Le nouveau Conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes a pris ses marques. Légèrement remaniée suite aux élections régionales, l’assemblée est toujours présidée par Laurent Wauquiez (LR), largement réélu pour un second mandat. Après avoir abondamment affirmé au long du dernier mandat que la région Auvergne-Rhône-Alpes était « la région la mieux gérée de France », Laurent Wauquiez entend bien en faire aussi « la région la mieux protégée ». Reste que ses compétences sont circonscrites à la gestion des lycées et des TER, notamment.
Le budget sécurité de la Région passe donc de 167 millions d’euros sur le précédent mandat à 310 millions d’euros pour celui-ci. Et tant pis si la sécurité n’est pas, donc, une compétence régionale directe.
Des caméras dans les cars scolaires de la région
Les lycées, eux, relèvent directement des compétences de la Région. Laurent Wauquiez a donc décidé de s’en saisir pour se positionner sur cette thématique politique qui lui est chère : la sécurité. Il inscrit également dans ce domaine la lutte contre le harcèlement scolaire.
Et pour ce faire, de nouvelles caméras seront installées d’ici la fin de l’année dans les cars scolaires de la Région, pour dissuader les élèves à commettre d’éventuels faits de harcèlement et de racket.
Lors de la conférence de presse qui a précédé cette assemblée plénière, Laurent Wauquiez a annoncé que tous les cars devraient être sécurisés d’ici la fin de l’année. Pour traiter ces données, un nouveau centre de supervision sera également créé. Lors de la campagne électorale, Najat Vallaud-Belkacem, alors candidate du PS, avait moqué les caméras de Laurent Wauquiez qui n’étaient reliées à aucun poste de police.
Wauquiez crée les « brigades régionales de sécurité » dans les lycées
La Région compte bien poursuivre ce type d’actions à l’intérieur même des établissements scolaires.
Ainsi, une « brigade régionale de sécurité » devrait voir le jour. Celle-ci pourra intervenir auprès des lycées qui en feront la demande, aussi bien dans les établissements scolaires qu’aux abords ou dans les transports scolaires.
Sa composition est encore floue, le dossier de presse de la Région évoquant juste la présence « d’anciens policiers, gendarmes ou douaniers ».
D’une manière plus générale, 10 000 caméras de vidéosurveillance supplémentaires seront déployées dans toutes les communes de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Les écologistes accusent Laurent Wauquiez « d’instrumentaliser le Conseil régional » avec des propositions pour la sécurité qu’ils jugent n’être « qu’un tremplin pour ses ambitions présidentielles ». Dans un communiqué, ceux-ci pointent du doigt la priorisation décidée par Laurent Wauquiez : la sécurité, au détriment d’autres compétences régionales :
« Une milice régionale pour surveiller les adolescentes et les adolescents, est-ce la priorité pour nos lycées ? Certainement pas. Nos lycées ont besoin d’être rénovés pour assurer de bonnes conditions d’étude notamment lors de pics de chaleur. Nos lycées et les équipes éducatives ont besoin de moyens pour mettre en œuvre des projets pédagogiques stimulants, permettre à nos élèves de développer leur sens critique, de se familiariser avec les grands enjeux de notre siècle. Nos lycéennes et lycéens ont besoin d’un accès renforcé à la culture mais également à l’éducation et à la prévention que ce soit en matière de sexualité, de santé, d’égalité. »
De la reconnaissance faciale dans les TER
Autre porte d’entrée pour parler sécurité, qui aura bien été le principal thème de cette première assemblée plénière : les transports. En plus de l’augmentation de 50% des effectifs de police ferroviaire d’ici la fin du mandat, Laurent Wauquiez annonce le déploiement, à titre expérimental, d’un dispositif de reconnaissance faciale dans les transports régionaux, censé améliorer la sécurité des voyageur·ses.
Les TER sont concernés ainsi que les gares de la région. Il s’agirait de pouvoir examiner les images filmées a posteriori des faits, pour pouvoir « reconstituer rapidement le parcours des délinquants ou criminels dans les transports régionaux ».
Un dispositif qui a fait bondir les écolos qui contestent sa légalité. Ils ont indiqué avoir contacté la Quadrature du Net, une association spécialisée dans la défense et la promotion des droits et libertés sur Internet. Celle-ci leur aurait affirmé que ces dispositifs de reconnaissance faciale ne s’appuieraient sur aucune base légale.
Des projets similaires avaient été annoncés par la Région PACA pour surveiller l’entrée de deux lycées à Marseille et à Nice. Début 2020, les deux ont été retoqués par le tribunal administratif qui a rappelé que l’encadrement et la surveillance des élèves ne relevait pas de la Région mais des chefs d’établissement, et que de tels dispositifs étaient contraires au règlement général sur la protection des données à caractère personnel (RGPD).
« On a du recul, Poutine l’utilise ainsi que la Chine »
Chez les autres partenaires de gauche, ces annonces de recours à la reconnaissance faciale ne passent pas non plus. Olivier Longeon, conseiller régional de l’Union de la gauche de la Loire, raille le projet de Laurent Wauquiez :
« On a du recul, Poutine l’utilise ainsi que la Chine »
Même le Rassemblement national (RN) est d’accord avec les écologistes et la gauche pour s’opposer à la reconnaissance faciale :
« C’est la mode de fouler aux pieds la liberté des Français ! », lance Vincent Lécaillon, conseiller régional (RN).
Laurent Wauquiez, visiblement piqué au vif par la comparaison, réagit d’un ton sec :
« Je ne sais pas si vous savez mais la reconnaissance faciale été utilisée très récemment à Lyon, place Bellecour, pour les rodéos. Une ville de gauche et contrôlée par les Verts, ils ont utilisé la reconnaissance faciale. »
Laurent Wauquiez a probablement en tête à cet instant la condamnation en comparution immédiate d’un « rodéo man » en mai dernier à Lyon. Une affaire dans laquelle la reconnaissance faciale a été utilisée pour l’identifier, selon un article du Progrès, par la police et non par la Ville de Lyon, sur la base d’images de vidéo-surveillance.
Et la conseillère régionale du RN, Isabelle Surply, d’ajouter de l’huile sur le feu en moquant la position de la gauche et des écologistes prônant la défense des libertés individuelles. Mais au final, elle renvoie en dos-à-dos les écologistes et les dispositifs de Laurent Wauquiez :
« Je vous rappelle quand même que vous avez fait fermer des rues à partir d’un certain jour pour empêcher les rodéos, ce qui est extrêmement liberticide (en référence à la fermeture à la circulation de rues dans la presqu’île, temporaires ou définitives, par la mairie de Lyon; ndlr). C’est pour ça que je trouve très gonflées vos idées du côté de la gauche. Qu’est-ce qu’on fait ? On va mettre des millions de caméras et fermer toutes les rues, tous les jours de la semaine ? »
Pour la gauche, le dispositif de reconnaissance faciale de Laurent Wauquiez n’est qu’un effet d’annonce
Mais alors à quoi pourrait donc ressembler ce dispositif ? Quel serait son intérêt alors que la police l’utilise déjà ? Même pas celui d’une utilisation en temps réel. Laurent Wauquiez lui-même a rappelé que la loi ne l’autorisait pas.
Alors, face au tollé général que soulève la reconnaissance faciale, Laurent Wauquiez décide d’employer les arguments massue sans vraiment en dire plus sur son dispositif :
« La reconnaissance faciale en temps réel n’est pas autorisée législativement pour l’instant dans notre pays. Il ne s’agit pas de ça. Il y a la reconnaissance faciale a posteriori. Vous vous êtes fait violer dans une gare, est-ce que vous utilisez la reconnaissance faciale pour identifier son auteur ? Le Rassemblement national nous dit non, EELV nous dit non. Il est de notre responsabilité de protéger nos lycées, nos trains, nos gares. Quand vous votez contre, vous votez contre la possibilité d’utiliser ces logiciels pour trouver des criminels. »
De quoi faire dire à Stéphane Gemmani, conseiller régional de l’Isère élu sur la liste de l’Union de la gauche, qu’il s’agit là de réinventer la roue en quelque sorte et donc d’un effet d’annonce :
« Ici vous nous réinventez le fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ)(…) Seule la reconnaissance faciale a posteriori par la police est possible à l’aide du fichier du traitement des antécédents judiciaires qui outre les renseignements habituels d’état civil, inclut la photographie portant des caractéristiques techniques permettant de recourir à un dispositif de reconnaissance faciale, dont le contrôle très encadré est supervisé par la CNIL. En conséquence, compte tenu du descriptif fait du dispositif de reconnaissance faciale qui s’apparente bien au TAJ, il convient de dire que les autorités policières et judiciaires n’ont nullement besoin de la Région pour exercer des prérogatives qu’elles exercent déjà sans avoir besoin de l’autorisation du Conseil régional. »
« Les textes légaux ne vous autorisent pas à grand-chose »
Plusieurs membres des listes de l’Union de la gauche ont pris la parole à la fin pour exprimer leur désaccord sur l’approche globale du thème de la sécurité détaillée par Laurent Wauquiez.
En particulier Najat Vallaud-Belkacem, tête de liste PS aux élections régionales et aujourd’hui conseillère régionale Union de la gauche pour le Métropole de Lyon, termine en martelant à nouveau que, malgré le doublement du budget qui lui est alloué, la sécurité n’est pas une compétence de la Région :
« Nous, nous abordons cette question avec sérieux et préférerons toujours l’efficacité des politiques menées aux effets d’annonce. D’abord, pas un mot sur les questions de prévention. Sur tous les sujets qui ont fait l’objet de beaucoup de discussions, reconnaissance faciale, fin des aides régionales, vous savez bien que les textes légaux ne vous autorisent pas à grand-chose au-delà de toutes les dispositions que nous avons ici. »
Suspension des aides régionales pour les « délinquants »
La Région a également décidé de s’en prendre au porte-monnaie pour « mettre fin aux incivilités ». Ainsi, les « délinquants », ceux qui « attaquent les forces de l’ordre et font des rodéos », selon Renaud Pfeffer, vice-président en charge de la sécurité, verront leurs aides suspendues pour une durée variable, pouvant aller jusqu’à trois ans.
Les aides qui pourront leur être sucrées sont le Pass Région, l’aide au permis de conduire, la bourse au mérite, la bourse à la mobilité internationale, les bourses aux étudiant·es en formation sanitaire et sociale, l’aide au premier équipement, les réductions dans les TER, les aides scolaires et le financement des formations professionnelles.
Une mesure inacceptable pour Fabienne Grébert, tête de liste EELV puis de l’union de la gauche aux élections régionales et aujourd’hui conseillère régionale pour la Métropole de Lyon :
« Non, le président de Région n’a pas tous les droits. Non, le président de Région n’a pas les pouvoirs de supprimer des aides à ses administrés. Et si le président de Région voulait être exemplaire, qu’il commence à faire la chasse aux conseillers régionaux qui sont sous le coup d’une décision de justice. »
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