvent pas toujours enlever les trottinettes »
Je suis un jeune papa, actuellement en congé parental. Quand je travaille comme kiné, je m’occupe de jeunes paralysés. Avec ces trottinettes garées en diagonale qui prennent la largeur du trottoir, les personnes en fauteuil sont en galère.
Les valides peuvent se déplacer tranquillement. Moi, j’ai mes deux pieds. Je peux donc encore m’en sortir. Les personnes qui se déplacent en fauteuil roulant, et qui n’ont parfois pas l’usage de leurs bras, ne peuvent ni enlever, ni contourner les trottinettes.
Je pense également aux poussettes.
« Ces trottinettes sont des arbres rajoutés à la jungle urbaine »
Si j’y voyais, je serais le premier à utiliser des trottinettes. En attendant que les opérateurs et la Ville de Lyon développent de partout le stationnement obligatoire dans des zones réservées, je voudrais lancer un appel aux utilisateurs : posez les trottinettes le long d’un mur et pas en biais. Pour qu’on évite au moins de faire du gymkhana !
Heureusement qu’il y a quand même moins d’opérateurs. Du temps où il y avait cinq opérateurs, on faisait des strikes ! Heureusement je n’ai jamais encore fait de grosse chute.
Avec ces trottinettes, ce sont des arbres qui ont été rajoutés à la jungle urbaine.
Si au moins les gens avaient un brin de pensée pour celles et ceux qui ont des difficultés à se déplacer dans la rue, ce serait une belle victoire pour nous. »
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