La question sera abordée dans le cadre de cette session des « Mercredis de l’anthropocène », depuis la galerie Michel Descours ce mercredi 23 juin de 18h30 à 19h30. A écouter ensuite en podcast. Cette édition est en partenariat avec Radio Bellevue Web et Frigo&co.
Dans le texte ci-dessous, Yann Brunet – doctorant à l’Université Lyon 2 rattaché au Laboratoire d’études rurales et Environnement ville société – nous parle de la dimension politique des déchets.
Du 12 au 15 octobre 2021 se tiendra à Eurexpo (Lyon) la 29e édition du salon Pollutec relatif aux technologies de protection de l’environnement ou « éco-industries ». Il accueillera 2200 exposants, 70 000 professionnels de 128 pays et proposera 400 conférences. De l’eau a coulé sous les ponts depuis les premiers salons professionnels spécialisés sur l’environnement des années 1970 en France qui ne réunissaient que quelques dizaines d’exposants .
La protection de l’environnement rapporte et cela doit beaucoup aux institutions et pouvoirs publics. Depuis les années 1960-1970, les politiques de protection de l’environnement reposent sur des solutions technologiques. Les réflexions se concentrent sur les moyens de concilier développement et environnement en accompagnant les industriels dans cette transition.
Par exemple, le gouvernement a développé une politique contractuelle avec les industries les plus polluantes telles que la production de pâte à papier, la pétrochimie, la cimenterie etc. Entre 1972 et 1993, l’Etat a conclu une vingtaine d’accords. Dans ce cadre, il peut accorder une aide financière si les échéances du programme établi sont respectées.
L’idée étant d’inciter les industriels à moderniser leurs installations. En décembre 1975, lors de l’organisation à Toulouse d’un congrès national sur les « technologies propres », un article du Monde rapporte que « pour encourager les « capitaines [d’industrie] courageux » le ministre de la qualité de la vie leur accorde des aides financières. Parfois 50 % des investissements nécessaires. Cela représentait cette année, y compris les aides à la recherche, un effort de 10 millions de francs ».
Hier, c’était les « technologies propres », aujourd’hui on parle de « GreenTech »
De la même manière, en 1982, les directeurs d’Agence Financière de Bassin (AFB) ainsi que le directeur de l’Agence pour la qualité de l’air (AQA), diffusent une brochure d’appel à proposition intitulée : « Produire mieux – Polluer moins » qui vise à promouvoir les « technologies propres ».
Cette politique est aussi soutenue par les institutions européennes via des programmes de recherches et des séminaires dès les années 1970.
Près de cinquante ans plus tard, cette politique n’a pas fondamentalement changé. Les problématiques environnementales doivent être solubles dans les avancées et innovations technologiques. On parle aujourd’hui de « GreenTech », de « French Tech for the Planet » et de « licornes » associées ou « start-up à haut potentiel » .
Force est de constater que cette ancienne politique, qui alimente un marché de l’environnement prospère, peine à se montrer convaincante à la lumière de la crise environnementale actuelle. Par ailleurs, cette focalisation sur une résolution technologique des problématiques environnementales tend à dépolitiser les enjeux associés et doit nous questionner.
La matière comme point de départ : la question des déchets
L’une des façons de rester critique envers ces discours quelque peu éthérés est de considérer la matière comme point de départ, ses transformations dans les procédés industriels et sa répartition géographique.
Par exemple, l’incinération des ordures ménagères dans un contexte de protection de la qualité de l’air produit des mâchefers (matières imbrûlées) et des REFIOM (Résidus d’Epuration des Fumées d’Incinération des Ordures Ménagères).
L’épuration des fumées elle-même fait intervenir des produits chimiques tels que de la chaux et de l’ammoniaque. L’incinération des ordures ménagères est un procédé industriel qui produit des déchets (industriels).
En 2019, 7 7750 tonnes de REFIOM produits par les deux unités de traitement de la Métropole de Lyon (Lyon-Gerland et Rillieux-la-Pape), chargées en substances toxiques, ont été envoyées soit vers une Installation de Stockage de Déchets Dangereux (ISDD) à Bellegarde (Gard), soit à Drambon (Côte d’Or), ou encore pour combler les cavités des mines de sel en Allemagne.
Ces sites de stockage français sont tous exploités par Suez, « géant des déchets », et en dehors du département.
Ajoutons que malgré les discours des acteurs publics et privés relatifs à la « stabilisation » des déchets (perméabilité et tenue mécanique), leur évolution à long terme reste très incertaine.
Comme le montre la géographe canadienne Myra J. Hird dans son dernier ouvrage (2021), le point de départ de l’élaboration de nos politiques de gestion des déchets devrait être l’incertitude. Celle-ci permet de repolitiser cet enjeu. La matérialité de nos rebuts, support de cette incertitude, est un agent de cette mise en politique.
« Sur les traces de nos déchets » une conférence en direct le 23 juin de 18h30 à 19h30 puis disponible en podcast.
Une conférence en partenariat avec avec Radio Bellevue Web et Frigo&Co. Avec en invités :
– Yann Brunet. Doctorant à l’Université Lyon 2, lauréat d’une bourse de thèse de l’Ecole urbaine de Lyon, il est rattaché au Laboratoire d’études rurales et Environnement ville société. Ses recherches portent sur l’étude historique des flux de déchets de trois métropoles au XXe (Lyon, Montréal et Manchester).
– Rémy Gourdon. Professeur à l’Insa de Lyon, rattaché au laboratoire Déchets Eaux Environnement Pollutions (DEEP), il est spécialiste de biophysicochimie environnementale et des traitements biologiques.
Le débat est animé par :
– Lucas Tiphine. Chargé du développement de la plateforme éditoriale de l’École urbaine de Lyon Anthropocene2050 et coordinateur scientifique de l’Abécédaire de la ville Le Monde Cities/École urbaine de Lyon.
> Le titre et les intertitres sont de Rue89Lyon
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