À Lyon comme dans les autres métropoles, l’agriculture recule. Tout naturellement, les écologistes à la tête de la Métropole depuis un an, ont échafaudé un plan pour lutter contre la bétonisation des sols et développer les circuits courts.
L’essentiel de la production agricole locale exportée hors de Lyon
Présentée ce lundi en conseil de Métropole, cette politique agricole locale s’appuie sur de nombreux indicateurs qui ont viré au rouge depuis quelques années. Voici les principales difficultés listées par la Métropole sur son périmètre :
- Le foncier agricole qui disparaît d’année en année : 10 000 ha ont été artificialisés en 10 ans (dont 90% de terre agricole) dans le Rhône. C’est 1 ha de terre agricole qui disparaît tous les jours depuis dix ans dans le Rhône.
- 44% d’agriculteurs en moins en 20 ans entre 2000 et 2010
- 8% seulement de surfaces en bio.
- 70% de l’eau consommée est à des fins agricoles
Par ailleurs, les exploitations agricoles de la région de Lyon ne suffisent pas à nourrir les habitants. Pis, l’essentiel de la production est exportée hors de Lyon.
« À l’échelle du territoire métropolitain étendu dans un rayon de 50 km, l’autonomie alimentaire n’atteint que 4,6 % et près de 95 % des produits agricoles sont aujourd’hui exportés », expose la délibération du 21 juin 2021.
Autrement dit, notre assiette de Grand Lyonnais est composé à 95,4% de produits en provenance d’autres régions de France ou d’autres pays.
Une politique agricole de la Métropole de Lyon pour « plus d’autonomie alimentaire »
Cette politique agricole de la Métropole de Lyon version écolo se décline en cinq axes, pour « plus d’autonomie alimentaire » et « lutter contre la précarité alimentaire ».
« Préserver et gérer durablement les terres agricoles ». La Métropole va « mettre en place une stratégie de maîtrise foncière agricole », visant à préserver le foncier agricole. L’objectif est ambitieux puisqu’il vise un « zéro artificialisation nette ». Cette politique passera notamment par la préemption et l’acquisition de terrains.
« Augmenter la population agricole ». Face à la diminution du nombre d’agriculteurs et au vieillissement de cette population, « la stratégie foncière agricole de la Métropole devra permettre de mettre à disposition du foncier public ou privé pour les agriculteurs, et de donner la priorité à l’installation ».
- « Développer l’agroécologie et l’agriculture biologique ». Le constat, connu, est rappelé dans la délibération : « les pratiques agricoles intensives ont pour conséquences la dégradation de l’environnement – destruction des milieux naturels, émissions de gaz à effet de serre, pollution des eaux et des sols par les nitrates ». La Métropole entend « limiter les externalités négatives » par la « promotion de l’agriculture biologique » notamment via la commande publique et aider les exploitations « à réduire leur dépendance aux énergies fossiles (…) en encourageant le développement d’outils agricoles de basse technologie ou low-tech sur le territoire ».
- « Adopter une gestion intégrée de la ressource en eau et préserver sa qualité ». Il s’agit de développer l’agriculture bio pour, surtout, « garantir la qualité de l’eau des captages d’alimentation en eau potable, aussi bien en ce qui concerne les nitrates que les pesticides ». Par ailleurs, la Métropole veut « inciter » à la mise en place de cultures peu gourmandes en eau et la généralisation de pratiques agronomiques économes en eau (telles que l’irrigation au goutte-à-goutte) permettront de limiter la gravité des crises liées à l’eau ».
Les leviers d’action identifiés par la Métropole sont essentiellement la mise en place d’incubateurs de paysans pour tester la viabilité économique du projet d’installation. Ces « espaces test agricoles » devraient fonctionner comme des pépinières d’entreprises, surtout à destination de « porteurs de projets souvent non issus du monde agricole », avec la mise à disposition de foncier et de matériel agricole.
La Métropole va également créer une « régie agricole » dont le statut n’est pas encore défini. Ce qui a fait bondir de joie l’élu communiste Pierre-Alain Millet qui a pu lancé un « vive les kolkhozes ! », lors de son intervention.
- « Développer une agriculture nourricière tournée vers les circuits courts et de proximité ». C’est toujours le levier de la commande publique qui est avancé pour « relocaliser le système alimentaire et renforcer sa résilience » : « la commande publique de la restauration collective, notamment les cantines des collèges, sera utilisée pour soutenir les productions en circuits courts ou de proximité et les filières de territoire de qualité (agriculture biologique notamment).
Par ailleurs, « la Métropole poursuivra sa politique en matière de jardins collectifs, familiaux, partagés et d’insertion, en accordant une attention plus particulière aux projets visant une autoproduction nourricière ».
Une politique agricole écolo dans la continuité du « Projet alimentaire du territoire lyonnais » de David Kimelfeld
Cette « nouvelle stratégie agricole » se situe dans la continuité du « Projet alimentaire du territoire lyonnais » (PATLY) lancé en juin 2019. C’était sous la majorité précédente dirigée par David Kimelfeld (LREM).
La politique agricole écologiste, comme le « PATLY » de David Kimelfeld, vise à développer une agriculture plus « soutenable et de proximité » et une « justice alimentaire ».
Ce n’est donc pas une révolution mais un « changement d’échelle » comme le reconnaissait le vice-président Jérémy Camus, en charge de « l’agriculture, alimentation et résilience du territoire ». Ce dernier, pour conclure les débats, a insisté sur l’effort financier de la collectivité : un « budget multiplié par quatre » à 12 millions d’euros de 2021 à 2026 « contre 3,2 millions » pour le mandat précédent.
L’élu Jean-Luc Da Passano – qui siège dans le groupe d’opposition de David Kimelfeld et qu’on n’attendait pas sur le sujet de la défense des terres agricoles – a vanté ce « Projet alimentaire du territoire lyonnais ».
« Ne croyez pas que vous avez le monopole de cette politique », a-t-il lancé.
Il s’est félicité de ce nouveau tournant, en suggérant des ajouts à cette politique. Selon lui, il faudrait développer :
– « Le logement des agriculteurs sur place ». Car, dans l’agglomération, trop souvent les agriculteurs n’arrivent pas à trouver un bâtiment qui puisse faire office de lieu de stockage et d’habitation.
– « La cohabitation entre les urbains en balades et les agriculteurs qui travaillent ». En travaillant notamment les itinéraires de randonnées et, pourquoi pas en posant des barrières.
– « La sécurité ». Selon l’élu d’opposition, vols et chapardages nuisent à l’équilibre des exploitations. Dans son esprit, il faudrait même mettre en place des dispositifs de vidéosurveillance ou des rondes menées par une police métropolitaine (qu’il faudrait aussi créer).
L’agriculture dans un rayon de 50 km autour de Lyon
Que ce soit sous David Kimelfeld (LREM) ou sous Bruno Bernard (EELV), le développement de la production agricole locale est envisagé à un périmètre plus large que celui de la Métropole.
L’objectif à court terme est toujours de passer de 4,6% à 15% d’autonomie alimentaire comme le suggérait le Schéma de cohérence territoriale de l’agglomération lyonnaise (Scot – qui définit les grands axes d’aménagements du territoire jusqu’en 2030) repris par le « PATLY » en 2019 et sur lequel les écologistes ne sont pas revenus.
Cette objectif se situe dans un périmètre qui va au-delà du Scot de l’agglomération lyonnaise :
« Dans un périmètre de 50 km autour de Lyon – qui correspond globalement au périmètre de l’aire métropolitaine Lyon Saint-Etienne -, la production agricole permettrait de couvrir en théorie 93 % de la consommation alimentaire des habitants ».
Dans la définition de leur politique agricole, les écologistes ont repris ce rayon de 50 km autour de Lyon comme périmètre d’action. Sans plus de précisions sur les mesures qui seraient déclinées à cette échelle-là. Et pour cause.
Ce rayon de 50 km signifie aller en dehors des limites de la collectivité et entrer en discussion avec les communautés de communes, le Département du Rhône et les communes.
Ce ne sera pas sans difficulté. Nous avons déjà rapporté que dans l’Ouest lyonnais, la communauté d’agglomération de l’ouest rhodanien (COR) rechignait à devenir le « grenier » de la Métropole de Lyon et continue des projet d’artificialisation des sols.
Comment la Métropole de Lyon pourra-t-elle imposer ses vues au-delà de ses frontières ? C’est le non-dit de cette « nouvelle stratégie agricole ».
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