« Je m’appelle Mehdi* (le prénom a été modifié), j’ai 19 ans. Je suis titulaire d’un baccalauréat général ES et actuellement en deuxième année de BTS Négociation et digitalisation de la relation clients (NDRC) en école de commerce à Lyon.
Je suis ma formation en alternance car depuis le lycée, je n’aime pas dépendre financièrement de mes parents. Au lycée, j’étais gêné de leur demander de l’argent pour sortir manger ou autre. J’ai choisi un contrat professionnel pour également me changer un peu du 100% scolaire et rentrer dans le monde du travail tout en étudiant.
Pour gagner leur vie, certains de mes camarades de Vénissieux n’ont malheureusement pas choisi la meilleure des voies après le collège : drogue, activités illicites, prison.
De l’école jusqu’à la fin du collège, on a évolué dans les mêmes classes à Vénissieux. Ils étaient assez dissipés à l’école, avaient des difficultés, faisaient des bêtises et subissaient de mauvaises influences. Moi aussi j’en avais des difficultés mais ça ne justifie pas le chemin de vie qu’ils ont choisi.
« Tout s’est joué à la fin du collège à Vénissieux »
De mon collège de Vénissieux, on est peu à avoir choisi le chemin des études et du travail. Tout s’est joué à la fin du collège. A 16 ans, à l’entrée du lycée, on peut arrêter l’école et c’est cette période qui a énormément joué je pense. Le début d’une descente en enfer.
Ce sont les mauvaises fréquentations depuis le collège, désobéir à ses parents… Dès leurs premières clopes, je leur disais d’arrêter, que ça allait avoir un effet domino, que ça commençait avec la cigarette puis que ça allait aller plus loin après.
Du jour au lendemain, j’ai vu certains de mes amis avec un joint dans la bouche.
Je leur dis toujours d’arrêter même si j’ai l’impression de parler à des murs.
« C’est un piège, de l’argent maudit »
Eux, ils me souhaitent de réussir. Ils m’encouragent, ils me disent que j’ai raison de prendre cette voie. Quand je leur parle de mes projets professionnels, ils me disent tous la même chose : que ce sera long et qu’eux n’auraient jamais tenu.
Il y a beaucoup de regrets de leur côté. J’ai discuté avec l’un d’eux il n’y a pas très longtemps. Le mot « regret » revenait très souvent. Il m’a dit qu’il essayait d’arrêter. Je lui parle souvent d’école, de formations professionnelles car tout le monde n’aime pas l’école. Il n’est pas fier du tout de ses activités.
Quand on est jeune, on te dit « Tu fais partir dix paquets, tu garderas la moitié », pour une vente qui dure dix secondes grand max. A cet âge où on cherche l’indépendance, un moyen si facile de gagner de l’argent ça fait rêver.
Il y a un certain confort quand on arrive à se faire de l’argent si facilement. On n’a pas envie d’en sortir. Mais c’est un plaisir à double tranchant, s’il tombe ça peut détruire leur vie et celle de leurs parents. C’est un piège, de l’argent maudit.
« Pour moi, mon argent aura plus de mérite si j’ai travaillé pour l’avoir »
Aujourd’hui, il y a tellement de moyens légaux pour se faire de l’argent facilement. Pour moi, mon argent aura plus de mérite si j’ai travaillé pour l’avoir.
Mes parents en ont eu l’expérience avec mon grand-frère, c’est pour ça qu’ils ont autant été derrière moi. Mon frère n’était pas dans le trafic de drogue mais dans les conneries et la consommation. Maintenant, il a plus de 30 ans. Il est sorti des conneries mais pas de la drogue. Encore aujourd’hui, j’ai une preuve vivante de ce que toucher aux drogues peut faire sur une vie.
Je ne suis pas tombé là-dedans car j’ai toujours écouté mes parents, quand ils me disaient de ne pas sortir avec telle ou telle personne, de ne pas toucher à la cigarette, de ne jamais lâcher le chemin de l’école… C’est à eux que je le dois.
Aujourd’hui, je suis téléconseiller dans la rénovation énergétique car c’est en rapport avec le projet final de mon BTS mais je vise un bac +5 et un poste dans la finance. J’ai également des projets personnels en cours dans du e-commerce et si ça prend de l’ampleur je me concentrerais sur ça seulement.
Mon avenir, je le vois tout autour du monde. Je ne me vois pas rester en France toute ma vie. Comme tout le monde quasiment, j’espère faire un tour du monde, mais pas en tant que touriste. J’aimerais vivre un peu dans certains pays, me rapprocher de près des cultures, me faire des connaissances à travers le monde.
« À Vénissieux c’est très facile d’avoir de la drogue en revanche j’ai eu beaucoup de mal à trouver une alternance ! »
Ceux qui dealent aujourd’hui devant chez moi restent évidemment mes amis, ça me touche, ça touche également mes parents qui nous ont vus grandir ensemble. Je me fais du souci pour eux. Je leur dis sans voile que leurs activités sont mauvaises, que ça les mènera à la prison ou à la mort.
Entre eux et moi, je ne vois aucune différence. Je sais que certains sont capables de faire mieux que moi s’ils sortent de cette spirale et qu’ils s’y mettent. Personne n’est bête, on vient du même endroit, de la même classe sociale, on peut tous réussir. Je garderai toujours contact avec eux, ça c’est sûr.
C’est compliqué de s’en sortir en habitant à Vénissieux. C’est très facile d’avoir de la drogue et à bas prix. C’est devenu quasiment banal. En revanche j’ai eu beaucoup de mal à trouver une alternance !
Pour éviter que d’autres ne tombent dans le trafic, j’aimerais dire aux petits jeunes au collège ou au lycée actuellement :
N’oubliez pas que l’argent facile n’existe pas. Ne vous laissez pas avoir par tout ce qu’on voit ou ce qu’on entend, que ce soit par des amis ou même dans le rap. La finalité dans tout ça, c’est trois chemins qui vous attendent : la mort, la prison ou la dépendance à la drogue jusqu’à la fin de votre vie. Écoutez vos parents et restez dans le chemin de l’école et du travail. Vous aurez l’impression de sacrifier une partie de votre vie mais vous vous rendrez compte plus tard que ça vous l’aura sauvée. »
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