Rue89Lyon : Quelle est votre situation aujourd’hui ?
Damien, infirmier aux urgences de l’hôpital Edouard-Herriot : Je me suis mis en grève en juillet. Mouvement que j’ai repris fin août. J’ai reçu le 14 septembre, à 14 heures, une convocation pour un rendez-vous ce mercredi 15 septembre, à 11 heures, avec la direction. Vu le délai, j’ai demandé un report pour préparer l’entretien. Nous avons notamment le droit de venir avec un délégué syndical. Il faut que j’organise cela. Je sais que je ne peux plus me rendre sur mon lieu de travail. Mon salaire a été suspendu (même si je ne le touchais déjà plus en tant que gréviste).
C’est une première dans la fonction publique. En théorie, cela arrive seulement lors de fautes très graves. De ce fait, je trouve que la mesure est, quand même, exagérée. Ce qui nous dérange (lire par ailleurs, ndlr), ce n’est pas tant le vaccin que le chantage à la vaccination qui a été fait. Pour moi, la mise en place du pass sanitaire amène une discrimination supplémentaire.
Cette situation va mettre en danger l’hôpital. Même si nous ne sommes pas (du moins « plus ») nombreux à ne pas être vaccinés, l’impact peut être énorme sur des services déjà en souffrance.
Il paraît peu probable que le gouvernement revienne sur sa mesure. Vous êtes coincé. Que comptez-vous faire ?
On verra. Quand ils se rendront compte du manque de personnel, ils devront peut-être se réadapter. En attendant, j’ai un petit pécule. Je vais attendre deux, voire trois mois, histoire de voir comment la situation évolue. Je vais demander une disponibilité à la direction lors de notre entretien. Mais, je ne suis pas certain que ce soit acceptée. Dans l’idée, ils vont nous obliger à démissionner.
« Je suis infirmier car cela correspondait à mes valeurs »
Il aurait été plus honnête de nous licencier. Beaucoup se vaccinent aujourd’hui par dépit, plus que par conviction. Ils ont conscience qu’ils n’auront aucun droit s’ils démissionnent. Du reste, s’il y a besoin, je changerai de travail.
Vous quitteriez l’hôpital public ?
Si la situation se tasse, je ne pense pas que je retournerai dans l’hôpital public. Nous ne faisons pas un travail « de bouche ». Je suis infirmier à l’hôpital depuis 10 ans, parce que cela correspondait à mes valeurs. Pour moi, c’est un lieu de santé ouvert à tous, sans discrimination. Ce n’est plus le cas avec le pass sanitaire.
« Aujourd’hui, ils privilégient l’embauche de vigiles plutôt que l’ouverture de lits »
Je suis infirmier depuis 2009. Je reste positif : peut-être que cet arrêt sera une ouverture vers autre chose ? Mais, pour l’instant, ça donne un coup sur la tête. Si je dois remettre ma blouse, je travaillerais sûrement dans le libéral, à la campagne. Si cela est possible. Actuellement, il est impossible d’exercer sans pass sanitaire. On est bloqué de partout.
Plusieurs de vos collègues finissent par se tourner vers la vaccination. Ce ne sera pas votre cas ?
Non. Je ne suis pas une personne à risque. Je ne suis pas pour autant contre le vaccin. Il était important de vacciner, pour les protéger, les personnes souffrant de maladies graves, les personnes âgées, les personnes fragiles, etc. J’ai travaillé à l’hôpital durant la crise. C’est dans ces catégories-là qu’il y a eu le plus de décès.
Je ne me considère pas comme anti-vax. Je suis vacciné contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite [des vaccins obligatoires pour travailler à l’hôpital, ndlr]. Mes enfants sont aussi vaccinés contre l’hépatite B. Mais, j’ai vu pendant un an et demi les contradictions de nos gouvernants dans la gestion de la crise. J’ai perdu confiance dans un gouvernement qui n’a rien fait pour renforcer la structure de l’hôpital. Aujourd’hui, ils privilégient l’embauche de vigiles plutôt que l’ouverture de lits.
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