Le jeudi 9 septembre, des employés d’Enedis sont venus devant le squat de l’avenue Blanqui démonter le compteur qui permettait d’alimenter en électricité cette maison de deux étages occupées illégalement par des familles depuis l’automne 2019.
Les employés d’Enedis ont agi sur la demande du propriétaire, le bailleur social Semcoda, également propriétaire de l’Ehpad d’à côté qui cherche à s’agrandir (lire encadré). Ils étaient accompagnés d’agents de la police municipale de Villeurbanne.
La démarche a fait vivement réagir l’exécutif PS/EELV/PCF/Insoumis qui dirige la deuxième plus grosse commune de la métropole.
Antoine Pelcé, conseiller municipal délégué à l’hébergement d’urgence, a déploré cette coupure d’électricité :
« La Ville a fait au mieux, en dialogue avec les collectifs de soutien, pour assurer les conditions de vie les moins difficiles et le bon voisinage, conformément aux engagements de ne pas expulser sans relogement. (…) La stabilisation des sites occupés sans droit ni titre n’est pas aisée. Ce n’est pas satisfaisant, mais je vous assure que la Ville de Villeurbanne refuse toute intervention qui dégrade les conditions de vie des personnes vivant déjà dans un grand dénuement. Nous allons continuer à ouvrir des logements, des places d’hébergement, des services alimentaires et de santé. Nous ne pensons pas que la répression des pauvres soit un moyen de remédier à la pauvreté ».
L’élu explique l’intervention de la police municipale par les automatismes d’une procédure :
« Le technicien a sollicité la police municipale en signalant simplement qu’il était confronté à un risque. Dans ce type de situation, la Police Municipale est tenue de se déplacer. Elle a donc assisté à la coupure d’électricité sans être fondée à agir pour l’arrêter. »
Avenue Blanqui à Villeurbanne, « on était presque dans une maison comme une autre »
La coupure d’électricité a accentué le dénuement des trois familles qui restent dans ce squat expulsable depuis le 15 juin dernier.
Alketa, 19 ans, se fait porte-parole des habitants :
« Cette maison est déjà difficile à chauffer à la base. Avant, avec l’électricité, c’était bien mieux qu’à la rue. On était presque dans une maison comme une autre. On pouvait se laver, faire à manger, nettoyer. C’était vivable ».
Alketa ne comprend pas qu’on les fasse vivre comme ça.
« Le propriétaire, la Semcoda, déconne. Ils ont laissé la maison vide pendant dix ans. Et quand il y a des familles dedans, ils ne nous traitent pas comme des êtres humains. »
Alketa vit avec sa mère, ses trois sœurs et un frère. Sa mère a obtenu la protection subsidiaire de la part de l’Etat français. La jeune femme, elle-même, vient de l’obtenir.
Alketa raconte brièvement les raisons du départ de la famille d’Albanie :
« Mon père était violent avec ma mère et également avec moi. Elle a divorcé. Mais mon père a continué à nous menacer. Nous avons dû fuir car la police prenait le parti de mon père plutôt que de nous protéger ».
Alketa ne comprend toujours pas pourquoi sa famille n’a toujours pas de logement.
« Clarifier la nature des coopérations entre la Semcoda et la Ville de Villeurbanne »
C’est un exemple de plus de la crise de l’hébergement d’urgence dans la métropole de Lyon.
Aucune des trois familles albanaises présentes actuellement dans le squat de l’avenue Blanqui ne sont considérées comme prioritaires par la Maison de la Veille Sociale, en charge de l’hébergement d’urgence par la préfecture du Rhône.
Alors, la Ville de Villeurbanne continue de mettre la pression sur le propriétaire et bailleur social, la Semcoda. Le conseiller municipal, Antoine Pelcé, explique :
« Nous avons écrit à la Semcoda, pour lui proposer de mettre des logements à disposition d’associations, dans le cadre de ses obligations contractuelles, au titre de l’Accord collectif intercommunal d’attribution. Les associations et l’Etat financeur du dispositif étaient d’accord, dans le cadre d’une extension des capacités d’hébergement engagée depuis la crise sanitaire ».
Mais la Semcoda n’a pas répondu aux sollicitations de la municipalité.
A la Ville, on est furieux. Le silence du bailleur et cet épisode de la coupure d’électricité montrent le peu de considération que la Semcoda porte à ces familles. L’élu Antoine Pelcé poursuit :
« La première adjointe, Agnès Thouvenot, va demander à recevoir le Directeur Général de la Semcoda, pour clarifier la nature des coopérations à avoir, par correction partenariale et par humanité envers les personnes les plus vulnérables, lorsqu’on est un organisme à vocation sociale ».
Contactée par Rue89Lyon, la direction de la Semcoda n’a pas donné suite.
A Villeurbanne, « la Semcoda est un bailleur social qui n’a de social que le nom »
Du côté, des collectifs de soutien, on ne décolère pas. D’autant que cette coupure d’électricité intervient dans un contexte d’expulsions passées ou à venir dans la métropole. Le grand squat de Feyzin vient d’être évacué et d’autres opérations pourraient avoir lieu prochainement.
Un de ces militants du droit au logement lance :
« La Semcoda a fait couper radicalement l’électricité (compteurs vidés et dévitalisés en totalité). C’est un mépris et une violence sans appel exercés sur des personnes fragiles, des enfants et des personnes âgées. En pleine pandémie, en pleine rentrée des classes et à l’approche de la période hivernale, toutes ces familles se retrouvent maintenant dans l’obscurité, sans possibilité de faire la cuisine, ni de préparer le petit déjeuner et des repas chauds pour les enfants. La Semcoda, bailleur social, refuse de mettre des personnes vulnérables à l’abri. Maintenant, en plus, elle les punit. C’est une honte ! »
Et d’ajouter :
« La Semcoda est un bailleur social qui n’a de social que le nom ! Nous décomptons des dizaines d’appartements sociaux vacants sur la seule municipalité de Villeurbanne. Contre le sans-abrisme, nous demandons l’ouverture en urgence de ces logements vides par les bailleurs sociaux. »
A défaut de relogement, Alketa et les autres occupants de la maison ont reçu de la part de la mairie des coupons d’un montant de « 400 euros » pour s’équiper en lampes, bouteilles de gaz et autres réchauds.
L’hiver arrive.
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