Le 15 juillet 2018, Lyon est en ébullition alors que la France et la Croatie disputent la finale de la Coupe du monde de football. Place Bellecour (2e), le jeune Kévin* (le prénom a été modifié), âgé d’une vingtaine d’années, et ses copains ont investi l’appartement familial pour suivre le match.
En début de soirée, ils aperçoivent les forces de l’ordre qui font un usage abondant de gaz lacrymogène sur la place Bellecour, sans faire la distinction entre d’éventuels fauteurs de trouble et les familles avec enfants. Kévin et ses amis interpellent des policiers de la BAC de Lyon, postés au pied de l’immeuble. Les jeunes et les policiers échangent quelques insultes.
Soudain, un policier de la BAC épaule son LBD et tire à deux reprises en direction de la fenêtre de l’appartement. Les balles manquent les jeunes hommes, mais l’une d’elles vient se loger dans le plafond du séjour.
Les parents de Kévin, prévenus par leur fils, appellent à plusieurs reprises le commissariat du 2e arrondissement de Lyon et l’hôtel de police pour avoir des explications. Comme ils n’en obtiennent pas, ils décident de porter plainte le 28 janvier 2019 et font également un signalement à l’IGPN (inspection générale de la police nationale, ou « police des polices »).
Le 6 février, la direction départementale de la sécurité publique répond par courrier que les policiers ont bien réagi en tirant :
« Je […] réaffirme que lors de cette soirée, dans un contexte de guérilla urbaine, les policiers engagés dans une mission délicate de maintien de l’ordre public, ont agi avec tout le professionnalisme qui sied à ce genre de situation. »
Ainsi, aucune suite n’est donnée au signalement. Quant à la plainte, les parents de Kévin n’ont pas de nouvelles non plus malgré leurs relances. D’après Le Progrès, l’insistance du père lui a même valu 28 heures de garde-à-vue.
Au-delà de la frayeur causée à leur fils et à ses amis, les parents de Kévin doivent débourser plus de 1000 euros pour réparer le trou causé par la balle de LBD dans le plafond de l’appartement dont ils sont locataires.
« Une disproportion énormissime » de la réaction des policiers de la BAC
En décembre 2020, ils décident de recourir aux services d’un avocat, en l’occurrence Yannis Lantheaume. Quand l’avocat entame les démarches, il apprend que la plainte déposée par les parents de Kévin a été classée sans suite.
D’après ce même courrier de la DDSP en date du 6 février 2019, les policiers ont dû tirer au LBD « pour se protéger et faire cesser les jets de projectile en provenance de [leur] appartement ».
Le policier à l’origine du tir de LBD a bien été identifié, mais n’a pas été inquiété. Avec ses collègues de la BAC, ils ont porté plainte pour outrage et pour des jets d’eau, de glaçons et de bouteilles. Kévin et ses amis ont bien été condamnés quelques jours plus tard, mais uniquement pour outrage.
Un tir de LBD en réaction à des insultes ? Pour l’avocat Yannis Lantheaume, il y a « une disproportion énormissime ». L’avocat a donc décidé de saisir le tribunal administratif pour engager la responsabilité de l’État :
« L’enjeu, c’est de mettre sur le devant de la scène judiciaire le fait de doter d’armes aussi dangereuses des agents de police un peu cow-boys. »
Yannis Lantheaume n’en est pas à son coup d’essai concernant les tirs de LBD. En novembre 2020, il avait déjà fait condamner l’État pour un tir de LBD dans la jambe d’une manifestante (lire ici).
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