Il y a des sujets qui nous concernent tous, libre ou sous main de justice, cela ne fait guère de différence. L’argent reste une préoccupation majeure pour la majorité d’entre nous. En prison, on ne déroge pas à la règle. La différence est que nous sommes pieds et poings liés pour améliorer notre situation financière.
Même si je suis dehors, il m’est impossible de ne pas revenir sur ma période de détention afin d’expliquer au mieux quels sont les droits des détenus et, de facto, des sortants de prison, qu’ils soient définitivement libres ou sous bracelet électronique.
Les droits, qui semblent acquis à l’extérieur, ne le sont plus lorsque l’on franchit les murs
Les droits qui semblent acquis à l’extérieur ne le sont plus lorsque l’on franchit les murs de la prison.
Je prends l’exemple de l’assurance maladie, si vous tombez malade demain, il vous semble normal d’être payé le temps de votre arrêt ? En prison, ce droit n’existe pas même si l’on travaille. Arrêt du médecin ou non, les jours manqués sont déduits de la paie. Même quand on gagne au maximum 4 euros de l’heure, la différence est grande.
Il en est de même pour Pôle Emploi. Bien que j’ai exercé un job en détention, cela ne m’ouvre en rien des droits au chômage. Pour l’intérieur, comme pour l’extérieur.
De même, si avant votre incarcération nous avions cotisé, comme de nombreux français à des droits au chômage, sachez que nous ne les touchons pas en détention. Toutefois, le point à ne pas négliger, est que ceux-ci continuent à courir. De fait, si l’incarcération dure plus de trois ans, nous n’aurons plus de droits à la sortie puisqu’on ne peut être indemnisé que durant deux ans.
Les plans prévus de l’intérieur ne sont en aucun cas une valeur sûre, j’en atteste
En ce qui me concerne, mes relations avec Pôle Emploi se sont compliquées à ma sortie. Je faisais en effet parti des « chanceux » ayant encore des droits chômages ouverts. Ce qui me permettait d’envisager la sortie, et mon projet de manière plus sereine grâce à des allocations chômage.
Mais les plans prévus de l’intérieur ne sont en aucun cas une valeur sûre. J’en atteste.
Pour ma part, c’est un document manquant de mon ancien employeur qui a fait tout basculer. Ce document ne manquait pas avant mon incarcération, mais aujourd’hui Pôle emploi me le réclame. Or il m’est quasi impossible de le trouver. Cet employeur est introuvable puisqu’il s’agit d’un particulier et que quelques années se sont écoulées depuis la fin de mon contrat.
Quelques semaines après ma sortie, mes revenus ont disparu et Pôle Emploi irait même jusqu’à me demander de rembourser mes allocations touchées juste avant mon incarcération !
Il me semble important de noter que le gouvernement s’est enfin emparé de la question dans le cadre du projet de loi dit « pour la confiance dans l’institution judiciaire » déposé à l’Assemblée nationale le 14 avril dernier. Cela devrait permettre d’ouvrir des droits comme tout citoyen et de fait, d’envisager une sortie avec une base financière. Mais avec un taux horaire d’approximativement quatre euros, le plafond des droits sociaux à venir sera bien mince.
Quand rien ne nous attend à l’extérieur, je ne vois pas comment une réinsertion sereine peut être possible
Jusqu’en septembre 2017, lors d’une sortie de détention, que l’on soit sous bracelet électronique ou non, il était possible de toucher l’ATA (Allocation Temporaire d’Attente). Cette dernière a été supprimée pour être remplacée par le RSA. Il n’y a donc plus aucune aide spécifique aux sortants de détention. Lorsqu’il faut recommencer à zéro, que plus rien ne nous attend à l’extérieur, je vois difficilement comment une réinsertion sereine peut être possible.
Il existe bien se que l’on appelle un « pécule libérable ». Il s’agit là d’un « compte » à mon nom sur lequel durant toute ma détention, un pourcentage des sommes que j’ai gagné en travaillant, ou des mandats que j’ai reçu de la part de mes proches est bloqué. Avec une telle appellation, on ne peut que penser que cette somme sera remise lors d’une sortie en aménagement de peine.
La réalité est que pour avoir le droit à cette somme, il ne faut pas être soumis à une mesure d’aménagement de peine que j’appellerais « sous contrainte ». Ce qui est évidemment mon cas puisque je porte un bracelet électronique. Je n’ai donc aucunement droit à cette somme qui dort actuellement à la maison d’arrêt à laquelle je suis écrouée sous le régime de détention à domicile. Je n’aurais le droit à cette somme que lorsque je serai en conditionnelle, c’est à dire dans plusieurs mois. Alors que sans nul doute, cette somme m’était vitale pour recommencer à zéro au moment même de la sortie.
Il m’a fallut deux mois pour avoir un CPIP référent, alors que les premiers mois sont les plus rudes émotionnellement et matériellement
Pour ma part, je suis lucide, sans mon entourage qui a toujours été d’un soutien sans faille, je n’aurais pas pu démarrer comme je l’ai fait. Je n’aurais pas pu envisager de poursuivre mes études, et d’emprunter un parcours d’étudiante peu rémunérateur.
D’autant que, j’estime avoir les capacités me permettant de chercher puis de formuler ma demande pour ce à quoi j’ai le droit. Toutefois, ne nous mentons pas, ce n’est pas le cas de tous. Comment peut-on alors parler de réinsertion, de place dans la société et d’égalité lorsque certains restent sur le bas côté faute de pouvoir, de savoir faire eux-mêmes. Dans ce cas-ci, les difficultés de communication se prolonge à l’extérieur.
Une aide peut être apporté, par le Conseiller Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (CPIP) par exemple, mais même avec la meilleure volonté du monde, ils manquent d’effectifs pour assurer ce type de suivi à tous ceux qui en auraient besoin. Il m’a fallu deux mois pour avoir un CPIP référent, alors que sans nul doute, les deux premiers mois sont les plus rudes émotionnellement et matériellement.
Les assistants sociaux croulent eux aussi sous les demandes, sans les moyens nécessaires. Quant aux associations, il faut savoir les chercher.
L’équilibre est difficile à trouver, les choix parfois cornéliens.
Sortante de prison. Libre mais pas totalement, harnaché avec un bracelet électronique. Marchant sur un fil. L’équilibre est difficile à trouver, les choix parfois cornéliens. Continuer à m’accrocher à mes espoirs de carrière ou abandonner pour un job alimentaire? La réinsertion, la vraie, ne doit-elle pas passer par là, par un projet qui m’habite, qui me nourrit intellectuellement, une voie que j’ai choisie?
Je crois que cette question est commune à tous, la différence est mon statut. Pour un tas de raisons, notamment judiciaire, je pense ne pas avoir le droit à l’erreur. Plus que n’importe qui, je veux, je dois concilier le tout. Cela implique de ne passer à côté d’aucun de mes droits. D’ouvrir chacune des portes et de ne pas reculer quand bien même l’interlocuteur me dévisage et me juge. Regarder droit devant et se répéter qu’un jour je n’aurais plus besoin de ces béquilles que sont les aides.
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